Jusqu’au 7 avril, Les Magasins Généraux à Pantin invitent la peintre et musicienne Inès Di Folco Jemni à prendre possession des lieux et de leur programmation dans le cadre d’une exposition-résidence. Pour son premier projet personnel de si grande envergure, la jeune artiste qui exposait au printemps dernier dans une galerie new-yorkaise a choisi de transformer les Magasins Généraux en un vaste salon dédié aux rêves, aux rituels et à la mémoire. Des invitations à d’autres artistes et l’appel à participation de tous les publics, y compris des enfants, éveilleront Le Salon des songes par des ateliers, lectures, performances et concerts. Place à la poésie sonore et picturale, aux passerelles entre les mondes.
« La peinture, comme poésie, ut pictura poesis », selon la formule du poète latin Horace, qui envisage la peinture comme un poème visuel est une posture vitale pour l’artiste Inès Di Folco Jemni dont les sources inspiratrices sont vastes, issues de fictions et légendes personnelles, empreintes de citations bibliques, et de mythologies gréco-romaines réactivées par la grâce de la Renaissance italienne… Sa curiosité nourrie par une double culture franco-africaine, ses affinités artistiques à Cuba… font cheminer l’artiste entre la mystique des poétesses du 8e siècle telle Rabia al Adawiyya et les écrits les plus actuels, en passant par diverses plumes qui l’ont marquée, comme celles de Mahmoud Darwich, Etel Adnan, Sei Shōnagon ou Gibran Khalil Gibran. Ce n’est sans doute pas un hasard si la figure de Sandro Botticelli est convoquée ici (notre visuel d’ouverture) dans une œuvre d’une belle maturité présentée sous le nom de Vénus. « Ma pratique artistique, explique Inès Di Falco Jemni, c’est d’abord beaucoup de recherches. Je m’inspire de la littérature, de la poésie et des archives. J’ai travaillé sur les archives d’un journal à Cuba par exemple, où je m’inspire des visages de scènes qui ont été photographiées. Je les redessine ou les réinterprète dans mes peintures. Il peut s’agir de portraits de famille de photos vernaculaires ou qui n’ont pas forcément été prises pour leur aspect artistique. »
Fidèles à l’esprit des Magasins Généraux depuis leur création par l’agence BETC en 2017, les expositions-résidences sont destinées à mettre en lumière une nouvelle génération d’artistes dont les pratiques portent un engagement sociétal fort, et dont la particularité consiste à naviguer entre différents champs de la création « Derrière la plupart des peintures d’Inès Di Folco Jemni sommeille au moins un poème », constatent les curateurs de l’exposition Anna Labouze & Keimis Henni qui lui confient les clefs de la maison jusqu’au 7 avril.
L’exposition se compose ainsi de cinq salons thématiques, à parcourir librement. Dans chacun d’eux, est exposé un corpus d’œuvres que l’on prend le temps d’observer. Lieu de l’imaginaire, des légendes, de la métamorphose et des sens en éveil, le Salon de la poésie, nous invite à s’asseoir, à ouvrir un recueil et lire, seul(e) ou à plusieurs ; et pourquoi pas à haute voix car il est aussi celui des luttes et des résistances. Dans le Salon de musique on écoute , dans le Salon des ancêtres on regarde un film ou un documentaire, et dans leSalon de l’artiste, on peut soi-même créer… Ou encore, jouer et dessiner dans le Salon des enfants, car jeune maman, sensible à leurs imaginaires Inès Di Folco pourrait presque nous faire croire que c’est aux enfants – à ceux qui demeurent en nous-mêmes –, que l’ensemble de son œuvre s’adresse. Sa peinture n’a rien de naïf, bien au contraire. « Durant mon enfance, j’ai eu la chance de beaucoup voyager, dit-elle. Je suis issue de plusieurs pays, j’ai l’habitude de m’adapter à différentes cultures, de changer de langue, de paysages. Quand j’étais aux Beaux-Arts de Paris, je suis partie au Japon pendant trois semaines : c’était un voyage magnifique, en lien avec la forêt, le monde invisible. Et ça m’a sensibilisée à l’animisme. Le Salon des songes, c’est d’abord une invitation à rentrer dans mon univers. C’est une façon de déployer tous mes centres d’intérêt et de recherches. On entre dans cette exposition comme on entre dans une maison. J’ai voulu extérioriser tout ce qui se passe à l’intérieur de ma tête et rendre cette exposition, la plus conviviale possible. C’est à Cuba que j’ai découvert la culture afro-cubaine et la culture afro-américaine d’Amérique du Sud. Ces cultures m’ont rappelées les pays d’Afrique du Nord dont ma mère est originaire. C’est ce parallèle entre différents pays qui m’inspire. A travers ma peinture, je cherche à connecter différentes cultures les unes aux autres et différents espace-temps. »
Dans le salon central, Ines fait sa cuisine, c’est l’atelier, son laboratoire où sont préparées les potions dont l’alchimie opère sur la toile. Les œuvres présentées dans ce salon plus intime et personnel sont celles dont l’artiste a souhaité s’entourer, faisant référence aux événements récents qui l’ont marquée. Elle conspire ici à la création d’une nouvelle œuvre à l’échelle du lieu, que nous sommes invité(e)s à découvrir au jour le jour. « Une partie de ma pratique, consiste également à fabriquer moi-même mes couleurs, dit-elle. Je décompose ce qu’il y a dans un tube de peinture à l’huile classique. J’augmente la densité de la couleur, la texture. Je peins souvent sur des toiles qui ne sont pas enchâssées : ce sont des toiles qui flottent et qui rappellent un peu les tapisseries du Moyen-Âge. Cette époque où les images servaient de sources d’information, et qui pouvaient être lues comme un texte littéraire. J’y sème beaucoup d’indices, d’histoires, qui peuvent être interprétées par le spectateur dans l’ordre qu’il souhaite. »
Née à Paris en 1993, Inès Di Folco Jemni sort diplômée des Beaux-Arts de Paris en 2018. Elle est peintre mais elle est aussi harpiste : sa première exposition personnelle a eu lieu à Marseille en 2020 dans la galerie SISSI, puis elle a exposé au FRAC de Metz, à la galerie Anne de Villepoix à Paris, au MO.CO. de Montpellier, chez Laurel Gitlen à New-York, à Londres et Mexico… Sa carrière est lancée ! Mais elle a également co-créé des groupes de musique tels que Rose Mercie et Pira Pora avec lesquels elle joue régulièrement et jouera nous l’espérons, pour nous, aux Magasins Généraux !
Information Complémentaires >
Lire notre article sur l’exposition de l’artiste à la Laurel Gitlen gallery de New York. Inès Di Folco Jemni est représentée par la galerie SISSI club Instagram : @inesdifolcojemni
Magasins Généraux : le lieu culturel créé par BETC, 1 rue de l’Ancien Canal, 93500 Pantin Accessible aux personnes à mobilité réduite Métro 5 – Église de Pantin. magasinsgeneraux.com @maggeneraux
Programation événementielle >
Soirée d’ouverture : vendredi 16 février de 18h à 23h, entrée libre et gratuite : performance de poésie par Amandine Nana accompagnée d’Aby Fulani et concert de Luna Maria Cedron.
En continu : une équipe de médiation est à la disposition du public pendant les heures d’ouverture. Visites guidées tous les samedis et dimanches à 14h30 et 18h. Ateliers en famille : tous les samedis et dimanches à 15h, gratuit sur réservation. Broderie et tricot avec l’association « Pas si loin » un vendredi après-midi sur deux.
Atelier : mômes en résidence en partenariat avec l’atelier Sheds à Pantin : samedi 24 février de 10h à 12h, gratuit sur réservation
Performance : par Cham et Nèle Lavant, concert de Modou Gaye : samedi 2 mars de 16h à 18h, gratuit sur réservation
Percussion et poésie avec la maison de quartier des courtillières : les 6 mars, 9 mars et 6 avril après-midi.
Eveil artistique « tout est si brillant » à partir de 3 ans : dimanche 3 mars et 7 avril à 16h, gratuit sur réservation
Nuit aux Magasins : mercredi 13 mars de 18h à 23h, gratuit sur réservation
Visite et atelier : « D’un rêve à l’autre » avec la compagnie la hutte et Inès Di folco Jemni et le centre culturel Jean Cocteau aux Lilas : samedi 16 mars de 15h à 17h, gratuit sur réservation, à partir de 8 ans.
Rencontre avec l’artistes et les commissaires : mercredi 27 mars de 19h à 21h, gratuit sur réservation.
Visuel d’ouverture > ©Ines Di Folco Jemni – Venus 2017
