Boltanski à l’éternel présent

L’an dernier, le Centre Pompidou présentait une nouvelle rétrospective de son œuvre. Pour la seconde fois et après 35 années, Christian Boltanski investissait l’institution. Comme en 1985, Bernard Blistène était le commissaire de cette exposition que l’artiste français revendiquait comme une « œuvre totale », immersive, à appréhender de l’intérieur. Son cœur, dont les battements emplissaient alors l’espace, s’est arrêté mercredi 14 juillet. Christian Boltanski compte parmi les artistes les plus renommés de sa génération et les plus connus au-delà de nos frontières. Prenant racine dans son histoire, son œuvre interroge la place de chaque homme dans l’immense continuum de la vie. Une œuvre à jamais ouverte qu’il souhaitait jouable, interprétable, par d’autres. La rédaction d’ArtsHebdoMédias présente ses sincères condoléances à Annette Messager, sa compagne, ainsi qu’à sa famille et ses proches.

Christian Boltanski s’en est allé un jour de fanfare et de feux d’artifice. Celui dont l’art luttait contre la mort avait depuis longtemps compris qu’il n’y échapperait pas. Une mort qui s’était immiscée très tôt dans son existence. A force de chuchotements. Il n’était alors qu’un bambin en prise directe avec son monde. Tandis qu’il dormait, mangeait, jouait, rêvait… la peur et les mots venaient travailler sa moelle et son esprit. Caché sous le planché des mois durant, son père évitait la déportation. L’angoisse cloua sur place tous les membres de la famille qui prirent l’habitude de dormir dans la même chambre et de ne se déplacer qu’accompagnés. Boltanski avait 18 ans quand il sortit pour la première fois seul de chez ses parents. Tout se joue dans l’enfance. On le sait. Pour certains plus intensément que pour d’autres. C’est ainsi que la mort s’empara d’une œuvre qui n’existait pas encore. Mais savoir qu’elle existe n’est pas y croire, remarquait pour lui-même Jankélévitch. « Tout homme porte en lui un enfant mort », aimait rappeler Boltanski. Antienne justifiant à la fois une quête très personnelle et le sentiment d’être comme tout le monde. Son œuvre oscille depuis toujours entre ces deux pôles. Tentons maintenant d’en dérouler le fil.
Né le 6 septembre 1944, Christian Boltanski est le fils d’un médecin juif converti d’origine ukrainienne et d’une Corse catholique. Le traumatisme de l’Occupation et plus amplement de la Shoah soude singulièrement la famille et la font s’épanouir en dehors des cadres conventionnels – lire le roman prix Femina 2015, La Cache de Christophe Boltanski, neveu de l’artiste. Si Jean-Elie et Luc font un parcours scolaire qui les prépare à de brillantes études supérieures – le premier sera linguiste et le second sociologue –, Christian, quant à lui, fuit plusieurs écoles et cesse tout bonnement de s’y rendre aux alentours de 12 ans. S’il se souviendra plus tard avoir réalisé une figurine en pâte à modeler, ce sont des couleurs achetées par sa mère qui initient véritablement sa pratique artistique. Un compliment de son frère fait le reste. Peut-être inspiré par les livres d’art reçus à l’occasion de sa première communion, l’adolescent peint désormais sans retenue, réalisant plus de 200 tableaux sur des plaques d’Isorel, dont il ne reste aujourd’hui que quelques très rares exemplaires. On ne fait bien que ce qu’on veut bien faire, dira-t-il en substance des années plus tard.
Sa première exposition, La Vie impossible de C.B., est programmée au cinéma du Ranelagh pour mai 1968. Les visiteurs y voient des tableaux mais aussi des caissons grillagés dans lesquels lettres, photos, factures… brossent la vie ordinaire du protagoniste. Autant de documents lui appartenant ou ayant été plus ou moins falsifiés par lui. L’exposition ne reste ouverte que quelques jours. Paris est en ébullition. L’heure n’est vraiment plus à la peinture. Une nouvelle génération fait son entrée. A cette période, la pratique artistique de Boltanski est innervée par une quête d’identité. Il publie un livre intitulé Recherche et présentation de tout ce qui reste de mon enfance, 1944-1950. De cette enfance heureuse mais différente, il s’applique à dresser l’inventaire mêlant d’emblée des éléments prélevés dans son passé à d’autres ne lui appartenant pas. Objets et témoignages écrivent son histoire réinventée, la font décoller de sa singularité pour permettre au public de se l’approprier. L’époque est riche en rencontres et en échanges. Il fréquente déjà Annette Messager, qui sera la compagne de sa vie, et réalise plusieurs interventions avec Jean Le Gac, notamment des envois postaux anonymes.

Les Saynetes comiques – Pleure, Rire, Christian Boltanski, 1974, courtesy galerie Marian Goodman. ©C. Boltanski

En 1969, il fabrique à la main 3 000 boulettes de terre sans pour autant réussir à en obtenir une parfaite. Le geste répété, l’accumulation, prouvent une volonté de se rendre maître de la matière, mais aussi l’impossibilité d’échapper à sa réalité. L’art échoue à rendre les choses différentes de ce qu’elles sont mais la quête ne fait que commencer. L’album de la famille D (1971) attire l’attention au-delà des frontières de l’Hexagone. L’artiste y dispose chronologiquement de nombreux clichés de la famille d’un ami, qui pourtant ne révèlent que peu de choses de cette dernière. Impossible pour un inconnu d’y découvrir, et encore moins de comprendre, son histoire. La photographie est un miroir dans lequel ne se reflètent que les « traits » communs des modèles et de leurs observateurs. Au mieux, elle est un outil de fiction, au pire une illusion. Seuls les photographiés peuvent en tirer des enseignements et encore… la mémoire n’est pas une science exacte. L’oubli menace chaque vie. Pour Christian Boltanski, c’est insupportable. Le temps emporte ce qui a été, est et sera. L’artiste cherchera jusqu’au bout à faire prendre conscience du caractère unique, exceptionnel et différent de chaque individu. Démonstration où « moi » est comme « toi », mais toujours un autre.
Des preuves de notre différence et de notre unicité doivent donc se multiplier, s’accumuler, rendre visuellement appréhendable ce que nous savons mais ne connaissons que trop peu. A sa quête personnelle de l’enfance, Boltanski adjoint la préservation de la vie de l’autre. En 1973, il soumet un projet à plusieurs dizaines de conservateurs de musée : présenter les « éléments qui ont entouré une personne durant sa vie et qui restent après sa mort le témoignage de son existence. […] Je désirerais m’occuper personnellement du classement de la présentation, ainsi que des recherches à effectuer. […] »* Quatre conservateurs sont intéressés et rendent possible les Inventaires, mais l’accumulation de détails ne peut rendre compte d’une existence. La mort de ce qui a été est encore plus évidente. Comme les vitrines, tant admirées par Boltanski au Musée de l’Homme, ne peuvent faire revire les civilisations disparues, ses Inventaires échouent à restituer la vie, même ordinaire, d’un individu. Archiver n’est donc pas le rempart idéal contre l’oubli.

Autel au Lycée de Chases, Christian Boltanski 1987, courtesy Musée d’Israël. ©C. Boltanski

D’aucuns auraient changé de sujet, Boltanski, lui, va changer d’angle. Terminés les recensements d’objets appartenant à un seul (sauf pour les pièces qui ne concernent que lui), les photos montrent désormais des visages. Ces derniers se multiplient. Selon les installations, ils sont de taille modeste ou au contraire agrandis. Ils sont mis en scène dans des installations où l’éclairage joue un rôle important. Au milieu des années 1980, la disparition de ses parents plonge l’artiste dans une période quasi mystique. Des boîtes de biscuits portant le nom de défunts sont assemblées en forme pyramidales surmontées d’un portrait entouré de petites lumières. Monuments s’impose comme une série « à la mémoire de ». Les œuvres se font autels et reliquaires. L’art ne semble pas alors repousser la mort mais plutôt célébrer les morts. En 1986, l’artiste les installe dans la chapelle de la Salpêtrière. L’exposition s’intitule Leçons de ténèbres, titre qu’il emprunte au registre musical liturgique. Même si la Shoah n’est pas citée explicitement, l’imaginaire collectif impose ses images. Dans ce lieu, les visages changent de statut. Ils ne sont plus des détonateurs de mémoire mais des icônes à vénérer.
A cette période se multiplie également la série Ombres, inspirée du théâtre du même nom. Si l’œuvre flirte avec le mythe de la caverne de Platon et qu’il est indéniable que la connaissance du Bien travaille forcément Boltanski, ce n’est pas tant les silhouettes qui importent que le système qui les manipule. Laissé apparent sciemment par l’artiste, il anime l’ensemble : la pantomime peut ainsi avoir lieu sans berner personne. Affichant une forme de syncrétisme culturel, des tableaux naissent de la lumière et mettent en scène des figures de tous les âges issues de la peinture grecque antique, comme des danses macabres du Moyen Age ou de la Kabbale. Boltanski mouille tout le monde. Du moins sur notre continent. Prêté par le Musée d’art moderne, Le Théâtre d’ombres (1984-1997) fut exposé au Mahj, à Paris, en 2004-2005.

Chance, pavillon français à la Biennale de Venise, Christian Boltanski, 2015. ©C. Boltanski, photo SD

A la fin de la décennie (1989), Boltanski choisit une autre église, celle de Saint-Martin du Méjan, à Arles, pour déployer Archives. L’artiste montre alors des photographies d’assassins et de leurs victimes sans pour autant qu’il soit possible de les identifier et d’en apprendre plus sur les raisons qui ont poussé les uns à assassiner les autres. Ce même principe est appliqué en 1991 pour Sans-Souci, qui plonge les visiteurs dans la vie familiale, ordinaire, de soldats nazis. Ces clichés pourraient appartenir à monsieur Tout-le-monde. Consternation. Chacun aimerait y déceler la marque de la bête immonde, pouvoir l’identifier. Mais rien. Rien ne distingue les bourreaux de leurs contemporains, ni même de nous. Leurs moments figés de bonheur simple ressemblent aux nôtres. Aucune ignominie n’est soupçonnable. Les photos ainsi rassemblées interrogent la dualité de l’être humain, cette banalité du mal, qu’Hannah Arendt a défini avec force au début des années 1960, suite au procès d’Adolf Eichmann. Boltanski en témoigne par la forme.
Parallèlement à cette obsession pour les documents qui disent tout de leur difficulté à nous instruire, ce dernier produit une autre compilation, à vocation documentaire, cette fois : Les archives de C.B. 1965-1988 (1989). 646 boîtes de biscuits en fer blanc, émaillées de rouille, forment des piles de 3 mètres de haut, éclairées par des lampes de bureau. A l’intérieur, des centaines de photos et de documents collectés par l’artiste et extraits de son atelier. Une dizaine d’années plus tard (La vie impossible, 2001), ce sont dans des vitrines que ses archives s’exposent. La mémoire conservée mais enfermée s’ouvre alors pour être partagée et avoir une chance d’être réactivée. Mais le problème demeure. L’oubli résiste à tout effacement. Si la conservation comme le monument ne sont pas des solutions, peut-être faut-il jouer avec les armes du temps qui passe ? La pérennité de la forme laisse place à l’œuvre in situ. L’expérience prend le pas sur la création.
A l’occasion de Monumenta (2010), Christian Boltanski investit le Grand Palais, à Paris. Dans la nef, la pince d’une grue prélève continûment des vêtements dans une immense pile pour les relâcher sans autre intention. Le hasard présiderait-il à nos vies ? Qui vit ? Qui meurt ? Des battements de cœur emplissent l’espace. Ils ont été enregistrés de par le monde et chacun peut offrir les siens – ils sont stockés et écoutables sur l’île de Teshima, au Japon. Le froid glacial pénètre jusqu’à l’os – l’artiste avait demandé que le chauffage ne soit pas activé. Des dizaines de carrés dessinés par des vêtements sont alignés comme des pierres tombales au cimetière ou des cadavres d’un crash aérien au gymnase. Personnes n’est pas une exposition mais une œuvre à parcourir (lire l’article de Dinah Sagalovitsch). Au caractère éphémère, elle transforme le regardeur non pas en acteur mais plutôt en témoin. Sa date de fin est aussi celle de sa disparition annoncée. L’œuvre n’existera plus que dans la mémoire de ceux qui l’ont arpentée. Chaque visiteur devient ainsi une sorte de reliquaire vivant pour celle qui a perdu son statut d’artefact mais pourra être rejouée. Le mouvement se substitue à la cristallisation. La vie gagne du terrain.

Chance, pavillon français à la biennale de Venise, Boltanski, 2015. ©C. Boltanski, photo SD

Sans pour autant damer le pion à la mort. L’année précédente, Boltanski avait cédé son existence « en viager » à un collectionneur tasmanien venu lui acheter ses futures cendres… Depuis, quatre caméras filmaient nuit et jour l’atelier de Malakoff. Tandis que les images étaient stockées en attendant la disparition de l’artiste. Au micro d’Arnaud Laporte (France Culture), en février, ce dernier espérait que peut-être les films seraient passés en accéléré au public qui pourrait en stopper le cours à tout moment et peut-être observer celui qui ne serait plus. Si Boltanski ne souhaita pas contrôler la forme de présentation des images, il donna un titre à son geste : Œuvre ultime. Quarante ans après la première « mise en boîte » de sa vie, l’artiste persiste dans cette logique sans pour autant ignorer son caractère dérisoire. J’aurais aimé lui demander : « Pourquoi ? » Et qu’il me réponde : « Par provocation et par facétie ».
De la provocation et de la facétie, il y en avait sûrement un peu dans l’installation qu’il imagine en 2011 pour le pavillon de la France à la Biennale de Venise. A l’intérieur d’un impressionnant échafaudage, un ruban fait défiler 600 photos de bébés, vieux… d’un jour ! L’artiste raconte qu’ils sont polonais car en Pologne il est de tradition de faire paraître dans le journal la photo de son enfant tout juste né. C’était d’ailleurs pour cette raison qu’une dizaine d’années auparavant, l’artiste s’était abonné à la Gazeta Wyborcza et avait stocké en prévision quelque 3 000 portraits. A Venise, Chance est une sarabande de vies à écrire, pleine de photos en guise de pages blanches. Si un certain optimisme semble régner, le dispositif recèle toutefois des images composées avec celles utilisées pour Suisses morts, œuvre de 1990 rassemblant des portraits publiés dans la rubrique nécrologique d’un journal helvétique. Ces patchworks discrets font l’objet d’un jeu concours permettant à un visiteur de gagner une œuvre. Boltanski s’amuse un peu en singeant les rotatives d’une imprimerie et en inventant une nouvelle roue de la fortune. Le hasard est une nouvelles fois mis en scène. Hasard de la naissance qui fait de chacun un être unique. Certes irremplaçable mais heureusement remplacé pour assurer la continuité sinon de la vie, du moins de l’espèce.

La Traversée de la vie, Christian Boltanski, 2015, courtesy galerie Marian Goodman. ©C. Boltanski

A partir de ce moment, Christian Boltanski compare de plus en plus ses œuvres à des partitions musicales que chaque exposition permet de réinterpréter. A l’occasion du vingtième anniversaire de l’espace parisien de la galerie Marian Goodman (2015), il aborde le thème de l’effacement. Les photographies flottent désormais, imprimées qu’elles sont sur du voilage. Déployée au rez-de-chaussée, La Traversée de la vie laisse passer l’air. L’installation respire. Non loin, Animitas transporte le visiteur dans le désert d’Atacama, au Chili, où l’artiste a planté environ 800 clochettes japonaises qui représentent le ciel et les âmes perdues. L’endroit est hanté par les accidentés de la route auxquels de petits autels (animatas) rendent hommage et par les morts enterrés en secret par les sbires de Pinochet. La vidéo est complétée par un parterre de fleurs coupées, que l’artiste souhaite laisser s’altérer au fil du temps, comme les clochettes disparaîtront emportées par le vent. L’art ne doit pas s’imposer à la nature. Surprise en 2018 ! La galerie expose Saynètes comiques,une série de 1974 mettant en scène notamment un personnage fictif et clownesque inspiré du comédien burlesque allemand Karl Valentin. A la gouache et aux crayons, l’artiste raconte de manière clownesque sa pseudo histoire et s’amuse des allusions vaguement psychanalytiques qu’il y avait glissées. Cette même année, le Musée d’Israël présente Lifetime, revenant sur trente ans de création et initiant probablement dans l’esprit de l’artiste la manière dont il envisagera la rétrospective au Centre Pompidou deux ans plus tard (lire article de Francesca Caruana). Dans le même temps, il réalise, près de Sarrebruck, en Allemagne, une installation monumentale. Véritable mémorial, elle est dédiée à celles et ceux qui ont été contraints de travailler à l’usine sidérurgique de Völklingen durant la Seconde Guerre mondiale. Un couloir bordé de deux murs composés d’innombrables casiers d’archives empilés, contenant des dossiers, mène à une petite pièce au centre de laquelle vestes et pantalons noirs forment un terril. Par endroit, un matricule se laisse distinguer tandis que les noms chuchotés des travailleurs disparus résonnent dans l’espace. Parmi les quelque 12 393 hommes, femmes et enfants originaires de 20 pays qui ont travaillé ici, 261 personnes ont perdu la vie, dont 60 enfants.
Christian Boltanski est probablement l’artiste que j’ai le plus souvent croisé par hasard. Nous avions, faut-il croire, un intérêt commun pour certaines œuvres. Celle de Sarkis notamment, qui l’invita, en 1970, à exposer avec lui au Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris, alors même qu’il débutait, et avec lequel il partageait une grande considération pour Harald Szeemann ainsi qu’un attrait toujours renouvelé pour la cité des Doges. Mais il serait vain à quelques lignes de la fin de tenter d’éviter l’oubli. L’effacement est de rigueur. Que reste-t-il pour finir dans le tamis de ma mémoire ? Des images éloquentes et des sensations palpables. Un chagrin poignant et une lumière kafkaïenne. Un récit individuel et des questions collectives. Contre l’inéluctable mort l’artiste a finalement découvert un paratonnerre : le présent. Née du désir de comprendre, son œuvre est sortie du sanctuaire de ses débuts pour devenir interprétable à l’envi comme une partition « en équilibre sur la fine pointe de l’instant », aurait dit Jankélévitch. A l’éternel présent.

* Citation extraite de l’article Christian Boltanski. Petite mémoire de l’oubli de Gaëlle Périot-Bled, publié en 2014 dans Images Re-Vues.

Christian Boltanski, le 29 juin 2020, lors de la conférence de presse du Festival Après, demain, au Châtelet, à Paris. Photo MLD

Image d’ouverture : Départ, Christian Boltanski, 2015. Courtesy galerie Marian Goodman. ©Christian Boltanski, photo Rebecca Fanuele

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