Il est en paix, Olivier Jauzenque. Avec lui-même, avec les autres, avec le monde. Libre comme ces gens du voyage qu’il affectionne, il s’adonne à son travail de peintre avec délectation, loin des courants artistiques qui, finalement, ne l’intéressent guère. Seuls comptent son univers, ses désirs. L’exposition des œuvres de ce peintre de 49 ans et Tourangeau d’adoption, ponctue une période fructueuse durant laquelle il a décliné de mille façons sa série d’acrobates sur toile : « J’ai commencé ces tableaux au début des années 2000. Depuis, je n’ai pas lâché cette série. L’idée générale est restée stable : un fond de couleur comme point de départ auquel s’agrège le dessin d’un personnage qui est un peu comme une écriture. Mais je m’astreins à ce que chaque œuvre soit unique », précise le peintre qui, espiègle, joue avec ses fonds de couleurs pures – des orange, des rouges et des bleus – qui se juxtaposent à la manière d’un puzzle. « Mon grand plaisir, ce sont les aplats de couleur que je décline quasiment à l’infini, sur de petits formats comme sur des toiles volumineuses. » Au milieu, les petits acrobates apparaissent comme perdus au milieu de nulle part. Telle une allégorie du monde contemporain : « Paumés, ils se débattent dans une immensité de couleur, un peu comme les hommes qui cherchent désespérément à se raccrocher à des repères disparus. » Le mouvement donne aux personnages une forte dimension poétique. Une peinture éloignée du réel mais qui n’a, pour autant, rien d’hermétique. Le peintre recherche la simplicité des formes alliée à la clarté du message : « Je suis dans la peinture silencieuse, celle qui met le regardeur dans une situation de méditation. » Toucher au cœur, à l’indicible. C’est à ses yeux, l’essentiel.
Après des études aux Beaux-Arts d’Epinal puis à Tours, Olivier Jauzenque devient, à la fin des années 80, scénographe au Grand Théâtre de Tours, comme assistant peintre décorateur de Jean Maillot.Quelques années plus tard, il quitte l’institution pour des lendemains qui n’ont pas immédiatement chanté. Nul regret : « Je ne souhaitais que peindre. Il me semble aujourd’hui qu’avoir vécu une forme d’inconfort ou de précarité m’a aidé à faire quelque chose de singulier », analyse le peintre. Sobre et limpide, son propos se garde des clichés : « Je ne cherche pas non plus à faire le culte de la vie de bohème. » Pour lui, la peinture répond autant à une pulsion qu’à un sacerdoce. « Je ne peux pas vivre sans, c’est profond. » Un besoin qui l’a projeté vers une production frénétique qui s’apaise seulement maintenant. Jusqu’ici, il peignait chaque jour, plusieurs heures. Dorénavant, il s’octroie de plus longues plages, oublie son chevalet : « Je crois qu’on apprend beaucoup en travaillant, estime celui qui cite volontiers Soulages – surtout « à ses débuts » – Debré, Rothko, Bataille, ses modèles. Mais il faut désapprendre pour réapprendre. Je gère mieux cette formidable liberté qui m’a été offerte. »
Désormais, même si l’idée de revenir à de très grands formats comme à ses débuts, d’expérimenter d’autres supports (le bois, le carton) ou d’autres disciplines – une installation ? – germe lentement, il n’entend pas tout bousculer : « Je suis dans le glissement plutôt que dans la rupture. Je n’imagine pas encore arrêter cette série. C’est comme si l’on demandait à un romancier d’arrêter brusquement l’écriture de son récit », compare le peintre qui, après avoir exposé à Paris – à la galerie Peinture fraîche –, à Toulouse et vendu quelques œuvres au Fonds national d’art contemporain (en 2006), va mettre le cap outre-Atlantique et vers l’Oural, et continuer à nourrir son œuvre singulière.