Gérard Cambon – Drôles de bonshommes, drôles de machines
En voiture, s’il vous plaît ! D’un coup de manivelle, l’engin se propulse avec aisance. Ici, point de carburant nauséeux pour ternir la course, les passagers nez au vent apprécient de ne pas avoir à déplier un toit que, de toute façon, ils ne possèdent pas ! Plus loin dans la caravane, une roulotte au profil de Harley Davidson est conduite par deux personnages aux étranges chapeaux qui sans nul doute usent de leur mental pour propulser leur véhicule. A l’arrière, leurs enfants ont un tonneau, comme les escargots ont une coquille, à l’abri duquel ils profitent du paysage. Tout près, un autre phénomène au faux air de 2 CV taille la route au nez et à la barbe d’un engin effarant dont la mécanique puise son étrangeté dans la plante qui lui sert de voile. Plonger dans son imagination et se raconter des histoires, évoquer des pans de littérature et faire naître des mondes, voici ce qu’attend Gérard Cambon de nous. Quand dans l’atelier, méthodiquement il agence les matériaux et fait naître un équilibre, ce n’est pas un propos précis qu’il met en scène mais un univers d’évocation. « Chaque élément posé doit être au service de l’ensemble. S’il est trop présent, je l’enlève car je ne souhaite pas connoter les pièces. Je veux que les gens se les approprient, qu’elles suscitent leur imaginaire, qu’elles puisent dans leurs souvenirs, dans leurs cultures pour qu’ils me racontent ce qu’ils voient. » L’artiste généreux ne livre pas de mode d’emploi et préfère mille fois laisser à chacun le soin de dire si celui-là pleure ou rit. Entre le trouble diffus et le sourire, ce poète du bric-à-brac pourrait réveiller de vieilles peurs, de lointaines émotions. Toutes ces choses rejetées, brisées, rouillées, de fer ou de papier retrouvent une âme surréelle et ces petits bonshommes surgis de nulle part, fragiles et tendres, s’ils semblent posés là par hasard, hors du temps n’en demeurent pas moins singulièrement présents. Gérard Cambon chez Béatrice Soulié
S’il se souvient avoir fabriqué des avions en bois à 14 ans, ce n’est que plus tardivement que l’élève de Sciences Po se met à exécuter des collages puis des bustes en papier mâché. « Je suis autodidacte. J’ai fait ma cuisine et c’est une succession d’erreurs qui m’a permis de progresser », explique l’artiste. Cet apprentissage empirique, il aurait pu l’éviter : prendre des cours, ouvrir des livres, mais chez lui c’est l’envie de faire qui domine. L’envie de faire seul, trouver sa propre technique, tracer son chemin sans que personne ne puisse jouer de son influence. Un long séjour à l’hôpital le persuade qu’il a trouvé sa voie. Les personnages viennent s’immiscer dans un environnement qui prend de plus en plus de place. Deux événements surviennent alors. Au cours d’un salon, Gérard Cambon discute avec l’artiste Marc Perez qui lui conseille de rencontrer Béatrice Soulié. « J’avais mis un maximum de pièces dans ma voiture, se souvient-il et, quand elle a vu mon travail, elle l’a immédiatement installé dans sa vitrine ! » Le sort en était jeté, il ferait partie de la belle et grande famille de la galeriste dont la plupart des membres sont autodidactes, glaneurs, assembleurs, récupérateurs, dessinateurs ou peintres magnifiques qui transforment leurs matériaux simples en des créations émouvantes, provocantes, poétiques. Peu après et fort du prix du public remporté au salon Mac 2000, il part pour New York et là, bingo ! Une galerie spécialisée en art Outsider décide de l’exposer. Dorénavant son travail sera apprécié des deux côtés de l’Atlantique.
Les boîtes jaunes, Gérard Cambon
Le rituel est immuable. Au commencement, il y a toujours l’assemblage. « C’est lui qui est le déclencheur », confie l’artiste. C’est au sous-sol qu’il se livre à cette activité. Là où il a entassé tous les matériaux qu’il a collectés au cours de recherches permanentes. « Un jour que j’étais avec Marc Perez et nos fils, nous les avons entendus échanger sur le caractère gênant d’avoir des pères qui récupèrent tout et n’importe quoi et à tout moment ! », s’amuse-t-il. Avec Marc, il chine chez les ferrailleurs, avec Sabrina Gruss, il glane en Camargue et sait aussi pouvoir compter sur ses amis qui tantôt lui rapportent des graines d’Afrique, tantôt des moules du Chili ! Une fois l’assemblage terminé, ce dernier est transporté au premier étage de la maison, dans la salle de peinture. Là, les personnages en papier mâché font leur entrée. « J’en essaie parfois dix, avant d’accepter le onzième. Chaque pièce possède au moins un personnage. Les bas-reliefs en ont systématiquement plusieurs. Il faut alors créer des liens entre eux ». Une fois tout le monde en place, l’artiste lance la dernière opération : l’instant magique où tous les éléments n’appartiennent plus qu’à un seul et unique univers, s’effacent au profit de l’œuvre. La patine peut alors être appliquée et la pièce rejoindre le dernier étage où elle attendra patiemment d’être présentée aux autres, ceux qui lui inventeront une histoire. Les petits mondes de Gérard Cambon sont en expansion. « J’ai envie de faire des grands volumes, d’élargir la perspective », affirme-t-il. Des environnements de plus en plus grands accueillent maintenant nombre de personnages qui s’interpellent, se confient ou restent réservés. « Chaque pièce prend vie dans les yeux des autres », confirme celui qui ne vit que pour recommencer. Topolina, Gérard Cambon
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