Le Castello di Rivoli, musée d’art contemporain situé dans la banlieue de Turin, accueille jusqu’au 5 février une exposition dédiée au travail de l’Egyptien Wael Shawky. Elle réunit une série de films, intitulée Cabaret Crusades et débutée en 2010, ainsi qu’un ensemble de sculptures récentes.
C’est à un inquiétant voyage dans le temps que Wael Shawky convie le visiteur à travers trois films composant Cabaret Crusades. Il y est question de tout un pan d’histoire – les croisades –, marqué par la violence engendrée tant par l’ambition, que par la cupidité, la rivalité ou la trahison. Contournant habilement la notion communément répandue de « choc » des civilisations entre les cultures occidentales et arabes, l’artiste s’efforce plutôt de montrer combien l’histoire s’est de tout temps écrite d’un point de vue ou d’un autre. Pour sa part, il s’inspire directement d’ouvrages d’historiens arabes, parmi lesquels Les croisades vues par les Arabes (1983), du Libanais Amin Malouf. Le parcours passe par trois petites tours dans lesquelles sont projetés les films, The Horror Show File (2010), The Path to Cairo (2012) et The Secrets of Karbala (2015) ; entre chaque séquence vidéo, des pièces s’intercalent – des sculptures et un imposant haut-relief –, toutes relatives au même sujet. Outre l’originalité du propos, la particularité du travail de Wael Shawky repose sur son recours systématique aux marionnettes pour incarner les personnages de ses films. « Leur nature artificielle permet de prendre de la distance par rapport au caractère traumatique des événements relatés, explique Carolyn Christov-Bakargiev, directrice du Castello di Rivoli et commissaire de l’exposition. Les personnages sont des objets, et non pas des gens en chair et en os. » « Le fait d’utiliser des marionnettes est pour moi une manière de concentrer le propos sur le concept de la manipulation », précise de son côté l’artiste. Un concept qui ne s’applique pas seulement à une lecture éventuellement partisane de l’histoire. « De manière plus générale, la condition de la marionnette est aussi une référence indirecte, mais poignante, à notre époque où les choses sont de plus en plus contrôlées à distance, relève encore Carolyn Christov-Bakargiev. Wael Shawky n’accepte pas ce côté “télécommandé” de nos vies à l’ère numérique. (…) Son attachement aux techniques artisanales* et l’importance qu’il accorde à la mémoire sont pour lui une manière d’en contrer la vitesse et de rapprocher la pratique artistique d’une forme de méditation. »
* Les marionnettes des trois films ont été respectivement fabriquées par des artisans turinois (en bois), des céramistes d’Aubagne et des verriers de l’île de Murano, à Venise.
Retrouvez Wael Shawky sur le site Gallery Locator.