Véra Molnár, un siècle d’histoire de l’art

Elle aurait eu 100 ans le 5 janvier 2024, Véra Molnár s’est effacée « du board » le 7 décembre 2023, mais reste vive dans nos mémoires :  installée en France depuis 70 ans, il n’était pas rare de la voir sur une foire ou un salon discutant tranquillement avec ses pairs sur le stand de la galerie.  Pas froid aux yeux ! ce titre, lancé à la cantonade comme un défi au temps et à la vie, est celui que Vera Molnar avait choisi pour nommer les deux expositions qu’elle présentait successivement à l’Espace de l’Art Concret de Mouans-Sartoux et au Musée des beaux-arts de Rennes du 9 octobre 2021 au 2 janvier 2022, deux institutions spécialistes de l’art abstrait après 1945 et de l’art concret en particulier. Un bel hommage sera rendu à cette pionnière de l’art génératif par une exposition de groupe  au Ludwig Museum of Contemporary Art de Budapest, du 9 février au 14 avril 2024.

Figure majeure de la peinture française contemporaine et de l’abstraction géométrique, depuis la fin des années 1940, Vera Molnar est née en Hongrie en 1924, et ce n’est pas un hasard si nous (re)découvrions son œuvre exposée à la Fondation Vasarely avec la génération montante des arts numériques dans une exposition curatée par le collectif d’artistes belges [Lab]au en 2010 : cette pionnière fascinée par un art conceptuel, sériel puis combinatoire s’était emparée de l’ordinateur dès les années 1960, s’amusant à déjouer les carcans d’une abstraction trop rigoureuse et systématique, en introduisant « 1 % de désordre » dans son œuvre. De là à dire qu’elle inventa l’art du glitch ? Quoi qu’il en soit, l’art est pour elle avant tout celui de l’expérimentation. Il n’empêche qu’avec François Molnar, son mari, scientifique, psycho-physiologiste, Véra conçoit et rédige entre 1974 et 1976, le Molnart : un programme informatique écrit en Fortran qui lui permet une expérimentation picturale systématique à partir d’un traceur et d’un écran de visualisation, avec pour quête, les leviers de l’induction d’un état esthétique. En 1967, Véra Molnár avait déjà cofondé le Groupe Art et Informatique à l’Institut d’Esthétique et des Sciences de l’Art et plaçait depuis 1968 l’ordinateur au centre de sa création. C’est à la Galerie de l’École Polytechnique de Londres qu’est organisée la première exposition personnelle de l’artiste en 1976. Elle sera reconnue en France comme la pionnière de l’art génératif.

Véra Molnár, Courtesy INHA

Mais ce que nous rappelle l’INHA (l’Institut d’Histoire de l’Art, à Paris) avec lequel elle a tissé des liens profonds : « C’est qu’elle est curieuse de tous les matériaux et de tous les supports ; elle dessine, colle, peint, conçoit des sculptures, programme, photographie, réalise des installations, des livres d’artiste (les livrimages) et un formidable Journal intime (1976-2020) d’ordre plastique en vingt-deux volumes de presque 5000 pages. Initiée aux Beaux-arts, elle sait très jeune comment graver sur bois ou sur linoléum. Dès qu’elle le peut, Vera Molnár réalise également des estampes. »

En 2022, elle décide d’en réunir un corpus important pour en faire don à la bibliothèque de l’INHA, constitué de 264 estampes, 2 portfolios et 12 maquettes préparatoires. Unique dans les collections publiques françaises et étrangères, ce dont réunit des familles formelles travaillées, reprises, réinvesties durant plusieurs dizaines d’années. Les Sainte-Victoire Blues font ainsi directement référence au motif cézannien, dessiné et peint des centaines de fois par l’artiste. Les Lettres de ma mère font écho à la modélisation informatique de l’écriture de sa mère qui lui écrit de Budapest… jusqu’à ce que le trait se trouble et s’efface.

Nous nous associons aujourd’hui au directeur de l’INHA, Éric de Chassey, à Jérôme Bessière directeur de sa bibliothèque, ainsi qu’à Vincent Baby, chef de projet à l’INHA, proche ami et spécialiste de Vera Molnár, afin d’adresser toutes nos condoléances à l’ensemble de ses proches et de ses admirateurs.­­

Affiche de l’exposition hommage à l’artiste Véra Molnar. Du 09 février au 14 avril 2024, au Ludwig Museum of Contemporary Art. Budapest (HU)

Complément d’information :

Une exposition de groupe en deux volets « A la recherche de Véra Molnar »  rendra hommage à l’héritage de l’artiste, au Ludwig Museum – Museum of Contemporary Art de Budapest (HU), puis l’exposition poursuivra une tournée mondiale après sa première présentation à Budapest du 09 février au 14 avril 2024. La première section, qui présente des séries graphiques et des peintures uniques ou reproduites, s’étend de la fin des années 1960 à nos jours et présente les thèmes et les groupes artistiques les plus significatifs de cet ensemble  d’œuvres, en retraçant les transformations des systèmes de lignes et de formes de Vera Molnar, tandis qu’une seconde  section  examine l’impact de l’artiste sur l’art contemporain et présente, une exposition de groupe qui comprend des œuvres d’artistes internationaux reconnaissant l’influence de Vera Molnar sur leur travail.

Les artistes invités sont : Refik Anadol, Arno Beck, Snow Yunxue Fu,  Mario Klingemann, Patrick Lichty, Frieder Nake, Casey Reas, Antoine Schmitt Erwin Steller, Tamiko Thiel and /p, u2p050, Iskra Velitchkova, Aurèce Vettier, Mark Wilson,  Samuel Yan, et  Vera Molnar bien évidemment par une belle une sélection d’œuvres.

Une collaboration du Ludwig Museum et de la Stiftung für Kunst und Kultur, Vintage Gallery. Un Commissariat de Richard Castelli et Zsófia Mâté  à l’initiative de Josef Broich notamment pour la section « héritage contemporain ». Du 09 février au 14 avril 2024, au Ludwig Museum of Contemporary Art. Budapest (HU).

http://www.veramolnar.com/

Visuel d’ouverture > Véra Molnár, Sainte-Victoire On Line, 2018, dessin à l’ordinateur sur papier, 50 x 150 cm ©Vera Molnar, Paris 2021. Courtesy Galerie 8+4 dans le cadre du salon Pariedolie à Marseille.

 

 

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