Didier Marcel, un héritier sidéral

Didier Marcel est un artiste rare obsédé par les ruines nées de l’obsolescence, de la désindustrialisation et du gaspillage généralisé, chez qui, en y regardant bien, on pourrait déceler plus que des résidus de la pensée philosophico-mystique de Malevitch, en moins cosmique… Quoique ! Ce point de vue passionnant a été publié par TK-21 et nous vous proposons de le découvrir dans le cadre d’un partenariat qu’ArstHebdoMédias entretient avec la revue.

Sa matière à Didier Marcel c’est le rebut en tant qu’ultime production de la société postindustrielle et sublime témoignage de la déliquescence d’une civilisation, celle d’Occident dont France est un pathétique représentant, mais aussi le débris architectonique susceptible d’être projeté dans d’autres espaces, ruines passées ou futures de pays qui n’en peuvent plus d’avoir eu à subir, et à subir encore, autant d’incuries, à essuyer autant d’avanies. Didier Marcel ne dit pas ceci explicitement mais il le montre, à sa manière, poétiquement, car rares sont les artistes qui entrent dans une logique explicative de leurs œuvres, et c’est tant mieux.
Aux autres à essayer d’en rechercher par eux-mêmes le sens. Et le ministère et ses représentants ainsi que tous les membres de ses institutions d’évoquer-invoquer l’autre Marcel, je veux dire Duchamp, car bien souvent on croit trouver du ready-made chez Didier Marcel alors qu’il n’y est pas précisément, et puis aussi, et c’est autre chose, de la superbe « mise en abyme », ruine dans la ruine passée ou future, terme sacré, distinctif, donc distingué, qui vous classe instantanément dans le champ sacré, Campo Santo, de la culture, autre ruine que celle-ci et laquelle !

©Didier Marcel

Mais… la ruine est belle. Elle possède la beauté des histoires tristes, et les débris, les rebuts, sont comme des fragments de photographies déchirées qui ne demandent qu’à être recollés ensemble pour que soit restauré un fragment aussi du passé nostalgique.
Autoroute de l’Europe sur laquelle les camionneurs polonais et bulgares livrent une course folle aux surpuissantes berlines des vacanciers berlinois, France présente sur ses bas-côtés autoroutiers, des champs de ruines, ravages de la désindustrialisation, et des champs en ruine, ravages de l’agro-industrie, l’agro-business. C’est ce dont témoigne, à sa manière, Didier Marcel, poétiquement.

L’ultralibéralisme et son « amodernité »

Partout, ce ne sont qu’entrepôts à la carcasse de tôle défoncée et dévorée par la rouille, ateliers d’usines à moitié effondrés aux vestiges de murs tatoués de tags insipides tels les bras des vieux loubards des cités perdues, immeubles de bureaux ou de logements, orphelins de leurs occupants, aux fenêtres éborgnées et au béton couvert de moisissure, travail évanoui, population aussi, équipements publics jamais entretenus et maintenant au public en-allé, car population évanouie, service à la population aussi, déjà du temps de leur splendeur tas d’immondes immondices à peine architecturés, permis de construire délivrés à la va-vite ou après tractations occultes, donc inconfessables, gangrènes périurbaines corrodant progressivement les campagnes et pourrissant jusqu’au cœur des villes petites et moyennes, mais aussi monuments grandioses à l’intelligence et à l’activité passées, celles des nobles travailleurs, chapelles ouvrières désaffectées irradiant encore l’énergie des masses laborieuses devenues largement spectrales ici, en France, pays ravagé, comme presque tous les autres du reste, par l’ultralibéralisme et son « amodernité ».

©Didier Marcel

Mais, les ruines sont belles, davantage objets d’architecture que ce qu’elles étaient auparavant, Architecture du temps. Elles possèdent la beauté des choses, objets ou sujets, rejetées et oubliées, et puis elles sont tristes comme les belles histoires… ou comme un chien abandonné par des vacanciers sur un bas-côté autoroutier. Didier Marcel ne raconte absolument pas ça ! s’insurgeront le ministère et ses représentants ainsi que tous les membres de ses institutions. Si ! insisterai-je, il ne cesse de le dire et de le répéter, mais à sa manière, poétiquement. Mais eux, au ministère et sur ses bas-côtés, ils ne s’aventurent pas sur ces sentiers-là.

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Image d’ouverture> ©Didier Marcel

 

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