Chaque année, le Festival international des Jardins de Chaumont-sur-Loire reçoit de nouveaux paysagistes, architectes et artistes venus du monde entier rivaliser d’imagination autour d’un thème imposé. En 2014, quelque 26 équipes ont ainsi travaillé autour de celui des péchés capitaux, tels qu’identifiés par Thomas d’Aquin au XIIIe siècle ; près de la moitié d’entre elles choisissant de traiter les sept célèbres défauts dans leurs globalité, l’autre se concentrant plus particulièrement sur l’un d’eux – avarice, orgueil, colère et gourmandise apparaissant comme les plus récurrents. A l’occasion de cette 23e édition, et pour la première fois, plusieurs prix seront attribués par le jury ayant sélectionné les projets, présidé par le chef d’orchestre William Christie : les prix de la Création, du Design et Idées novatrices, de la Palette végétale et du Jardin transposable seront décernés le 4 juillet prochain. Parallèlement aux espaces créés dans le cadre du festival, le public est invité à découvrir trois « cartes vertes » offertes cette année à la plasticienne Betty Bui, au paysagiste Camille Muller et au sculpteur Marc Nucera. Voici en images un aperçu de ce parcours des plus réjouissants !
Ma cassette. « Pour représenter le jardin d’Harpagon, nous avons imaginé un jardin à la française revisité de manière minérale », explique Camille Lucquet. Une fois cet espace traversé, le visiteur pénètre sous un dôme doublé de plantes grimpantes – parmi elles de l’odorant jasmin. « L’idée étant de l’appeler à ressentir ce moment de tentation », aiguisée à la vue d’une monumentale « cassette, autoporteuse et tressée de saules vivants, emplie de boules d’or ». A vous d’y plonger !
Par Camille Lucquet, Caroline Leroux et Céline Klipfel (architectes).
Résurrection ou l’éloge de la défaillance. « J’ai voulu traiter les péchés, non pas comme des défauts, mais comme des qualités, confie Ana Morales. L’humain devrait s’intéresser à sa défaillance. » Pour illustrer sa pensée, l’artiste et paysagiste a recouvert le sol d’une couche irrégulière – « Il faut faire attention où l’on pose les pieds ! » – de béton drainant noir, creusée de sillons et « posée sans chape, ce qui permet d’y faire des plantations ». Bambous, mousses des prés, fougères et autres graminées viennent témoigner avec vitalité de ce postulat. Un espace étonnant et poétique qui offre un nouveau regard sur une matière désormais complice de la nature.
Par Carlotta Montefoschi, Niccolo Cau, Luigi Rebecchini et Francesco Jacques Dias (architectes), Ricardo Walker Campos (paysagiste), Francesca Romana Guanaschelli (photographe) et Maria Cecilia Villanis Ziani (docteur en droit).
Gourmanderie. Houblon, sureau noir, ortie, cerfeuil sauvage, oseille, rhubarbe sont quelques-unes des plantes débordant des trois corbeilles géantes tressées à la main par Sarah Sellam et Eugénie Denardaud. Toutes ont en commun d’être « gourmandes » en matière organique : elles vivent généralement dans les compostes, le fumier, les décombres et sont donc « proches des hommes et pourtant souvent considérées à tort comme des mauvaises herbes », expliquent les deux jeunes femmes. « On a l’habitude de les éliminer au stade de rosette, alors qu’elles vont donner des fleurs ou pouvoir être mangées. Il est important pour nous, paysagistes, de montrer qu’on peut faire une place à cette flore-là dans les jardins contemporains. » A bon entendeur…
Par Gaël Brulé (ingénieur), François Lepeytre (architecte), Julien Douesnard (paysagiste) et Franck Cazenave (fontainier).
Péchés virtuels. « A notre époque, les péchés n’existent plus, puisqu’on a/prend le droit de tout faire », constate Annemarie Arbefeuille, pour qui le premier péché aujourd’hui est « celui de virtualité ». Eléments naturels et artificiels cohabitent ici dans un jardin des plus conceptuels, où l’image fait figure d’ange déchu : « En tombant, celui-ci a provoqué un coup de vent sur les végétaux environnants. Restent les pixels de l’image elle-même, que nous avons mis en scène. » Les « anciens » péchés sont quant à eux représentés sous les traits de petits personnages de jeux vidéo. Un univers foisonnant et coloré pour le moins décalé.
Par Annemarie Arbefeuille et Pierre Froissac (plasticiens) et Gérard Pontet (paysagiste).
Par Simon Kitchin et Hwang Hay Jounet (paysagistes).
Haute culture. Des robes de princesses toutes entières constituées de plantes et de fleurs – savamment entrelacées autour d’armatures métalliques – sont installées sur des estrades de différents niveaux. Chacune fait face à un ensemble de masques noirs, plantés dans le sol à hauteur d’homme ou d’enfant. « Nous avons choisi de mettre en regard orgueil et envie, en évoquant tout aussi bien l’image du bal masqué que celle du défilé de mode contemporain », relève Valentin Fayet. Le visiteur, lui, a le choix entre « revêtir » l’un des somptueux habits ou s’abriter derrière un masque pour observer à loisir un ballet onirique et merveilleux.
Par Valentin Fayet (architecte), Pauline Legroux (architecte d’intérieur) et Jean Pouillart (créateur de jardins).
Par Arie Van der Hout (architecte-paysagiste) et Richard Van den Berg (paysagiste).
Pour l’amour de Tongariro. Il était une fois Taranaki et Ruapehu, deux volcans maoris se disputant les faveurs d’un troisième, « la » jeune Tongariro, à coup de fumerolles colériques. « La légende raconte que de cette confrontation sont nés les paysages néozélandais connus pour leur grande variété », rappelle Rozenn Duley. Les concepteurs du jardin donnent ainsi vie aux trois protagonistes de l’histoire, qui se dressent au milieu d’une végétation rappelant ici la forêt tropicale, là la toundra volcanique, dans une invitation au voyage des plus réussies.
Par Grégory Dubu et Rozenn Duley (paysagistes).