Les ventes menées par Sotheby’s à Hong-Kong au cours de ces trois derniers jours auront confirmé le potentiel des artistes chinois. Ils ont mieux résisté pendant la crise et atteignent déjà de nouveaux records.
La prochaine coqueluche des médias en matière d’art contemporain pourrait bien être originaire de l’empire du Milieu. Les artistes chinois, s’ils n’ont pas été épargnés par la crise, ont mieux résisté que certains grands noms. « Les artistes contemporains les plus spéculatifs d’hier se sont faits particulièrement discrets en salles en 2009. Le nombre de toiles de Banksy, de Richard Prince et de sculptures labellisées Damien Hirst est révisé au tiers », commente Thierry Ehrmann, pdg d’Artprice, en référence au classement 2009 des artistes (établi en fonction du chiffre d’affaires réalisé lors de ventes aux enchères publiques) récemment publié par le site.
En effet, les recettes de Damien Hirst – 15,9 millions de dollars l’an dernier –, sont quatorze fois moindres qu’en 2008. Et le nombre restreint de lots mis en vente (156 contre 445 en 2008) n’explique pas tout. Les prix d’adjudication des œuvres de l’artiste anglais ont bel et bien chuté. « Le grand gagnant de la dernière fièvre acheteuse, qui affichait 65 adjudications millionnaires à son palmarès 2008, n’emporte que deux enchères millionnaires en 2009 », note Thierry Ehrmann. Ainsi, l’artiste célèbre pour ses animaux découpés en tranches et plongés dans de gigantesques aquariums emplis de formol, est tombé à la 44e place du classement 2009 alors que tout le destinait à rejoindre le podium puisqu’il figurait en 4e position en 2008. En outre, il n’est même plus présent dans le Top 100 des enchères les plus élevées. Dans la catégorie des artistes vivants, ce sont Peter Doig, Jasper Johns et David Hockney qui forment le trio de tête en se classant respectivement à la 32e, 40e et 43e place avec des enchères en millions de dollars de 9, 7,7 et 7 millions.
Jeff Koons et Richard Prince, deux autres stars de la scène contemporaine, n’ont pas fait beaucoup mieux que Damien Hirst. Le premier parvient à se classer en 23e position (contre 11e en 2008) et son chiffre d’affaires n’a été divisé « que » par trois (28,2 millions de dollars). Mais le célèbre créateur de Balloon Dog doit beaucoup à la quasi-stabilité du nombre de lots vendus (91 contre 114 en 2008). Quant à Richard Prince, il a chuté dans les profondeurs du classement (75e contre 18e en 2008) avec des recettes de 9,9 millions d’euros, c’est-à-dire divisées par six.
En comparaison, les artistes chinois tirent leur épingle du jeu. Certes, leurs recettes ont également fondu mais dans des proportions moindres. Celles de Wang Guangyi ont enregistré une baisse de 75 %, celles de Zhou Chunya de 57 %. On a constaté 65 % de produits de ventes en moins pour Liu Ye, – 80 % pour Yan Pei-Ming, – 84 % pour Yue Minjun, – 86 % pour Zhang Xiaogang et – 88 % pour Liu Xiaodong. Surtout, parmi les trois premiers artistes vivants à se positionner dans le classement, on trouve deux artistes chinois aux côtés de Jeff Koons : Zao Wou-Ki en 16e position (avec 33,8 millions de dollars de recettes) et Wu Guanzhong en 28e position (23,9 millions) ; chacun ayant gagné une bonne quarantaine de places par rapport à 2008. En revanche, ils figurent encore en queue de peloton dans le classement des enchères records. L’huile de Zao Wu-Ki, 17.4.64, s’est adjugée un peu moins de 5 millions de dollars le 6 décembre quand la peinture de Wu Guanzhong, The Great Fall of Tanzania (1975), atteignait 4,5 millions de dollars.
Cependant les ventes organisées ces trois derniers jours par Sotheby’s à Hong-Kong laissent entrevoir une évolution. Elles ont totalisé 19 millions de dollars, soit nettement plus que l’estimation attendue. Et Evelyn Lin, chef du département d’art asiatique contemporain chez Sotheby’s souligne « le record mondial atteint par Liu Ye [ndlr : Bright Road, adjugée 2,45 millions de dollars, le triple de l’estimation haute] ainsi que la compétition tendue pour des talents tels que Cai Guo-Qiang, Yue Minjun, Zeng Fanzhi, Wang Guangyi ou Fang Lijun », tout en assurant que ces offres n’émanent pas seulement d’Asie mais aussi d’Europe et des Etats-Unis. Parmi ces noms, se trouvent donc peut-être les Koons et Hirst de demain.