Un hôtel particulier au design contemporain avec jardin Japonais à quelques pas de la très parisienne place Victor-Hugo : l’endroit est insolite, à la fois par sa façon et dans sa localisation. Personne n’imaginait un atelier résidence accueillant tous les trois mois un(e) jeune plasticien(e), or c’est le pari audacieux de Louis Verret, commissaire du Fonds de Dotation Weiss, engagé dans le soutien à la création émergente sous toutes ses formes.
Au départ, c’est bien le lieu qui induit la fonction, puisqu’en 2021 Fanny et Julien Weiss, qui en sont les propriétaires, décident de dédier cet ancien immeuble de bureau au soutien de la jeune scène plasticienne. La rencontre avec Louis Verret, lui-même artiste, scellera le projet d’y inviter régulièrement des artistes émergents de moins de 40 ans à y résider et travailler durant deux mois et demi, avant que d’y exposer les trois semaines suivantes leurs créations réalisées in situ. Selon ce rythme et ce temps d’occupation le programme peut ainsi accueillir confortablement trois artistes par an.
L’idée est généreuse et tout aussi intéressante qui consiste à proposer aux artistes une véritable expérience, une sorte d’immersion en vase clos où se mêle sur un temps relativement court la réalisation et finalisation d’un projet préalablement validé par le comité de sélection, suivi de son accrochage pour une exposition prête à recevoir du public. Ainsi sur le même site les candidats partagent-ils successivement la fonction d’atelier et celle de galerie, sorte de résidence à géométrie variable dont le protocole peut ostensiblement varier selon les travaux de chacun. Une aide à la production de 2 000 € est allouée à tous les résidents en échange d’une œuvre qu’ils offriront au Fonds de dotation en fin d’exposition. Si l’endroit paraît de prime abord peu adapté à la fois par sa situation physique au cœur du XVIe arrondissement, soit très loin des quartiers parisiens où sont établies les galeries, mais aussi à la vue de son architecture intérieure très polissée, qui tranche avec la rudesse habituelle des ateliers d’artiste, il permet selon Louis Verret, une vraie déconnexion dans le temps et dans l’espace.
Les trois premiers artistes qui y ont séjournés depuis l’ouverture à l’automne 2021 étaient tous peintres, choisis par le couple de mécènes et le commissaire, « parce qu’il fallait commencer et pouvoir lancer la machine, précise ce dernier : Mario Picardo, Clédia Fourniau, et Louis Jacquot faisaient partie des artistes émergents que nous avions repérés, au préalable et à qui nous avons eu envie de proposer la résidence. » Neuf mois de cette nouvelle aventure s’en sont suivis, avec un accompagnement soutenu de Louis Verret à travers une visite hebdomadaire et de nombreux échanges autour du travail en préparation. La notion de collaboration semble pour lui primordiale, et le très beau catalogue qui célèbre ce chapitre initiatique en est le remarquable témoin, carnet d’art mais aussi journal presque intime de la relation créée entre les résidents et leur commissaire. Une aventure de l’art peu commune en somme, puisque totalement immersive à l’heure où les réseaux sociaux semblent parfois creuser une réelle distance au sein de la communauté artistique, comme dans notre société en général.
Le deuxième cycle, qui vient de se clôturer, s’est ouvert à un spectre plus large de jeunes plasticiens. Récemment sortie des Beaux-Arts de Paris, Pauline D’Andigné s’exprime à travers différents médiums qui mêlent la photographie, la peinture, le dessin… et a réalisé in situ une installation monumentale. Melchior Tersen, explorateur, collectionneur et archiviste boulimique de la ville, a choisi, lui, de dresser sur place et à sa manière une étonnante cartographie de Paris. Eugénie Touzé, elle aussi sortie des Beaux-Arts de Paris, développe un travail autour de l’enregistrement photo-vidéographique. Elle a présenté en juin dernier dans les espaces de résidence une exposition inédite, Contre un battement de cils, une projection qui se place à la lisière de la vidéo et de l’image fixe, instants figés d’une captation réalisée lors d’une randonnée dans les Carpates. Trois artistes pour trois expositions inédites, révélant chacun dans un temps résolument réduit une séquence de leur exploration en cours, en nous invitant de manière interactive à les suivre demain sur leurs parcours à venir.
C’est bien là l’objectif de ce Fonds de dotation, qui depuis septembre 2021 se veut lieu de découverte et de dialogue entre la scène artistique émergente, amateurs et collectionneurs, et qui par sa mise à disposition d’espaces et de moyens espère devenir un activateur de projets, un élément moteur au sein de l’écosystème de l’art. Une troisième séquence d’invitation se profile déjà, à l’issue cette fois-ci d’un appel à dossiers. Elle accueillera à la rentrée 2023, trois nouveaux jeunes talents dont Olivier Bémer (né en 1989), diplômé de l’ECAL, des Beaux-Arts de Paris et du Fresnoy Studio National des arts contemporains, qui mènera une réflexion autour des nouvelles techniques 3D en dialogue avec des objets issus de technologies dites obsolètes. Déborah Fischer (née en 1992), diplômée de l’ENSAAMA Olivier de Serres et des Beaux-Arts de Paris, qui se définit comme « alchimiste urbaine », souhaite se consacrer à une première exposition sur le thème de la réparation et du soin tandis que Raphaël-Bachir Osman (né en 1992), diplômé de la Haute École des Arts du Rhin, développant une pratique plurielle, de la peinture à l’installation, envisage ici, un travail de peinture autour de la bêtise et de la régression, dans un dialogue d’images sous forme de diptyques. Un programme à suivre qui se déploiera dès l’automne.
Informations complémentaires> Fonds de dotation Weiss, 28, rue Paul Valéry, 75116 Paris. Horaires d’ouverture : du mercredi au samedi, de 14h à 19h. contact@fondsdotationweiss.com
Visuel d’ouverture> Fonds de Dotation Weiss, catalogue de la première exposition dont les résidents étaient Mario Picardo, Clédia Fourniau, et Louis Jacquot.
