Pour sa dernière exposition, l’Espace Art Contemporain de La Rochelle a invité Fabien Mérelle. Le dessinateur y présente une sélection de dessins réalisés depuis 2007 et deux pièces en volume. Une rétrospective à découvrir jusqu’au 21 décembre.
Dans la cour pavée, ouverte sur la rue Gargoulleau, les visiteurs, tête en l’air, admirent la taille des fenêtres qui laissent deviner la hauteur sous plafond des pièces. La Rochelle possède nombre de très belles bâtisses, témoins des riches heures de son histoire. L’Homme papillon de Fabien Mérelle installé sur l’affiche de l’exposition signale que l’art a rendez-vous avec ce patrimoine jusqu’au 21 décembre. Trois salles en enfilade, avec parquets et moulures, rehaussés par la présence de colonnes en pierre brute, accueillent une rétrospective de l’œuvre de l’artiste : une vingtaine de dessins datant de 2007 à aujourd’hui. « J’ai rencontré Fabien Mérelle à la Casa Velázquez, à Madrid, en 2009. A l’époque, je rendais visite au photographe Laurent Millet. Ils avaient décidé d’échanger leurs ateliers. Celui de Fabien était trop grand, celui de Laurent trop petit. Laurent avait besoin de plus de lumière, Fabien souhaitait retrouver l’intimité de son espace parisien. J’avais vu ses dessins et j’étais curieuse d’en savoir plus sur sa pratique. Son travail m’évoquait les aventures du personnage de Little Nemo », raconte Doria Ardiet, commissaire de l’exposition et médiatrice Arts plastiques à la direction des Affaires culturelles de la ville. « J’avais moi-même fait les Beaux-Arts de Paris – dans l’atelier d’Annette Messager. Ma recherche utilisait la photographie, le textile et l’objet. Mais la mise à nu exigée de soi-même était trop dure. J’ai finalement préféré me consacrer à promotion de l’œuvre des autres », raconte-t-elle. Depuis leur première rencontre, la jeune femme a donc suivi la progression du dessinateur et n’a pas hésité à l’inviter quand il s’est agi d’organiser la dernière exposition de l’Espace Art Contemporain. L’ancien palais épiscopal du XVIIIe siècle qui l’abrite devant être restauré avant un changement de destination.
Des aventures humaines
Quel plaisir de découvrir certains dessins connus jusqu’à lors uniquement à travers la photographie ou l’édition. Le ballet des visiteurs est éloquent. Ils observent, d’abord à distance respectueuse, puis s’approchent de plus en plus jusqu’à laisser leur regard filer au rythme des traits minutieux et nerveux qui forment des scènes absolument inédites. « C’est troublant. On se perd dans cette sorte de paysage inscrit dans l’image qui peut se regarder à l’infini », lâche Doria Ardiet. Les dessins de Fabien Mérelle se regardent comme on écoute attentivement une histoire relatée par un ami. Chacun est invité à appréhender ce que l’artiste veut bien nous confier de ses aventures humaines. « La proximité qu’entretient Fabien Mérelle avec son environnement immédiat structure son caractère graphique, tel un musicien sa pâte sonore. Sa vie quotidienne tient lieu de miroir où la main et le dessin ne font qu’un », écrit pour l’occasion René-Julien Praz, venu à La Rochelle avec son associé Bruno Delavallade. Les deux galeristes comptent parmi les plus fidèles soutiens de l’artiste, dont les récents travaux seront exposés dans leur établissement, à Paris, en mars 2014.


Englué dans un attrape-mouches, le personnage au torse bandé et pyjama rayé ferme les yeux. Plus loin, le même doté d’une tête de cerf joue un Actéon stoïque au milieu de la meute de chiens toute prête à le dévorer. Puis, vient ce magnifique et cruel dindon qui s’apprête à le couper en deux, à l’avaler comme un vulgaire lombric. Rien ou presque ne lui est épargné. « Il s’agit de fixer un sentiment, un état d’âme, une impression fugitive », affirme l’artiste à une femme bouleversée par le Tronçonné, première pièce en volume de l’artiste. Son alter ego est là, à nos pieds, corps de bois débité en rondelles. La scène, ici, comme lors de sa première présentation l’an dernier à la galerie Praz-Delavallade, laisse sans voix. La force du dessin a été transmise à la sculpture au rendu extraordinaire, effrayant même. Depuis un peu moins de deux ans, Fabien Mérelle s’est lancé dans cette folle idée d’offrir à certains de ses dessins une vie en 3D. En mai dernier, une sculpture de cinq mètres de haut figurant Le Pentateuque était exposée en plein Hong Kong, alors que la galerie d’Edouard Malingue, à quelques rues de là, présentait L’Homme papillon.
Psyché, la personnification de l’âme
Installé sur un socle, le personnage a la tête ceinte d’un papillon aux ailes blanches. Cette singularité ne peut échapper, d’autant que le dessin dont il est né ne lui ressemble pas. Après avoir voulu retranscrire scrupuleusement l’élan et la précision du trait, l’artiste s’en éloigne peu à peu. « C’est un travail en progression », explique-t-il devant la nouvelle pièce qu’il présente à La Rochelle. Cette dernière n’est pas issue d’une matrice saisie sur la feuille, elle n’a pas été extrapolée à partir d’un dessin, mais bel et bien sortie directement de l’imagination de l’artiste. Pantalon de pyjama rayé toujours remonté jusqu’au niveau des genoux, tee-shirt blanc, le personnage concentré comme pour une séance de tai chi maîtrise probablement jusqu’au moindre souffle de sa respiration. Il porte des papillons. Extensions de ses rêves, matérialisations de ses pensées, ils sont posés sur son dos, un de ses bras, son torse et sa tête, mais pourraient tout aussi bien naître de lui. Psyché n’était-elle pas la personnification de l’âme représentée avec des ailes de papillon ? Ils sont au nombre de deux sur son crâne, deux comme le nombre d’enfants qu’il aura prochainement. Estelle, son épouse, attend un heureux événement. Laura, sa fille, aura donc une sœur ou un frère. L’odyssée de Fabien Mérelle se poursuit et avec elle l’extension de son domaine artistique.
Un ouvrage, trois regards
