Hommage à Dominique Sablons – Du goût de la rencontre à l’engagement

Un grand sourire d’abord, et puis une franche poignée de main ou une cordiale accolade. L’accueil de Dominique Sablons était toujours chaleureux. Puis l’homme vous entraînait assez rapidement dans les salles d’exposition pour vous montrer les précieuses pièces que ses artistes lui avaient confiées. On pouvait souvent voir briller dans son œil une lueur de fierté. En 2002, Dominique Sablons décide, avec sa femme Françoise, de créer une galerie dans un village de 161 habitants. Biz’art-Biz’art voit le jour au Vaudioux, dans le Jura. Au fil des ans, la notoriété du lieu grandit, son catalogue d’artistes singuliers aussi, au point que les œuvres grignotent peu à peu l’espace vital de la famille… pour leur plus grand bonheur ! Le pari audacieux s’est transformé en réussite, porté par l’engagement sans faille du maître des lieux. Dominique Sablons nous a quittés le 27 août dernier. Il manquera à ceux qui l’aimaient, bien sûr, à ses artistes, mais aussi à une certaine conception d’« un art vivant, ouvert à tous », un art reçu et accueilli comme membre actif d’une communauté. Pour lui rendre hommage, nous mettons en ligne l’interview parue en 2007 dans le numéro 287 du magazine Cimaise.

Comment êtes-vous arrivés ici et pourquoi ?

Dominique Sablons. – Je suis un auteur multimédia, je viens du monde de l’édition. Ma femme, artiste dans l’âme, travaillait dans la fonction publique. Nous avons longtemps vécu en région parisienne. Puis, au tournant des années 1980-1990, nous avons décidé de prendre le large, de quitter la ville, notamment pour nos enfants. Nous avons choisi la Franche-Comté, où j’ai passé mon d’adolescence. Ici, dans le Jura, nous sommes à la fois isolés et proches de tout, au centre du triangle Paris, Lyon et Genève.

Comment est né le concept de Biz’art Biz’art ?

Mon épouse étant peintre, nous avons eu envie de présenter ses œuvres. Puis, des réseaux ont commencé à se tisser, à travers notamment des visites d’ateliers. Nous avons eu envie de pérenniser ces rencontres, de défendre des artistes que nous aimions, avec lesquels nous avions établi une relation forte. On défend mal les gens quand on ne les connaît pas bien. Ici, nous revendiquons notre vision, nos choix. Notre démarche se situe dans l’échange. Où le faire mieux que chez nous, tout simplement ?

Vous êtes des promoteurs de l’art singulier…

Oui… mais de façon large, ouverte. Nous aimons bien cette notion, car elle évoque un art rare, insolite, inventif, stupéfiant et cependant… familier ! Hors norme et spontané. J’ai une définition personnelle de ce qu’est l’art singulier : selon moi, c’est « l’art des créateurs réfractaires à l’orthodoxie culturelle ». Cela vaut pour toutes les cultures et toutes les époques ! Ce qui lui confère paradoxalement un caractère universel.

Qui sont les artistes que vous exposez ? Comment les avez-vous sélectionnés ?

Ce sont d’authentiques rencontres, des coups de cœur, des créateurs avec qui nous nous sommes liés d’amitié, pour lesquels nous ressentons un élan… D’une année sur l’autre, le panel s’élargit. Bien sûr, on aimerait vraiment les garder tous avec nous. Particularité : ce ne sont pas forcément des artistes locaux. Certes, Marie-Françoise Valois, dont nous proposons des œuvres depuis deux ans, habite effectivement le département voisin de la Haute-Saône. Mais d’autres vivent en Bretagne ou à Paris. Ce n’est pas en dépit mais plutôt grâce à cette diversité que nous sommes totalement investis dans le développement artistique local.

Sergey Bespamyatnykh
Brave lapin, Biz’art-Biz’art 2015, Sergey Bespamyatnykh
Concrètement, comment vous organisez-vous ?

Nous présentons des artistes toute l’année sur rendez-vous, mais la période de juin à septembre est évidemment la saison la plus propice. Les œuvres sont exposées chez nous, dans un cadre spécialement aménagé, en l’occurrence la grange. Nous nous rendons disponibles pour les visiteurs, c’est notre choix. Nous avons souhaité créer un lieu de rencontre et d’échanges, vraiment fort mais sans prétention. Les gens qui viennent nous voir font un effort. En contrepartie, nous n’avons pas envie de les décevoir ! Nos visiteurs peuvent voir et ressentir pleinement ce qu’est l’art et ce que sont les artistes. En général, cela les touche vraiment.

A quel public vous adressez-vous ?

Les œuvres que nous présentons s’adressent à tous. Tout le monde peut être touché par la fécondité et la spontanéité des artistes exposés. Il n’y a aucune exclusive. Nous recevons individuellement des centaines de personnes par an qui font une expérience… « singulière ».

Ainsi, l’art contemporain peut aussi s’épanouir dans un petit village du Jura ?

Nous en donnons la preuve par l’exemple ! Petit à petit, même nos voisins finissent par s’y faire. Le goût se forme, acquiert de la maturité.

Donc, votre démarche n’est pas complètement utopique ?

Nous n’avons aucune théorie là-dessus. Seulement, une accumulation de constats très positifs sur la durée. Nous avons une passion et nous aimons la communiquer aux autres. Avec ou sans le soutien de l’Etat ou des différents intervenants dans le domaine de l’art.

Comment voyez-vous l’avenir ?

Notre passion est née en couple, en famille. Puis, elle s’est élargie progressivement. Au sein de l’association Biz’art-Biz’art que nous animons, il y a désormais des personnes de tous horizons : des artistes bien sûr, mais aussi des collectionneurs et puis de simples particuliers venus nous rejoindre. Nous essayons d’essaimer. Notre ambition ? Que l’art contemporain fasse partie de la vie, ici au Vaudioux comme à Paris, à New York ou ailleurs.

Marc Giai-Miniet
La valise, Biz’art-Biz’art 2015, Marc Giai-Miniet

GALERIE

Contact
Inaugurée le 1er juin dernier, l’exposition estivale de Biz’art-Biz’art se poursuit jusqu’au 30 septembre. Biz’art-Biz’art, 2, chemin Prayat, 39300, Le Vaudioux, France.
Tél. : 03 84 51 63 36 www.bizart-bizart.com.
www.facebook.com/pages/BizArt-BizArt/
Crédits photos
La valise, Biz’art-Biz’art 2015 © Marc Giai-Miniet,Brave lapin, Biz’art-Biz’art 2015 © Sergey Bespamyatnykh,Ma bible © Françoise Sablons, © Marie-Françoise Valois
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