Tiziana La Melia | Broom Emotion

"À travers ces collages plus ou moins abrupts d’images, de formes et de matières, et par le biais de ces ébauches narratives s’articulant dans son travail, Tiziana La Melia fait émerger des scènes. Entre les murs de la galerie, apprêtés comme la surface d’une toile dont nous arpenterions l’espace intérieur, les pièces dialoguent sur fond d’allusions pastorales : les ballots de foin envahissent l’espace, maquillant l’air d’un agréable parfum ; du sable se répand au sol et jusque sur les peintures, comme finirait par se propager la poussière dans une vieille grange ; des coquilles d’œufs brisées, d’un format tel qu’on se demande bien quelle volaille aurait pu les pondre, attendent ça et là d’être investies par d’autres présences. Il y a là comme le décor d’une fable ou d’un conte dont les paroles manquantes laisseraient aux objets le soin de prendre le relais du récit, de nourrir les évocations de sens et d’entretenir, par ce biais, une tradition folklorique dont la mémoire se perd. Des histoires de sorcellerie, de basse-cour, de cérémonies païennes aux rites oubliés se mêlent à la touche vaporeuse et si particulière de Tiziana, au burlesque qui émane de son trait, à ce kitsch discret et sans âge dont elle prend soin d’opérer l’agencement. D’aucuns diront donc que derrière ces figurations stylisées et ces abstractions bigarrées, une certaine forme de mauvais-goût s’échappe. Pour ma part, je vois dans ces effets de saturations, dans ces rapprochements disjonctifs qui chargent les choses de pouvoirs ambigus, une manière particulière d’affecter les formes, de leur faire porter une empreinte affirmant la relation intime, presque organique, qui les unit à leur auteur. Il y a dans l’œuvre de Tiziana quelque chose qui, farouchement, résiste et ne saurait se résoudre à livrer les secrets présidant à son apparition. Par-dessus tout, dans ce caractère de retrait, je vois ce qui pourrait bien être l’alibi d’une attitude récalcitrante aux modèles dominants, un moyen de se soustraire aux forces d’attractions ayant cours dans l’art comme ailleurs. À l’image du gel dégoulinant sur le peigne et condamné à l’inutilité, l’exposition de l'artiste produira des phénomènes de fuite, libérant pour un temps l’attention des regardeurs de toutes productions serviles." Franck Balland