Marlène Mocquet – L’enfance de l’art

Son monde enchanté a séduit la critique new-yorkaise. L’Alice qu’elle porte en elle traverse les miroirs comme les personnages fantasmagoriques de ses tableaux tentent d’échapper au cadre pour se rassembler au cœur d’un univers obstinément poétique.

Petit bout de femme aux yeux de chat et aux boucles blondes, Marlène Mocquet, nous reçoit dans son atelier, vaste pièce aux murs d’un blanc immaculé, niché à un jet de pierre de l’église de Pantin. Démarche féline, la jeune artiste – à peine trente ans – navigue à vue dans un capharnaüm maîtrisé, entre pots de peinture à ciel ouvert, tubes esquichés et bouchons à la dérive. Tout est allé très vite pour cette jeune parisienne, diplômée des Beaux-Arts de Paris il y a trois ans. Le 21 juin 2006 chante depuis, dans sa vie, tel une fête : « Alors que j’exposais mon travail de fin d’études, des collectionneurs m’ont acheté plusieurs toiles. Ce fut un magnifique jour d’été ! » L’année suivante, après une première exposition personnelle chez Alain Gutharc, elle s’invite à New York où la critique d’art du New York Times, Roberta Smith, la remarque. « Je ne comprends pas toujours ce besoin de citer systématiquement des références, mais celles qu’elle a faites aux miniatures indiennes, en évoquant ma peinture, sont les plus justes de toutes celles que j’ai pu lire ou entendre », s’enthousiasme l’artiste à qui ces lauriers outre-Atlantique ont donné des ailes.

« Cette petite fille, mon double peut-être »

Aux murs de son atelier, une série de petits formats récents se décline en une multitude d’historiettes, tel un rébus dont un monde fantastique jaillit : des coulures et des écrasements de fluides naît une faune étrange : monstres et animaux démesurés, oiseaux menaçants ou drôles, personnages fantomatiques… Avec leurs yeux exorbités, ils s’interpellent, s’effraient, puis cohabitent en toute amitié dans l’espace. « Il y a peu d’éléments récurrents dans ma peinture, remarque Marlène Mocquet, sauf cette petite fille, mon double peut-être, qui se métamorphose d’un tableau à l’autre ». Minuscule, ici, elle pointe un doigt interrogateur ; là, transformée en une immense tache, elle affiche une couleur éclatante, à l’unisson de tous les sentiments de l’univers poétique de l’enfance. L’artiste utilise de la résine pour la brillance, et l’aérographe pour sa légèreté. « Je suis toujours surprise par le résultat de ces successions de touches de peinture qui font une composition de matières ». Après un premier travail à plat qui fixe le fond de la toile – elle peut marcher dessus ou la brosser à l’aide d’un balai –, elle sème les détails qui donnent vie à ses personnages et au monde fantasmagorique où ils s’ébattent. D’un jus coloré émerge le corps d’un gentil démon ; de formes rugueuses, une multitude de petits êtres volants ; de trois légères touches noires et blanches, des yeux qui vous regardent. « Je remarque depuis peu que mes personnages principaux étaient toujours hors cadre ; je ne peux pas me l’expliquer pour l’instant. »

« Le Tigre aux pommes, un aboutissement »

Serait-ce parce qu’ils manquaient de place ? On est tenté de le croire, car aujourd’hui, Marlène Mocquet se lance un nouveau défi : le grand format. « Mon travail est une remise en cause personnelle permanente. Par cette quête, je me cherche moi-même. » Et actuellement, elle reconsidère son questionnement au monde par la présence d’un imposant personnage central, ceint de chrysalides noires, composition déjà initiée dans Le Totem fertile ou Les Parpaings humains, œuvres qu’elle expose au MAC Lyon parmi une centaine de toiles. « Avec Le Tigre aux pommes, gros chat espiègle qui observe la disparition d’un monde minuscule qui s’efface à son passage, j’arrive à une harmonie dans un grand format ; cette toile est un aboutissement, une référence pour moi. C’est la première fois que j’y parviens.» Mais certainement pas la dernière, car, petit ou grand format, les créatures tendres et éthérées de Marlène Mocquet traversent le miroir et, comme des marionnettistes invisibles, tirent les fils de nos émois d’enfant.

Contact

Jusqu’au 19 avril 2009 au MAC Lyon – Musée d’art contemporain, Cité internationale, 81, quai Charles-de-Gaulle, 69006, Lyon, France.
Tél. : 04 72 69 17 17 www.mac-lyon.com.
Cet été, Marlène Mocquet sera exposée au château de Jau, centre d’art contemporain situé à Cases de Pene, près de Perpignan.
Le site de l’artiste : http://marlenemocquet.fr.

Crédits photos

Image d’ouverture : Le Tigre aux pommes © Marlène Mocquet –

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