Comme chaque année autour du 20 octobre, Paris vit durant une petite semaine à l’heure de l’art contemporain. Depuis quelques jours déjà, six foires accueillent les amateurs venus de partout en France et de l’étranger. Un marathon pour qui voudrait toutes les visiter et attention au porte-monnaie, ce n’est pas donné !
Sous la verrière du Grand Palais, l’art, c’est du sérieux ! Pour nous convaincre, la reine mère des foires parisiennes, ouverte au public depuis mercredi, a délaissé ses habits de lumière pour une bien triste austérité. C’est à peine si quelques galeries ont sacrifié à la tradition de l’œuvre spectaculaire, de celles qui font habituellement la Une des journaux télévisés. Peu d’enthousiasme, peu d’inventivité. Aux alentours, Show Off et Art Elysées tentent de prendre de la distance. La première en reconduisant la règle du « une galerie, un artiste », la seconde en s’adjoignant une partie « design ». Ailleurs, Cutlog et Chic font leur petit bonhomme de chemin, en misant sur des galeries plus alternatives mais aux artistes pas forcément moins talentueux, pendant que Slick emballe ses visiteurs. La palme des foires 2011 lui revient ! Voici la sélection d’ArtsThree.
Le soleil d’automne donne généreusement sur la verrière du Grand Palais, qui abrite 158 des 168 exposants venus de 21 pays participer à la 38e édition de la Fiac. Commentaires et discussions vont bon train sur les stands et dans les allées accueillant ce rendez-vous du marché de l’art international. La cour Carrée du Louvre étant fermée pour travaux, c’est une édition resserrée qui accueille le visiteur, tout en lui ouvrant de nouveaux espaces situés dans les galeries du premier étage. Aux côtés des valeurs sûres et rassurantes, des rencontres intéressantes, étonnantes ou amusantes, l’attendent ça et là au détour des cimaises.
C’est le cas de cette créature surprenante, dont les deux paires de pieds et de bras émergent d’une épaisse fourrure, et qui se dresse au centre de l’espace de la galerie Gabrielle Maubrie. Produit de l’imagination fertile et décalée de Théo Mercier, La Bête à deux dos est entourée d’une série de photos grand format, déclinant l’univers tour à tour étrange, drôle ou tendre du plasticien. Sur l’une d’elles, de curieuses petites meules de paille scrutent le spectateur de leurs yeux écarquillés. Dotées d’un pouvoir évocateur inégalé, les silhouettes noires de William Kentridge parcourent d’un pas décidé, voire martial, la trame de l’histoire dont elles déroulent le fil (Trois personnages, 2011). L’artiste sud-africain livre ici son propos, souvent social et politique mais toujours monté sur ressorts poétiques, par le biais de la tapisserie, nouvelle venue parmi les supports explorés (Goodman gallery, Afrique du Sud). Michal Rovner a de son côté choisi la pierre pour scène de ses singuliers théâtres d’ombres, qui s’éveillent dans le cadre de fascinantes et émouvantes installations vidéo. Avec elles, l’artiste israélienne transcrit en un langage universel le fruit de ses interrogations sur les notions d’existence, d’identité et de mémoire (The Pace gallery). A quelques pas, un élégant mobile formé de dix cercles d’aluminium s’anime. Le mouvement est fluide, presque imperceptible. L’ensemble explore les possibilités offertes par la troisième dimension. Le système sans doute complexe qui préside à la métamorphose ne sera pas dévoilé par Elias Crespin, qui préfère, à juste titre, laisser le plaisir esthétique et le charme agir sur un spectateur bien vite rallié à sa cause (galerie Denise René). L’attention est plus loin interpellée par une large toile sur laquelle évolue une forme d’essaim. Il faut s’approcher pour réaliser qu’il ne s’agit point de peinture mais d’une multitude d’épines d’acacia, dont la forme acérée contraste avec la douceur de la soie tendue sur la toile. S’inscrivant dans la lignée des maîtres de l’Arte Povera, Giuseppe Penone mène une réflexion sur l’homme et la nature, brouillant les pistes de notre perception sensorielle pour nous entraîner à sa suite (galerie Tucci Russo, Italie). Saluons enfin, car rares sont ceux à s’y être risqué, la mise en avant sur son stand d’un unique artiste, le Géorgien Andro Wekua, par la galerie Gladstone (New York et Bruxelles). Sur une chaise, somnole un mannequin de cire aux traits de jeune fille (Should be titled, 2010-2011), au sol, une tôle argentée fait des vagues de céramique (Floor relief/Waves, 2010-2011), tandis que des néons s’expriment en couleurs sous la voûte d’une haute arche blanche (Neon with arches, 2010-2011). Le décor est posé qui illustre l’énigmatique univers du plasticien, qui joue avec ses souvenirs et sollicite les nôtres. A vous de jouer ! Samantha DemanInstallée depuis six ans en marge de la Fiac, Show off réitère son parti pris de l’année dernière : les galeries sont tenues de présenter un artiste et un seul, pour un grand « one-man-show » artistique. Une scène plutôt européenne cette année puisque 40% des vingt-deux galeries présentes sous les tentes montées en bord de Seine venaient du Luxembourg, d’Angleterre ou encore des Pays-Bas. Dans ce méandre de peintures, installations, et autres dessins aux références éclectiques, deux artistes ont particulièrement retenu notre attention. Sur le stand de la galerie suisse Analix Forever, une pancarte, sur laquelle est inscrite « Please, pay attention please », nous invite à prendre place dans l’univers consumériste des années 1970. Ici, on peut acheter un sac Kelly, un chauffe-plat à résistance, un tourne-disque ou une multitude de disques vinyle des meilleurs groupes anglo-saxons de l’époque. Les prix varient en fonction de leur valeur initiale : chaque disque collector est vendu 300 euros, une publicité d’une galerie anglaise extraite du magazine Art&Form, 400 euros. Bienvenue dans l’œuvre de l’artiste canadien Conrad Bakker, Untitled Project : les révolutions de tous les jours, dont toutes les pièces sont en réalité taillées dans le bois puis peintes de façon réaliste à l’échelle 1:1. Uniques, elles s’attachent à la notion de réappropriation de la production de l’objet, chère au courant DIY (Do it yourself) et nous renvoient directement au contexte de la foire. Non seulement chacune d’elles est disponible immédiatement aux collectionneurs, mais la galerie, tel un magasin, se délitera au fil des ventes selon le principe du cash & carry, bien connu en français grâce à l’expression, « Emballez, c’est pesé » ! Une sorte de vrai corner shop de la Fiac, en somme, qui nous a beaucoup amusé. Chez Room London, l’artiste anglaise Rowena Hughes compose des univers géométriques sur des pages de journaux ou de livres anciens. Fascinée par les travaux sur les pavages du mathématicien Roger Penrose, cette jeune créatrice, tout juste diplômée de la Slade, associe les formes géométriques rappelant celles du diamant du chercheur britannique à des portraits, des photos d’architecture ou d’animaux parues dans des magazines des années 1950, ou encore à des pages de dictionnaire d’un autre temps. L’impression de ces nouveaux motifs noir et blanc sur des fonds de couleur sépia donne vie à la matière littéraire et photographique et accentue le graphisme des lettres et la profondeur des images. Une réussite en termes d’animation en 2D. Anne-Sophie Pellerin.
Il est vrai que l’entrée de Chic est sobrement signalée et qu’il serait facile de passer à côté sans rien savoir des plaisirs qui attendent à l’étage de la Cité de la mode et du design, d’anciens docks réhabilités. Dans ce bâtiment qui domine la Seine, à deux pas de la gare d’Austerlitz, l’effervescence est à son comble. Les galeristes s’affairent au montage de leur stand. Un moment d’absence et la visiteuse, persuadée d’être jeudi, est arrivée avec une journée d’avance… L’équipe de la foire est sympa, elle ne dit rien et la laisse entrer. Même avec les cartons, entre marteaux, escabeaux et couvertures, un petit air frais circule. Ici, on est décontracté et très heureux à l’idée de présenter « ses » artistes. Trois galeristes expliquent qu’ils n’ont pas pignon sur rue et ne reçoivent que sur rendez-vous dans un espace privé. Les foires sont pour eux le moment privilégié d’une rencontre élargie avec un public souvent moins averti, mais tout aussi intéressé. Tous ne le disent pas, mais ils sont de plus en plus nombreux à opter pour cette solution moins onéreuse en frais fixes et plus engagée sur le terrain des salons. Ainsi en est-il de Nathalie Fiks qui accueille ses collectionneurs dans son loft, rue du faubourg Saint-Martin (75010). Pour Chic, elle présente au côté des estampes abstraites et numériques d’Antoine Bénard, les sculptures de Seyni Camara. L’artiste sénégalaise, rompue aux secrets de l’argile depuis son plus jeune âge, a détourné les techniques artisanales de sa mère, potière, pour modeler des personnages étranges aux multiples têtes et des animaux tantôt amusants, tantôt effrayants. Sa mythologie, elle la tient d’un génie qui lui dicte ce qu’elle doit faire et permet aux sculptures de tenir debout. Son histoire, elle l’a confiée à Michèle Odeyé qui en a fait un livre, Solitude d’argile. Seyni a souvent peur mais continue inlassablement de créer. Une œuvre sans égale. A quelques mètres, c’est une autre œuvre sculptée qui attire l’attention. Celle de David Lechuga. Figure de l’art espagnol, il est représenté ici par Virginie Boissière et Natalia Jimenez-Gomendio, deux galeristes installées à Neuilly-sur-Seine. Sur leur socle, chacune des pièces nous jauge. Imprégnées de différentes époques de l’histoire de l’art – Egypte ancienne, période cubiste ou constructiviste –, ses œuvres en bois sculpté polychrome s’en sont émancipées pour n’être plus que les représentantes d’une expression singulière à la beauté altière. Avant de filer vers d’autres découvertes, un œil sur le beau travail d’Olivier Moriette, peintre et graveur. Dans une allée, installées sur une cloison extérieure de l’espace consacrée à la galerie Quai Est, les visages et profils de Reinhard Voss stoppent le visiteur dans sa lancée. Composées de lamelles de bois assemblées, sculptées, teintées et ornées de motifs géométriques, les œuvres de l’artiste allemand ont le regard tourné vers un ailleurs, bien au-delà de notre horizon. Elles évoquent à la fois les têtes décapitées par le temps des statues de la Grèce ou de la Rome antique et celles des souverains de Juda et d’Israël installées sur la façade de Notre-Dame et, jadis, jetées à la Seine par les Communards. Il y a un petit quelque chose de surréaliste dans cette affaire-là !
Pour les amateurs de chasse au trésor !
Vous qui avez l’âme joueuse et de bonnes chaussures de marche, la Fiac vous invite à découvrir aux jardins des Plantes et des Tuilerie les œuvres d’une bonne douzaine d’artistes triés sur le volet. Du côté du Muséum d’histoire naturelle, c’est une véritable chasse au trésor qui vous attend. Pas de plan aux entrées pour guider les visiteurs. Amateurs de sérendipité, voici votre royaume ! Penchez-vous, cherchez dernière les bosquets et les arbres, entrez dans les grandes serres, le musée ou la ménagerie, vous finirez par trouver le Mutant d’Olav Westphalen ou bien encore Platée d’Alain Séchas. Aux Tuileries, c’est plus facile. D’ailleurs, il suffit de se diriger vers les petites grappes de gens entourant les jeunes filles chargées de la médiation. Fini de laisser le public dans l’expectative, elles expliquent en boucle le parcours et les intentions de l’artiste. A noter, le théâtral Poems for Earthlings de l’Argentin Adrian Villar Rojas, qui se place dans la continuité des onze sculptures présentées actuellement à la Biennale de Venise. Comme toutes ses œuvres monumentales, celle-ci sera également détruite à la fin de l’exposition.
Mathilde Hatzenberger, nouvellement galeriste installée à Bruxelles, présente, quant à elle, le travail étonnant de Mai Tabakian. Une colonie d’insectes, encore dans leur cocon noir, est figée sur le mur. La nouvelle Route de la Soie, que de loin on imagine en bakélite, est en fait réalisée avec différents textiles, de la ouate, du polystyrène et un peu de carton plume. En résonnance avec cette œuvre, que l’artiste parisienne range dans la case « installations organiques », Le Sacre du Printemps réunit neuf éléments colorés voire quasi acidulés et à la finition parfaite. « Avec le temps, j’ai pu structurer mon champ d’investigation et l’ancrer dans un territoire singulier : le textile, comme mémoire du corps, réminiscence de l’enfance, d’un lieu ; un matériau qui pourrait suturer la blessure, combler le vide et dénouer le silence », explique-t-elle sur son site. Accueil sympathique à la galerie Lili-Ubel (75011), où Fanfan termine l’installation. Ici, ce sont les photographies d’Helmut Grill qui attirent immanquablement l’attention. Dans la série The Refuge, l’artiste autrichien piège le spectateur. L’image que l’on voit n’est pas celle que l’on croit ! Juste derrière soi est installé une maquette : le café Europa, celui-là même qui trône sur le cliché… Attention la fiction dépasse la réalité ! Avant de filer vers une autre foire, ne pas oublier d’aller admirer les dessins aquarellés du très doué Sergio Moscona, jeune peintre argentin représenté par la galerie Claire Corcia. Superbes ! Marie-Laure Desjardins
A quelques pas du fourmillement des allées du Grand Palais, c’est une ambiance presque feutrée qui attend le visiteur tout au long de l’unique allée rectiligne s’étendant, sous les couleurs d’Art Elysées, du Petit Palais à la place de la Concorde. Le salon, qui signe sa cinquième édition, accueille une soixantaine de galeries présentant quelque 370 artistes.
Au fil de la balade, le regard se laisse séduire par la douceur et la force émanant des toiles abstraites de Nurcan Giz. Des aplats au teintes sombres y disputent l’espace à la lumière des gris et blancs cassés. Dénuées de titres, les œuvres de l’artiste d’origine turque sont une invitation au songe, chacune indiquant une nouvelle piste à suivre dans les méandres d’une poétique commune enfouie au plus profond de chacun (galerie GNC). Non loin de là, la légèreté du trait de Michel Madore, Parisien d’adoption d’origine québécoise, nous entraîne dans de lointaines contrées dont les habitants tendrement veillent celui qui dort ou cheminent en de petites processions. Une association du papier marouflé et du fusain qui n’est pas sans rappeler les dessins pariétaux de nos ancêtres (galerie Capazza). La figure humaine est également au centre de la démarche du sculpteur suisse Marcus Egli, qui l’observe au travers de drôles de bonhommes en aluminium baptisés Hominium. Prisonniers d’une cage imaginaire, en rangs serrés (Ligne 25, 2011) ou agglutinés en bloc compact, ils sont devenus les hérauts de l’une de ses thématiques préférées : celle de la liberté (galerie Artima).
Retour à la peinture avec une plongée dans l’univers à la fois familier et étrange d’Antoni Taulé, ses tableaux comme son travail photographique donnant à voir des personnages et des décors qui font forcément écho, alors que les uns et les autres semblent être en décalage, ne pas appartenir au même espace-temps. Tous affichent pourtant de manière réciproque l’évidence de leur présence. Des notions d’identité et d’altérité qui sont au centre des recherches menées par l’artiste espagnol (galerie Noordeinde, Pays-Bas). Osons le coup de cœur pour l’octroyer aux mondes délicats et fragiles d’Emmanuel Fillot. A l’abri de larges vitrines, bois flotté, pierres, plumes et coquillages s’entremêlent en de féériques assemblages dont on oublie de questionner la faculté de se jouer des lois de l’apesanteur. Hommages à la terre, à ses paysages façonnés par le temps, ils sont comme des odes aux paroles oubliées, que l’artiste définit comme une « forme de cartographie poétique du monde » (galerie Leila Mordoch). S. D.
Attrition, Mise en demeure, Shock. Trois noms au diapason avec le climat ambiant, cynique et violent. Il n’y a pourtant aucun lien de parenté entre ces trois expositions, si ce n’est leur présence sur le salon Cutlog, qui se tient jusqu’au 23 octobre à la Bourse de commerce de Paris. Le mot attrition est l’inverse de la rétention. Il signifie la perte d’un client, d’une substance ou d’un élément. Sur les photographies du jeune Thomas Devaux, les femmes perdent leurs yeux, leur visage, leur bras tantôt remplacés par des membres qui ne leur appartiennent pas, tantôt brouillés à la manière du trait de fusain estompé du bout du doigt. Une déchirure des personnages déjà explorée par l’artiste dans ses premières œuvres, composées à partir de collages minutieux et expressifs. Aujourd’hui, depuis les coulisses des défilés de mode où il officie, il se constitue un vivier de modèles à décomposer, puis recomposer. De l’usure des corps ainsi superposés, il extrait les complexes facettes des femmes.
Oslo, le 22 juillet 2011. Une bombe explose à quelques pas du siège du gouvernement norvégien. Quelques jours plus tard, Damien Peyret découvre ces rues endeuillées. Il prend des clichés des vitres soufflées recouvertes à la hâte de panneaux de bois. Il immortalise les bougies allumées dans la cathédrale et les milliers de roses jonchant le sol. De retour en France, en découvrant les tirages, il a l’idée de placer ces témoignages du choc derrière une vitre brisée. Interpellé par ces impacts, le visiteur entre en interaction avec les images intitulées Shock. Le photographe aime jouer avec son médium presque autant qu’avec son sujet. D’où son attrait pour le Polaroïd. Et sa série très remarquée, Swim&Steam, réalisée en Islande à partir de ces films SX70 devenus mythiques. Il a d’ailleurs acquis les derniers packs disponibles pour de futurs travaux.
Photographe ? Plasticien ? Illusionniste ? Philosophe ? Mais qui est donc Philippe Soussan ? Un homme qui questionne le passage de la photographie argentique à celle de l’ère numérique. Aujourd’hui, l’image n’est plus révélée chimiquement, c’est un jet d’encre qui lui donne vie. Pour son exposition, Mise en demeure, l’artiste a capturé l’image d’un sac avec un appareil numérique, l’a transposée sur un papier d’imprimerie qu’il a ensuite façonné à la main pour lui donner la forme d’un… sac ! Une mise en abîme qu’il décline avec plusieurs objets de notre quotidien. Telle cette chaise dont on ne sait si elle est là devant nous ou bien s’il s’agit d’une image dans l’image. Anne-Laure Robert
Business’Art : une plate-forme pour le mécénat
Lancé en 2009, le salon Business’Art entend favoriser les échanges entre les artistes, le monde de l’entreprise et le grand public tout en promouvant la pratique du mécénat. Près de 60 artistes, dont presque deux tiers sont déjà soutenus par une entreprise, y sont présentés. Des vidéos ont été réalisées en vue de mieux appréhender leurs démarches respectives.
Contact > Jusqu’au 23 octobre à l’Espace Pierre Cardin, 1, Avenue Gabriel, 75008 Paris. Tél. : 01 42 66 69 20.
C’est la deuxième année consécutive que Slick vient déployer ses chapiteaux blancs sur l’esplanade du musée d’Art moderne de Paris. Pour cette sixième édition, une quarantaine de galeries sont présentes ; peinture, photographie et dessin y règnent en maître. La foire a l’habitude de proposer chaque fois un événement particulier. Cette année, le Slick Project rassemble une sélection d’installations et de projets monumentaux qui ponctuent agréablement le cheminement de stand en stand. L’occasion de retrouver Jean Denant, dont le travail avait déjà marqué l’édition 2010. L’artiste français expose sa Mappemonde, vision inquiétante de cette terre, comme fracassée à coups de marteau, qui est la nôtre (Leonardo Agosti gallery). Certains exposants ont fait le choix de ne proposer le travail que d’un seul artiste, telle la toute jeune galerie Inception – elle n’existe que depuis septembre dernier – qui présente Ahmed Mater. Le travail de ce Saoudien de 32 ans est traversé par la métamorphose brutale qui a marqué sa vie, lorsque le garçon pieux qu’il était est devenu médecin. Ses œuvres dénoncent tour à tour les dérives de la société de consommation et le dévoiement du sacré. Si les mots Allah Akbar se détachent nettement au cœur d’un filet rouge, on s’aperçoit en s’approchant que la toile est constituée de planches d’amorces de pistolets. Un homme suicidaire se métamorphose en pompe à essence (à moins que ce ne soit l’inverse) : Evolution of man sonne comme une condamnation. Ce point de vue de l’artiste a en tout cas valu à l’œuvre d’être censurée à la Dubaï Art Fair.
Le propos se fait plus politique encore avec Alicia Larrain-Chaux, présentée par la galerie Victoria Morell. La plasticienne utilise plusieurs techniques pour mener son exploration métaphysique de l’homme contemporain. De l’homme politique, happé par la mécanique du mensonge, il ne reste que l’enveloppe dévoilée dans Trepanado, une sculpture de métal découpé. Le David de Michel-Ange est rendu méconnaissable au fil des toiles de la série Rastros (Les traces). Ce visage, parangon de la beauté classique et figure de l’humanisme, est irrémédiablement abîmé par les assauts de la technologie. Humain, très humain aussi : Armelle Blary nous ramène dans la sphère de l’intime. L’artiste travaille le fil en volumes moelleux, en ravaudages délicats et en sculptures voluptueuses que la vie semble habiter. Témoignage, au cœur de matrices éternelles, de la renaissance d’une mythologie du quotidien que brise parfois la pointe acérée d’une aiguille (galerie Marie-José Degrelle). Armelle Bajard