Cela fait une dizaine d’années qu’A.N.A.T.O.L.E met fidèlement ses pas dans ceux de Katya Legendre. Prenant patiemment la pose, il interpelle du regard les individus croisés au fil de ses voyages, lors de rencontres fortuites ou provoquées, et tisse une complicité éphémère que pérennise la grâce de l’objectif. Si son visage impassible et son regard cristallin ne trahissent pas la moindre émotion, le poupon de celluloïd est passé maître dans l’art de révéler l’âme d’un lieu, de dévoiler les sentiments enfouis au plus profond de ceux qui lui offrent leurs bras ; au fil des ans, il est devenu le témoin et l’interprète de la vision du monde de la photographe. « Ce qui m’intéresse, c’est la relation qu’ont les gens avec lui, expliquait-elle il y a un peu plus de deux ans. Pour certains, il évoque l’enfance, leur futur, la pureté, voire leur propre bébé. C’est mon instrument pour mieux les connaître. »
Véritable pierre angulaire d’un travail réalisé sous forme de séries, le baigneur, symbole d’une innocence révolue ou métaphore de l’espérance humaine, surprend par la subtilité avec laquelle il parvient à percer à jour ceux qui l’approchent. Plus de 200 personnalités, issues du monde politique, sportif ou artistique, et de la société civile, se sont ainsi laissées prendre au jeu en acceptant d’être photographiées en sa compagnie. A chaque fois, la poupée s’est sans ambages immiscée au cœur de leur intimité pour nous en dévoiler un fragment.
Plus récemment, la série intitulée Inside est venue soulever la question de l’être et de l’apparence. En substituant son regard bleu et cristallin au leur, le baigneur s’approprie ici la personnalité, et jusqu’à l’humanité, des modèles. « On est entre l’objet et le sujet et c’est de travailler cette ambiguïté qui m’intéresse le plus à présent », confiait l’artiste lors de l’exposition de ses œuvres à Bruxelles en décembre 2007.
A.N.A.T.O.L.E est un catalyseur, et son champ d’action s’étend de part et d’autre de l’objectif. Car sa présence récurrente peut agacer, amuser ou émouvoir, mais jamais elle ne laisse indifférent ; sans relâche elle sonde, interroge, voire remet en question notre propre perception des choses.