Tisser un parallèle entre Raphaël, Delacroix ou Matisse et de récents vidéoclips réalisés pour la chanteuse islandaise Björk, le groupe de rock Radiohead ou l’artiste britannique David Bowie, avait de quoi émouvoir les puristes. C’est pourtant le fascinant défi qu’a choisi de relever le palais des Beaux-Arts de Lille pour son exposition E.motion graphique. S’appuyant sur ses propres collections, le musée offre ainsi aux regards plus de 170 dessins – les plus anciens datent du XVIe siècle – qui permettent au public d’appréhender l’évolution des techniques, matériaux et sujets à avoir traversé les siècles, de la Renaissance au début du XIXe. Mais confrontés à des œuvres issues de l’animation graphique et numérique ces travaux engagent avec elles un étonnant dialogue esthétique, et nous révèlent tout ce que les arts d’aujourd’hui doivent à l’acte de dessiner.
Il en résulte une riche réflexion sur le dessin, sa conception, sa pratique et son influence sur les différentes disciplines artistiques ; s’entrecroisent histoire de l’art et analyse de recherches résolument contemporaines, voire d’avant-garde. La visite se décompose en sept temps et sections, chacune reprenant un des thèmes propres à l’enseignement académique : détails anatomiques, nus, expressions du visage sont les premiers d’entre eux. Viennent ensuite l’étude des plis et drapés, celle du décor, du paysage, sans oublier l’importance de l’allégorie et du travail sur les mythes. S’appuyant sur des bases similaires, l’animation et le graphisme contemporains réunissent l’ensemble des formes d’illusion visuelle que sont la perspective, le réalisme des apparences, la symbolique des formes, mais aussi le trompe-l’œil et les métamorphoses. Mais si l’univers de synthèse excelle chaque jour davantage quant au réalisme des créatures et mondes fantastiques qu’il invente, il peine encore, paradoxalement, à représenter l’être humain de manière crédible et vraisemblable.
Les technologies ne cessent de se moderniser, mais elles n’en continuent pas moins de s’efforcer de répondre à des problématiques esthétiques semblables à celles de nos ancêtres. L’exposition lilloise montre ainsi combien le numérique fait appel à nos références culturelles, qui interrogent l’imitation du réel, et vient rappeler que la quête de l’illusion, née dans l’Antiquité, est toujours bel et bien vivante.