Marché de l’art – Des auspices favorables à Paris

Le marché de l’art contemporain n’a pas été épargné par la crise économique mondiale. Mais, depuis quelques mois, on évoque désormais un marché plutôt assagi que meurtri. La place parisienne et ses artistes, qui n’avaient que très peu péché dans l’euphorie spéculative, bénéficient d’un retour en grâce. Marchands et collectionneurs y croient !

S’il existait une échelle de Richter pour mesurer l’ampleur des secousses ressenties sur le marché de l’art contemporain, celle qui s’est abattue sur les ventes pendant huit mois entre le début de la crise mondiale et le printemps 2009, mériterait un bon 7. L’onde de choc fut majeure mais finalement peut-être pas si dévastatrice.

Le marché de l’art contemporain porte en lui, par nature, une dimension spéculative et les œuvres ne trouvent leur légitimation qu’à travers le long terme. Ce segment a donc naturellement été le plus durement touché. En 2008, les prix avaient chuté de 34,5 %, selon Artprice. Si le nombre de ventes, en volume, a encore cédé du terrain l’an passé, 2009 n’a pas été l’annus horribilis que l’on pouvait craindre. Encore moins sur le marché parisien qui aurait presque recouvré des couleurs « grâce » à cette crise.

Une vente d’art contemporain @chez Christie’s à New York

« Nous avons retrouvé une vraie demande, un marché assagi, seulement quelques mois après une fin d’année 2008 et un début 2009 très difficiles liés à l’inquiétude des vendeurs », affirme Jean-Olivier Desprès, directeur du département Art d’Après-Guerre et Contemporain chez Christie’s. « En cela, la vente de la collection Yves Saint Laurent a joué un rôle fondamental car elle a prouvé à ceux qui en doutaient que les acheteurs étaient toujours là », souligne-t-il (ndlr : réalisée par Christie’s, cette vente a atteint un record mondial pour une collection privée. Elle a totalisé 182 millions d’euros pour des œuvres impressionnistes et modernes).

Chez le concurrent Sotheby’s aussi, on relativise l’impact de la crise. « Les volumes ont parfois étaient réduits par deux ou trois mais les prix, en revanche, se sont relativement bien maintenus. Nous n’avons pas regagné les niveaux records de 2007-2008 mais nous avons déjà retrouvé la situation qui existait en 2006 », estime Grégoire Billault, vice-président de Sotheby’s France, spécialiste de l’art contemporain.

Du côté des galeristes, il est plus difficile de dresser un bilan tant il existe de situations variées selon la taille, l’âge ou encore la notoriété des artistes représentés. Mais là non plus, le ton n’est pas au catastrophisme. « Nous avons connu une baisse sensible de notre activité et nous n’en sommes pas encore sortis mais on sent que la situation générale se remet en ordre peu à peu, donc on a de bons espoirs pour 2010 », affirme Jean Brolly, responsable de la galerie éponyme. Les collectionneurs fidèles ont répondu présent. « On s’attendait à prendre une grosse claque lors de la Fiac 2008, ça n’a pas été le cas. On craignait donc que cela se produise lors de l’édition d’octobre 2009. Mais au contraire, ce rendez-vous a plutôt confirmé les signaux de reprise émis lors de la foire de Bâle en juin », se réjouit Frédérique Valentin de la galerie Chez Valentin. Pour sa part, Jocelyn Wolff affirme avoir réalisé dans sa galerie « sa meilleure année ». Il a toutefois conscience de bénéficier de facteurs qui lui sont propres : une galerie qui monte en puissance dans un quartier, le 19e arrondissement de Paris, qui attire de plus en plus d’amateurs d’art contemporain. « Il se développe un vrai mouvement de fond en France, de plus en plus de personnes s’intéressent à l’art contemporain. Et cela ne se dément pas malgré une conjoncture économique difficile. En revanche, ces conditions de marché poussent à une concurrence beaucoup plus vive entre les galeries », explique-t-il. Une concurrence toute relative qui n’a pas contribué à faire plonger les prix selon Gilles Fuchs, collectionneur et président de l’Adiaf (association pour la diffusion internationale de l’art contemporain français). « En France, contrairement à la situation sur les marchés anglo-saxons, les prix n’étaient pas excessifs. Les galeristes de l’Hexagone n’ont donc pas modifié leur politique pendant la crise », a-t-il constaté. Cette relative « décote » de la place parisienne par rapport à New York ou Londres expliquerait d’ailleurs en partie le retour en grâce dont elle bénéficie depuis quelques mois.

Une vente d’art contemporain @chez Christie’s à Hong-Kong

« La scène artistique française présente aujourd’hui du potentiel dans la mesure où elle avait été un peu sous-évaluée ces dernières années », estimait en octobre Martin Béthenod, commissaire général de la Fiac au micro de BFM. « Alors que la France avait la réputation d’être un marché très difficile avant la crise, elle a finalement fait la preuve qu’elle est une vraie place avec des acteurs solides », renchérit Frédérique Valentin. Et cela commence à se savoir au plan international. Tout juste rentrée de la foire de Miami, elle se réjouissait de l’accueil réservé aux productions françaises lors de cette manifestation. « Ce qui était loin d’être le cas dans le passé », selon ses dires.

Les maisons de ventes ont aussi contribué à rendre Paris attirant en se montrant plus regardantes. « Notre rôle de conseiller prend tout son sens dans ces périodes délicates. Cette passe difficile nous a amenés à ne plus accepter tout ce qu’on nous présentait », admet Jean-Olivier Desprès. « Nous avons pratiqué des estimations plus modestes et nous avons préféré refuser des pièces lorsque les estimations nous semblaient inappropriées. La qualité doit primer », confirme Grégoire Billault.

Après dix-huit mois de fortes secousses, si les marchands restent prudents, l’année 2010 s’annonce donc sous de meilleurs auspices, particulièrement pour la France.

Les maisons de ventes font le dos rond

Si les acheteurs sont toujours là, ils mettent moins facilement la main au porte-monnaie. A Paris, les ventes aux enchères dédiées à l’art contemporain se tiennent deux fois par an, fin mai et début décembre. Malgré une conjoncture difficile, les deux géants de ce marché, l’américain Sotheby’s et le britannique Christie’s, sont parvenus à maintenir ces rendez-vous mais leur bilan est moins bon que les années passées. Sotheby’s a récolté 19,65 millions d’euros contre 33,4 millions en 2008 et 31,6 millions en 2007. Quant à Christie’s, ses ventes ont atteint 23,2 millions d’euros contre 24,7 millions en 2008 et 41 millions en 2007.

Mais plus que les ventes, deux autres indicateurs sont importants à suivre : le pourcentage de lots vendus par rapport aux lots présentés et le rapport entre le montant effectivement obtenu comparé aux estimations. Ainsi, lors des dernières ventes de décembre, Sotheby’s a écoulé 87,5 % des lots présentés et les ventes ont atteint 97,8 % de leur valeur d’estimation. Quant à Christie’s, 60 % des lots ont trouvé preneur pour des ventes équivalent à 50,5 % de leur estimation. Autrement dit, ces taux restent insatisfaisants mais sont encourageants dans la mesure où ils sont supérieurs à ceux observés au plus fort de la crise.

« Si on respecte le marché en proposant des œuvres de qualité, alors on n’a rien à craindre. »

Grégoire Billault, vice-président de la maison de ventes américaine Sotheby’s, s’exprimant au sujet de la crise économique mondiale et de ses répercussions sur le marché de l’art contemporain.

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Une vente d’art contemporain @chez Christie’s à New York ,Une vente d’art contemporain @chez Christie’s à Hong-Kong ,Une vente d’art contemporain @chez Christie’s à New York ,Une salle de vente de @la maison Artcurial à Paris © Alastair Miller