Actuellement en résidence à la Maison Populaire de Montreuil (93) et mis à l’honneur au Palais de Tokyo à Paris jusqu’au 13 mai, le Franco-Algérien Neil Beloufa vient aussi de réaliser son premier long métrage, Occidental, qui sort en salles ce mercredi 28 mars. Une actualité chargée pour ce plasticien de 33 ans, qui aime autant mettre en scène les excès et les paradoxes de nos sociétés globalisées qu’interroger la place qu’y occupent l’art et les artistes.
Tandis qu’au Palais de Tokyo, il déploie sur 2 000 m2 L’ennemi de mon ennemi, une proposition plurielle et dense, saturée d’images et de sons, s’articulant autour du pouvoir – qu’il soit politique, militaire, économique, artistique ou médiatique –, de la propagande, et des mécaniques de représentation qui leur sont inhérentes – « On a essayé de créer un espace qui n’a pas de sens de visite, d’épouser une manière de regarder les choses sans hiérarchie, de copier le modèle de regard de la société d’aujourd’hui à l’heure d’Internet », expliquait-il sur France Culture le 27 février dernier –, à Montreuil, où est aussi installé son atelier, le plasticien est invité par la commissaire Stéphanie Vidal dans le cadre du cycle d’expositions En fuyant, ils cherchent une arme, conçu sur un an par le centre d’art autour du questionnement suivant : Que signifie résister et comment y parvenir à l’heure de la traçabilité permanente des objets et des hommes ? Neil Beloufa y mène, entre autres, un projet impliquant les habitants de la commune et qui sera présenté en octobre prochain. « C’est une proposition forcément risquée, car elle n’est protégée ni par le temps ni par la distance, et, elle est politiquement particulière car elle fait écho à des problématiques de société plus qu’actuelles, explique l’artiste. Le jeu sera d’autant plus intéressant que l’imagerie d’une ville de la petite couronne se réfère soit à son histoire, soit se déploie en opposition à celle de la capitale qu’elle jouxte. En pleine construction d’un Grand Paris, il est amusant de tenter de penser Montreuil en ville autonome et d’en produire les images, comme si leur existence pouvait lui offrir un potentiel d’autonomie. » La sortie de son film Occidental, ce mercredi 28 mars dans les salles françaises, est un autre projet qui lui tient à cœur. Si sa pratique entremêle depuis longtemps arts plastiques et vidéo, c’est la première fois que Neil Beloufa réalise un long métrage (73’) de fiction à destination du grand public. « Antonio et Giorgio, un couple improbable à l’étrange accent italien, entrent à l’Hôtel Occidental pour y réserver la suite nuptiale, décrit le synopsis du film. Alors que dans les rues la révolte gronde, leur arrivée va transformer l’atmosphère paisible de l’établissement en théâtre d’une suspicion généralisée. Amants ou voleurs, les deux hommes dissimulent-ils leur identité ou sont-ils victimes des préjugés et des peurs qui traversent notre société ? » Divers codes du thriller et du sitcom, de la comédie et du drame (théâtral) sont tour à tour convoqués au cœur d’un décor construit entièrement par l’artiste et son équipe. « Mon but était de faire un objet populaire, sans commanditaire, que personne n’attendait ou même ne me demandait de faire, explique Neil Beloufa. (…) A la différence de films d’art contemporains, ce film n’a aucune valeur si on ne le regarde pas en entier ou s’il est masqué par un dispositif. Il ne peut être montré que dans une salle de cinéma. » A Montreuil, sa projection au cinéma Le Méliès le lundi 16 avril à 20 h 30 sera suivie d’une rencontre avec le plasticien et réalisateur.