Alors que le Bauhaus fête cette année le centenaire de son impulsion à Weimar en 1919, le Musée Réattu, musée des Beaux-Arts de la cité arlésienne propose, depuis le 28 juin, un focus sur les disciples du mouvement, fondateurs de la revue Aperture et du New Bauhaus à l’Institute of Design de Chicago : deux chantres de la photographie créative dès les années 1950. Derniers jours (jusqu’au 29 septembre 2019) pour découvrir l’exposition We Were five, qui met en exergue les clichés et démarches exemplaires d’étudiants et de leurs pairs publiés en 1961 dans la fameuse revue, tandis qu’une exposition consacrée à la jeune plasticienne Annabel Aoun Blanco, Eloigne-toi de moi, questionne jusqu’au 29 décembre, la mémoire et l’oubli dans les étages et la crypte de l’institution, par de grands portraits empruntant autant à la vidéo, qu’à la sculpture et la photographie.
La presse se meurt et façonne pourtant l’histoire. Ainsi, c’est avec la naissance de la revue Aperture, envisagée dès la première International Design Conference d’Aspen (Colorado) en 1951 comme publication sérieuse et documentée sur la photographie, que la nouvelle discipline entre dans le champ de l’art. « La première publication d’Aperture fut lancée à San Francisco en 1952, sous l’égide d’Ansel Adams, Barbara Morgan, Nancy et Beaumont Newhall et bien sûr Minor White, qui en assura la rédaction quasiment jusqu’à sa mort en 1976 », nous rappelle Françoise Paviot co-commissaire de l’exposition We were five, celle-ci se concentrant sur la publication, en 1961 dans la revue emblématique, du travail de cinq étudiants du département de photographie de l’Institute of Design de Chicago, fondé par László Moholy-Nagy en 1937 en tant que « New Bauhaus », et dirigé alors par Harry Callahan et Aaron Siskind.
Le volume 9 d’Aperture met non seulement en lumière le rôle pionnier de l’Institute of Design dans l’enseignement de la photographie en tant que pratique artistique, mais il rend aussi compte, outre la modernité graphique de sa maquette (réalisée par Edward Bedno), de l’influence fondamentale du Bauhaus dans les démarches formelles de ces cinq étudiants fraîchement diplômés : Joseph Jachna (1935-2016), Kenneth Josephson, Ray K. Metzker (1931-2014), Joseph Sterling (1936-2010) et Charles Swedlund.
Il incarne aussi sans doute ce que l’on entend plus largement par l’Ecole de Chicago, avec sa New vision in photography et l’image révélée d’une nouvelle sociologie urbaine. Dans les années 1980-1990, les cinq photographes et amis, qui se sont eux-mêmes désignés comme « le groupe des 5 » en référence à la publication d’Aperture, se sont réunis lors d’une exposition intitulée Together Again, à laquelle s’est associé le Japonais Yasuhiro Ishimoto (1921-2012), qui fut également étudiant de l’Institute of Design et dont on peut voir les clichés au Musée Réattu au côté de ceux de Barbara Crane, disparue le 7 août dernier à l’âge de 90 ans, qui fut l’élève d’Aaron Siskind à l’Institute of Design avant d’y enseigner. Or, c’est peut-être la fraîcheur et la radicalité espiègle des photographies de vêtements et colifichets accrochés dans la rue à des grillages – si incarnés en l’absence de modèle –, qui retinrent notre attention.
Les clichés de Barbara Crane (réalisés dans les années 1980) pourraient bien rivaliser en nombre de like avec ceux postés par les élèves et instagrameurs les plus avertis des écoles d’art et de mode actuelles ! « J’ai besoin de travailler pour être heureuse et j’ai toujours passionnément aimé faire des images », affirmait-elle encore récemment. On lui souhaiterait une belle rétrospective, telle que celle consacrée cet été à Sally Man au Musée du Jeu de Paume, pour que souffle à nouveau dans la presse féminine et les revues de luxe – vitrines néanmoins populaires de la photographie contemporaine – un nouveau vent de liberté.
Et pour formidable résumé de l’histoire de l’art en cours, une série de six épisodes de 45’ chacun, en ligne jusqu’au 3 décembre sur Arte.tv, retrace l’aventure artistique du Bauhaus – de sa fondation par Walter Gropius en 1919 jusqu’au départ de Weimar pour Dessau –, juste avant que László Moholy-Nagy n’en exporte les fondements à Chicago à l’issue de sa dissolution à Berlin, en 1933, sous le joug du nazisme.