L’ambassade d’Australie présente à Paris la première rétrospective en France du travail de William Robinson. Né en 1936, le peintre s’est fait connaître par son style singulier, indifférent aux modes picturales des époques traversées, par ses autoportraits, faussement naïfs, et ses grands paysages empreints d’onirisme et de spiritualité. Dessins au fusain, lithographies, aquarelles, pastels et huiles sur toile, une quarantaines d’œuvres témoignent de l’évolution de sa pratique, depuis les années 1980 jusqu’à nos jours, intimement liée à celle de son cadre de vie.

A l’Australie, l’imaginaire collectif associe plus souvent des images d’étendues désertiques ou côtières que de forêt vierge, un environnement naturel pourtant bien présent dans l’est du pays, notamment en retrait de la Gold Coast, où est installé William Robinson. « Ce dernier a offert une nouvelle perspective sur le paysage australien. Il est en effet connu pour avoir adopté un point de vue complètement différent de celui de ses pairs qui, jusque là, s’étaient plutôt focalisés sur le désert », analyse la commissaire de l’exposition Vanessa Van Ooyen, par ailleurs curatrice en chef de la William Robinson Gallery (1). Unique institution australienne dédiée à l’œuvre d’un artiste de son vivant, elle est située à Brisbane dans l’enceinte de la Queensland University of Technology, où le peintre étudia dans les années 1950, puis enseigna trente ans plus tard.
Né à Brisbane, en avril 1936, d’un père vétéran de la Première Guerre mondiale devenu expert-comptable, William Robinson est le deuxième d’une fratrie de quatre enfants. Aussi doué pour le dessin que la musique, il apprend le piano – qu’il continue de pratiquer au quotidien – dès l’âge de sept ans et ravit ses camarades de classes en « exerçant » son coup de crayon à l’aide d’un simple bâton dans la poussière de la cour d’école. A 18 ans, il débute une formation pour devenir instituteur. Au bout d’un an, en 1955, il obtient une bourse de 24 mois lui permettant de rejoindre les bancs du Central Technical College de Brisbane dans l’idée de devenir professeur d’art. La bourse épuisée, il est embauché comme moniteur d’art par l’établissement qui le forme et poursuit en parallèle un double cursus artistique et éducatif. En 1962, William Robinson obtient un diplôme d’enseignant et un autre en peinture et dessin. Passionné tant par le fait de transmettre – il a exercé dans différents départements universitaires de Brisbane – que de créer, l’homme poursuit en parallèle ces deux activités pendant plus d’un quart de siècle. Ce n’est qu’à partir de 1989 qu’il se consacre pleinement à l’art, débutant une série de voyages qui le mèneront tour à tour en Grèce, en Angleterre, en Italie ou en France ; entre 1995 et 2006, il séjournera pas moins de cinq fois à Paris afin de travailler la gravure au sein du Studio Bordas. Plusieurs lithographies réalisées dans ce cadre sont présentées dans l’exposition : l’on y reconnaît des scènes de rues et ambiances typiquement parisiennes. « En lithographie, il faut prendre du recul et analyser la façon dont les couleurs vont s’associer. On développe une intuition, fait remarquer William Robinson (2). La lithographie est une manière nouvelle et vivante de présenter le sujet, elle autorise ce que la peinture ne permet pas. » Le plus souvent, les thématiques explorées par l’artiste sont étroitement liées à son environnement immédiat, depuis les scènes d’intérieurs qui caractérisaient sa production des années 1970 – fortement influencée par son admiration pour Pierre Bonnard – jusqu’aux vastes paysages du Queensland réalisés ces vingt dernières années, en passant par ses nombreux autoportraits empreints d’ironie et ses représentations d’animaux, non dénuées d’humour, inspirées de la vie de la ferme dont s’occupe son épouse Shirley à l’époque où lui enseigne à plein temps. « C’est en observant les animaux qui l’entouraient, vaches, chèvres, poules, chevaux, etc., en cherchant à représenter leur caractère, qu’il a peu à peu trouvé sa patte singulière », reprend Vanessa Van Ooyen. Travaillant sur papier comme sur toile, William Robinson affectionne tout autant le crayon que la gouache, le fusain, la peinture à l’huile ou l’aquarelle. Avec peut-être un faible pour le pastel, adopté dès l’école primaire : « J’adore le pastel, je le trouve très satisfaisant. Comme la gouache, on peut le travailler, le laisser de côté, y revenir. Alors que si on laisse de côté une toile, si on repousse la palette, elle sèche et la peinture forme une sorte de croûte qu’il ne faut plus utiliser sur le tableau ; c’est un problème technique. Avec le pastel, j’ai toujours réussi à atteindre une sensation de satisfaction que je ne trouve jamais avec la peinture. »

Une grande toile datée de 2000 ouvre l’exposition accueillie par l’Ambassade d’Australie (The blue pools, Springbrook to Beechmont). Sous un ciel qui pourrait être celui d’une aube comme d’un crépuscule, se déploie un paysage aux teintes sombres, mais gorgées de lumière, escarpé et arboré, qui laisse entrevoir plusieurs points d’eau. En bas à droite, un autre bout de ciel, bleu nuit et étoilé cette fois, intrigue. « Dans ses paysages, William Robinson a l’habitude d’évoquer sur une même toile les différentes atmosphères d’une journée, explique Vanessa Van Ooyen, de saisir les variations de lumière et le mouvement de rotation de la Terre. » L’artiste n’est pas pour autant un peintre de plein air. Si durant de longues promenades, il dessine et prend des notes, ce n’est que de retour à l’atelier qu’il se met à peindre, d’après ses souvenirs, ses sensations, laissant la porte ouverte à son imagination. « Il travaille de manière unique, par une succession de points et de traits, reprend la commissaire, de manière circulaire, aussi, en partant d’un motif et en tournant autour ; d’où les perspectives très différentes présentes sur une même toile. Cette approche singulière de la perspective, parfois inexistante, est centrale dans son travail. » « Souvent, je commence par délimiter le ciel, qui à mon sens détermine l’atmosphère de l’œuvre, précise l’artiste. A ce stade, je ne travaille pas directement depuis des dessins mais plutôt à partir de l’impression qu’ils ont laissée dans ma mémoire visuelle. Je me concentre sur une partie de l’œuvre, sans pour autant l’achever, et ensuite je me déplace sur le reste de la toile. (…) Je garde toujours à l’esprit les couleurs et les formes pour garantir l’intégrité du travail. »
A bientôt 82 ans, William Robinson continue de peindre tous les jours, évoquant à travers son observation du quotidien des thèmes universels, tels la joie ou la douleur, et métaphysiques. « J’ai toujours essayé de peindre le côté positif de la vie, assure-t-il dans un film diffusé à l’attention des visiteurs dans un coin de la grande salle d’exposition. (…) Je pense qu’en vieillissant, on est davantage touché par les aspects spirituels de l’existence ; j’entends par là tout ce qui n’est pas de l’ordre du tangible. J’ai souvent essayé, à travers mes toiles, de faire comprendre au regardeur, comme à moi-même, cette connexion, ce lien invisible qui nous lie à la nature, indispensable à notre santé, à notre bien-être. » Un essai assurément transformé.

(1) Créée en 2009, la William Robinson Gallery est portée par un organisme indépendant, elle est chargée de constituer une collection et de développer un centre de documentation et de recherche centré sur le travail de l’artiste australien.
(2) Sauf mention contraire, les citations de l’artiste sont extraites du catalogue de l’exposition William Robinson : Genèse.