Etre à Paris l’été, c’est génial ! Les terrasses s’épanouissent à l’ombre de grands parasols et, en fin de soirée, les touristes ravis sirotent un Spritz bien frais comme à Venise. Si l’attente peut encore être de mise à la porte de certains musées, la promesse de découvertes captivantes suffit à faire prendre patience. Paris, l’été, est un immense parcours de propositions culturelles et artistiques avec le sourire des autochtones en prime ! Voici donc venu le moment propice pour se jeter à corps perdu dans toutes les institutions consacrées à l’art contemporain. La programmation estivale et exceptionnelle de la capitale vous tend les bras. Aperçu.
Le Centquatre à grande échelle
Au Centquatre, quatre artistes sont invités, dans le cadre de l’exposition Avec motifs apparents, à présenter des œuvres monumentales in situ, emblématiques de leurs démarches artistiques. Parmi eux, Jérémy Gobé pose notamment la question du devenir des objets à travers un mobilier auquel il redonne vie en le couvrant partiellement ou totalement de tricot. Avec, entre autres, Empty Gifts, Pascale Marthine Tayou propose quant à lui une réflexion autour de la complexité des relations et des échanges humains, prenant ici la forme d’une sphère d’offrandes. Fidèle à son habitude de remettre en jeu l’espace et les bâtiments accueillant ses interventions, Xavier Juillot choisit de placer sous vide le château d’eau du Centquatre, le couvrant d’une enveloppe protectrice offrant une nouvelle consistance de masse à la fois onirique et déroutante (Déprime passagère). Tout aussi étranges sont les Vestiges d’Alice Mulliez. Recouverts de tonnes de sucre cristal, ils évoquent pêle-mêle les notions de décadence, d’épuisement, de gâchis, toutes centrales dans nos questionnements sociétaux actuels.
Avec motifs apparents, jusqu’au 10 août au Centquatre.
Claude Lévêque au Louvre
Après la flèche gothique torsadée de Wim Delvoye et les sculptures de Tony Cragg puis de Loris Gréaud, c’est au tour de Claude Lévêque d’investir l’espace situé sous la pyramide du Louvre. L’artiste, emblématique de la scène contemporaine française, présente une œuvre monumentale conçue comme une introduction à l’exposition qu’accueilleront les fossés du Louvre médiéval en 2015. A travers un jeu de lumières, de sons et d’objets, Sous le plus grand chapiteau du monde propose une expérience sensorielle invitant à interpréter le réel autrement. L’émotion du visiteur est convoquée pour se confronter à la mémoire de l’artiste et à celle du lieu. Y. E. A.
Sous le plus grand chapiteau du monde, jusqu’au 2 janvier 2015 au Musée du Louvre.
L’Iran à l’honneur au MamLa création contemporaine iranienne est à l’honneur au Musée d’art moderne de la Ville de Paris jusqu’au 24 août. L’exposition Unedited History, Iran 1960-2014 rassemble ainsi les travaux de figures historiques des années 1960-1970, à l’image de Parviz Kimiavi, pour les confronter aux œuvres d’artistes de la scène artistique d’aujourd’hui, tel Tahmineh Monzavi, liés par une démarche bâtie sur une forte dimension critique. Ils interrogent les périodes marquantes pré et postrévolutionnaires ainsi que les conséquences de la guerre Iran-Irak pour inciter à un regard autre sur l’histoire politique et culturelle du pays. Photographies, peintures et vidéos côtoient par ailleurs ici des affiches et des documents visuels, éléments centraux de la culture moderne iranienne. Y. E. A.
« Fiat Lux » électrique et éclectique
Où en est le design lumineux ? Jusqu’où ira la révolution des diodes électroluminescentes organiques (Oled) qui permettent de réaliser des écrans plats et de générer de la lumière sur des supports souples ? L’Espace Fondation EDF saisit l’occasion de son exposition consacrée à l’éclairage électrique – plus de 250 œuvres y sont réunies – pour faire le point sur la création contemporaine dans ce domaine. En préambule, il faut apprécier plusieurs pièces majeures de grands créateurs disparus – Wilhelm Wagenfeld (1900-1990), Achille Castiglioni (1918-2002), Gino Sarfatti (1912-1985) – issues de la collection de luminaires du Vitra Design Museum de Weil am Rhein, près de Bâle en Allemagne, et encore jamais présentées au public. De nombreux artistes et designers vivants continuent à être inspirés par les photons, ces « paquets » d’énergie élémentaire qui génèrent la lumière. A tout seigneur, tout honneur : hommage est rendu à l’un des pionniers de l’éclairage contemporain, le designer allemand Ingo Maurer (82 ans). Aujourd’hui, ses dignes successeurs et animateurs des nouvelles tendances s’appellent Olafur Eliasson (Danemark), adepte de la couleur et promoteur de l’intervention du spectateur, Chris Fraser, qui travaille à San Francisco en se jouant des halos et des arcs-en-ciel électriques, ou encore les quatre Suédoises iconoclastes du collectif Front Design (Anna Lindgren, Katja Sävström, Sofia Lagerkvist et Charlotte von der Lancken) qui explorent de nouveaux itinéraires lumineux. C. D.
Que la lumière soit !, jusqu’au 31 août à l’Espace Fondation EDF.
Du nouveau chez Rodin
Poursuivant un dialogue initié il y a plusieurs années avec l’art contemporain, le Musée Rodin accueille les sculptures de Daniel Dewar et Grégory Gicquel dans la verdoyante cour d’honneur de l’hôtel Biron. Le duo, lauréat du prix Marcel Duchamp en 2012, a adopté une démarche artistique très expérimentale, alliant amateurisme et érudition, pour créer des pièces modelées, coulées et assemblées selon les techniques traditionnelles. Les deux plasticiens revendiquent l’héritage de l’œuvre de Rodin, avec qui ils partagent une même passion pour les matériaux, point de départ de leur travail. Là où ce dernier préférait cependant déléguer l’exécution de ses travaux, Dewar et Gicquel choisissent de tout réaliser eux-mêmes, détruisant le moule à la fin de chaque projet, pour préserver l’unicité de leurs créations. Y. E. A.
La Jeune sculpture, jusqu’au 26 octobre au Musée Rodin.
Xavier Veilhan et musique électro
C’est une expérience sensorielle polymorphe que propose la Galerie des Galeries, lieu d’exposition des Galeries Lafayette. Jusqu’au 23 août, Xavier Veilhan, figure majeure de la scène artistique contemporaine, installe en « Off » un environnement total à partir de stands utilisés par les marques de luxe des grands magasins. En « On », quatre labels emblématiques de la scène électronique parisienne se succèdent pour animer le parcours de l’œuvre imaginée par l’artiste. Son installation est l’expression d’une réflexion autour des motivations religieuses, politiques et désormais commerciales qui influencent l’art et l’architecture. On/Off s’inscrit par ailleurs dans la lignée des récents travaux de Xavier Veilhan, issus de multiples collaborations avec le monde du spectacle et de la performance, notamment avec Sébastien Tellier ou encore avec la compositrice expérimentale Eliane Radigue. Y. E. A.
Ars robotica à la Cité des Sciences
Vous aimez les sagas d’Isaac Asimov, le romancier américain inventeur des lois de la robotique et des Transformers, ces créatures mécaniques qui se métamorphosent en voitures ou en camions ? Vous allez adorer cette exposition, cocktail détonnant d’art, de science et de technologie. Car les robots et le concept de transformation sont justement au cœur de cet événement à la fois contemporain et furieusement futuriste, qui rassemble une vingtaine d’œuvres sur un espace de 1 600 m2. Dès le hall et la passerelle centrale de la Cité des sciences et de l’industrie, à Paris, faites connaissance avec Animaris Adulari, une des imposantes « créatures de plage » autonomes créées par Theo Jansen, qui se déplacent sous l’action du vent ou de l’air pulsé. Et inclinez-vous respectueusement devant la Totemobile de Chico MacMurtrie/Armorphic Robot Works (ARW) : d’abord, ça ressemble à une voiture – une DS Citroën plus précisément –, puis ça se déploie grâce à une effarante machinerie constituée de cinquante dispositifs différents pour se changer en une sculpture vibrante d’acier, surplombée d’un mât gonflable, haute de 18 mètres. Bluffant ! Autre moment fort : les créations de Christian Partos et Shiro Takatani réalisées sur une machine, baptisée Matrice liquide 3D. Doté de 900 valves contrôlées par ordinateur, cet arrosoir géant – sorte de douche high-tech – génère des nuages de gouttelettes d’eau, qui par effet stroboscopique prennent des formes oniriques et scintillantes. Mention spéciale pour l’installation de Jean-Michel Bruyère, seul artiste français de l’exposition. Avec Le Chemin de Damastès – 21 lits médicalisés blancs motorisés et ondulants, surplombés de 21 tubes fluorescents –, il propose une mise à jour technologique et décapante du mythe grec de Procuste, dénonçant le conformisme et l’uniformisation. Et si vous pensiez qu’un robot ne peut pas créer de l’art, allez voir où en est The Big Picture. Ce projet proposé par la collectif allemand Robotlab (Matthias Gommel, Martina Haitz et Jan Zappe) consiste à faire réaliser une œuvre picturale grand format par une « machine-artiste ». Débutée en avril, cette aventure créative s’achèvera en même temps que l’exposition, en janvier 2015. Le robot crayonne, le tableau avance. On est impatient de voir le résultat final, en se remémorant cette réflexion d’Isaac Asimov, disparu en 1992 : « Les choses changent. Mais si vite… Est-ce que les habitudes des hommes pourront suivre ? » C. D.
Art robotique, jusqu’au 4 janvier 2015 à la Cité des sciences et de l’industrie.
Retrouvez cet article et quelque 300 événements estivaux d’art contemporain, sélectionnés par notre rédaction en France et en Europe, dans le numéro spécial Eté 2014 de l’e-magazine pour tablettes numériques ArtsHebdo|Médias. Téléchargez à cet effet gratuitement notre application sur l’Appstore ou sur Google Play.