La fourmi géante et improbable du poète surréaliste Robert Desnos a miraculeusement pris corps et âme à New York dans la galerie Invisible Dog (le « chien invisible »). En 1942, Desnos écrivait : « Une fourmi de dix-huit mètres, avec un chapeau sur la tête, ça n’existe pas, ça n’existe pas… » L’artiste conceptuel Xavier Roux dit l’avoir rêvée depuis l’âge de six ans. C’est aussi le premier poème qu’il apprendra. Et cette fourmi qui n’est pas celle de la fable va le hanter jusqu’à ce qu’il découvre l’engagement du poète dans la Résistance. Avec l’aide d’un expert en métal Juan Alfaro, un collaborateur de l’artiste Louise Bourgeois (notamment de L’Araignée pour le Guggenheim), la fourmi de 18 mètres a envahi l’espace d’Invisible Dog. Déporté à Buchenwald en 1944 dans un wagon de marchandises de 18 mètres – l’exacte dimension de ceux où étaient entassés les juifs à destination des camps d’extermination –, le poète mourra un an plus tard dans un camp en Tchécoslovaquie.
Un squelette de quatre mètres de haut et d’une tonne et demie en acier et Nylon et des ballons gonflés à l’hélium, tel est l’ultime avatar de la fourmi du poète, au cœur de Brooklyn. C’est l’hommage rendu à l’humour du poète résistant sur fond de gravité. Le bruit court que la bestiole réenchantée pourrait traverser l’Atlantique et regagner la vieille Europe. A suivre…