A l’approche de la galerie parisienne Laurent Godin, on pourrait croire qu’une croix helvétique a été détournée en néon vert pour annoncer l’exposition Solitario de la Suissesse Delphine Coindet. Il n’en n’est rien. Ce n’est qu’une pharmacie ! D’aucuns considèrent l’artiste comme un des fers de lance de la scène artistique française. Pour preuve, sa participation, l’année dernière, à la quatrième édition d’Antidote, qui une fois par an regroupe aux Galeries Lafayette certains des artistes les plus audacieux parmi les nouveaux talents de l’Hexagone. Cette fois-ci, tel un apothicaire des sens et des symboles, Delphine Coindet s’inspire de l’arte povera de Pino Pascali et Mario Mertz pour défricher les paradoxes de notre modernité. Avec Oratorio (Oratoire), elle stigmatise la pauvreté de nos dépendances consuméristes avec un verre ballon cassé, une revue licencieuse trop usagée et autres veaux d’or à jeter.
Plus loin, une Fontaine – qui prend sa source dans une boîte de mouchoirs en carton –, déverse un filet de pêche. A renvoyer le spectateur à ses objets quotidiens, Delphine Coindet identifie de nouveaux codes d’expression. Rivée au mur dans une enfilade de losanges aléatoires, tant par leurs formes que par leur matière, l’installation Solitario suggère les reflets inexistants ou déformés qu’impose notre société. Se jouant ainsi de l’individu comme de son environnement, l’artiste propose un Cosmos fait de poutres robustes où traînent, comme en équilibre, des avirons imposants croisant des boules de bowling statiques. Une structure en équilibre, ouverte à tout vent, et qui nous rappelle la menace latente de la chute à venir, comme une métaphore de notre humaine condition. Et comme un éléphant dans un magasin de porcelaine, personne n’ose rien toucher, de peur que le plancher ne s’effondre. Puisque l’univers ne saurait bouger, à quelles illusions, nous, simples fourmis, pourrions-nous prétendre ? Peut-être réagir, à tout le moins. Retour à l’air libre ; on découvre ce que l’on s’étonne d’avoir ignoré en arrivant : Ecran 00, œuvre de papier qui laisse échapper en son centre une chaîne à gros maillons. A croire que, lucide, même l’artiste se sait, sinon enchaînée, du moins dépendante du temps et de l’espace.