Le Grand Palais, à Paris, accueille actuellement Dynamo, un siècle de lumière et de mouvement dans l’art, 1913-2013. L’exposition réunit autour des notions d’espace, de vision, de mouvement et de lumière de nombreux artistes mondialement reconnus. A voir absolument.
La brume monte de la fontaine Miroir d’eau. Dense et blanche. Que Zéphyr la bouscule et elle laisse apparaître une femme lascive et ses deux enfants, allégories de la Seine et de ses affluents. « Je crée une scène pour y laisser la nature s’exprimer. Je suis une sculpteuse de brume, mais je n’essaie pas de la modeler. L’atmosphère est le moule, le vent le burin », explique Fujiko Nakaya, l’artiste japonaise qui inaugure Dynamo, actuellement présentée au Grand Palais. Dans cette file d’attente qui mène à l’entrée, côté Champs-Elysées, difficile de ne pas évoquer le chimiste et physicien Jean Perrin, qui fut prix Nobel en 1926 et donna son nom au square ici arpenté. A coup sûr, ces nuées impromptues à la source mystérieuse n’auraient pas manqué de l’intriguer ! L’espace en est changé et avec lui le temps. Deux notions interrogées sans relâche par les commissaires de l’exposition : Serge Lemoine, Marianne Le Pommeré, Matthieu Poirier et Domitille d’Orgeval. « Depuis le début du XXe siècle jusqu’à nos jours, des artistes ont été intéressés par la représentation du mouvement, par l’utilisation de la lumière, par les questions liées à la vision, par le traitement de l’espace. Les œuvres exclusivement abstraites qui en témoignent ont toutes ces points en commun, par-delà leurs différences d’approche, de technique et de nature, quels que soient l’époque et le pays où elles ont été créées. Elles concernent la forme, sa présence et sa disparition, la perception, le travail dans et avec l’espace », nous expliquent-ils en préambule. Rotating Labyrinth de Jeppe Hein marque le début du parcours et annonce la couleur. Ici, il ne s’agit pas seulement d’observer, il faut expérimenter physiquement l’art proposé. L’artiste danois invite les visiteurs à bord de son œuvre et leur fait découvrir combien ce qu’ils ressentent n’a rien à voir avec la réalité de ce qui se passe. Ainsi, au fil des salles, toutes sortes d’expériences sont à vivre. Chacun se prête au jeu et, comme rarement, des ballets s’organisent autour des pièces, histoire de ne laisser aucun angle inexploré. Regarder demande rigueur, exigence et curiosité.
Deux parties principales, intitulées « vision » et « espace », se subdivisent respectivement en neuf et sept sections consacrées à différents thèmes liés à l’expérience phénoménale comme, par exemple, l’interférence, l’immersion, les champs de force, la nuée, l’abîme, la distorsion, le tactile, le céleste ou encore la permutation. L’exposition, qui fait fi de la chronologie, et tant mieux, propose une sélection exceptionnelle d’œuvres. Il est fascinant de retrouver les pièces des précurseurs qui ont cherché à traduire, parfois avec des moyens d’une grande simplicité mais avec une efficacité redoutable, une conception à la fois abstraite et dynamique de la réalité. Parmi eux Alexander Calder, Marcel Duchamp, Walter Leblanc, Antoine Pevsner, Nicolas Schöffer ou encore Victor Vasarely. Côté contemporain, les retrouvailles ne sont pas moins exaltantes. Carsten Höller, Ann Veronica Janssens, Anish Kapoor, Yayoï Kusama, Julio Le Parc, François Morellet, Felice Varini et Xavier Veilhan sont de la partie avec bien d’autres. L’ensemble des Galeries nationales du Grand Palais est investi, soit environ 3 700 m2 pour une exposition fleuve et remarquable. Et s’il ne fallait choisir qu’une pièce en guise de Vendredi pour rendre l’île moins déserte ? Ce pourrait être Circunconcentricos Transparente d’Elias Crespin, tant son mouvement perpétuellement poétique déclenche une indicible persistance rétinienne. Avant de l’embarquer, il faudrait toutefois s’assurer de la présence de la fée électricité ![[double-hv240:3,4]]