Apothéose d’une manifestation nationale ayant célébré l’animal tout au long de l’année au sein des plus beaux monuments historiques français, l’exposition Bêtes Off, organisée par le Centre des monuments nationaux, accueille, jusqu’au 11 mars 2012, une prestigieuse sélection d’œuvres contemporaines à la Conciergerie de Paris.
La salle des Gens d’armes de la Conciergerie s’est métamorphosée, sous la houlette d’un Merlin l’enchanteur, en une mystérieuse et grandiose forêt qui plonge le spectateur dans une semi-obscurité propice à éveiller l’imaginaire et à ne pas effrayer la bête, laquelle, sous le regard des hommes, pourrait être tentée de fuir.
Hier la figure de l’animal dans l’art endossait un rôle de faire-valoir, exacerbant par sa soumission ou par jeu de miroir, la toute puissance de l’homme. Les œuvres d’aujourd’hui, sous la pression des nouveaux enjeux environnementaux et des évolutions scientifiques (notamment l’étude du comportement), se sont affranchies de toute contrainte illustrative pour parler des animaux, mais aussi d’un sentiment oublié des hommes : celui d’un destin commun, vital et indissociable entre l’être humain et l’animal.
Tour à tour considérées par l’artiste comme objet de contemplation, d’étude ou de projection, les bêtes, bienveillantes ou hostiles captent et séduisent nos émotions. Certains artistes s’appliquent à les condidérer comme un répertoire de formes, dans une mise à distance affective qui caractérise une partie de la création contemporaine. On découvre un animal naturalisé, participant à l’aspect narratif de l’œuvre, ou encore un autre, vivant, confiné dans un sablier de tulle monumental attaché à la voûte de l’édifice, transformant alors en spectacle une installation devenue à la fois fragile et éphémère. Il se fait aussi acteur et musicien dans une vidéo de Céleste Boursier-Mougenot.


En déambulant à pas feutrés dans les sous-bois qu’offre le lieu, le visiteur découvre le Porteur d’esprit de la baleine échouée de Julie Faure-Brac. Ici, l’œuvre fait appel à un Olympe personnel : un homme-animal, où le premier semble damné, accablé par le poids d’une malédiction dont il est à l’origine et qu’il porte tel un fardeau sur son dos. Plus loin, sur un thème emprunté à la mythologie gréco-romaine – la naissance d’Adonis dans les métamorphoses d’Ovide –, l’installation sculpturale de Gloria Friedmann évoque une danse macabre, la ramure de la femme-arbre, composée de squelettes humains fait allusion à nos dérisoires attachements terrestres. A travers les interstices d’un enclos de planches, on découvre avec un peu d’effroi une harde de cervidés sculptés dans la masse du bois, une réserve naturelle d’un format étriqué qui n’est pas sans rappeler les fameuses salles des trophées. L’émerveillement est sans conteste au rendez-vous face à l’installation de l’Irlandaise Claire Morgan, composée de milliers d’éléments fragiles, souvent organiques, suspendus par des fils de nylon. L’artiste, suivant une géographie spatiale, le plus souvent géométrique, compose des paysages éphémères pour lesquels chaque élément participe à la dynamique d’une histoire en train de se faire sous nos yeux.
Entre étonnement et fascination, tendresse et cruauté, il semble que la présence de la » bête » dans l’art d’aujourd’hui témoigne avant tout de l’animalité présente en tout homme. Pour autant, l’exposition laisse un sentiment de merveilleux, celui-là même que les contes ont instillés à notre enfance. Réminiscence de rêves oubliés.

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Notre enquête réalisée par Anne-Sophie Pellerin Un troublant regard que celui de l’animal et les interviews d’artistes liées à cette recherche : Jörg Hermle, Julien Salaud, Mat Collishaw, Fabien Merelle et Art Orienté objet.