A crier avec un fort accent de professeur de danse russe : « Razz – Dwa… Razz – Dwa/Développé, plié, ouvert, plus ouvert/La jambe tendue, montez la pointe, montez/ Equilibre ! Razz – Dwa… Razz – Dwa.Plié. Tendu. Plié. Tendu. Rentrez les fesses, et le ventre, rentrez le ventre aussi, voilà ! Pas bouger ! Pas bouger ! Les vilains petits canards se dandinent comme les vrais cygnes, avec autant de grâce, en secouant bien le croupion. » La mère de Georgik était russe et danseuse classique.
L’artiste s’ouvre à petits pas, travaille beaucoup la notion de transparence et déploie une œuvre dont les sujets se décomposent la plupart du temps en plusieurs dessins, réminiscence de la BD. Dans le milieu des années 1980, il découvre la création assistée par ordinateur. « Pour un peintre trouillard comme moi, cela me permettait de revenir en arrière ! », s’amuse-t-il. Dix ans plus tard, il décide d’abandonner le chemin solitaire de l’art pour passer à la création muséale en duo. Avec Gilles Nicolas, il réalise des sculptures pour les musées. Naissent alors des calamars et autres papillons géants. Le succès est au rendez-vous et le temps passe. Georgik sait que s’il continue, il devra faire une croix sur une possible vie d’artiste. L’appel de l’art est le plus fort. Nous sommes en 2000. « J’ai réattaqué par de petits dessins à l’encre et des aquarelles. Il m’a fallu plusieurs années avant de passer à l’huile. Je m’inspire des images qui me frappent. Je cherche à trouver la raison pour laquelle elles se sont inscrites dans ma mémoire. » Les sujets renaissent alors, métamorphosés par le subconscient. En 2009, il débute ses Danseurs immobiles. Face à la toile (l’œuvre sur papier y est tendue), le regard plonge dans le sujet. Effrayant et hypnotique à la fois. Les traces causées par la rencontre des deux feuilles distillent une atmosphère d’un autre siècle comme le ferait une vieille photographie ou une fresque longtemps battue par la pluie et le vent. Au fil des ondulations du papier, l’œuvre revêt une présence singulière. Sans décor aucun, les personnages évoluent seuls, même quand ils sont en nombre. Soustraits complètement à la vie ordinaire, ils posent pour nous. Fichant leur regard, parfois vide, dans le nôtre. Pourtant ce n’est ni notre pitié ni notre mauvaise conscience qu’ils réveillent mais notre curiosité et notre envie de savoir qui ils sont vraiment. Loin des images irréelles de misère sur papier glacé, les Danseurs immobiles de Georgik nous invitent à aller au-delà du plus visible, au-delà de ce qui nous arrête, pour une authentique rencontre, celle d’au-delà des apparences.
