Inauguré officiellement la semaine dernière, le musée du Louvre-Lens ouvre aujourd’hui ses portes au grand public. Si la programmation de l’institution est, comme celle de son aînée parisienne, avant tout dédiée aux chefs-d’œuvre des millénaires passés, elle n’en néglige pas pour autant l’art contemporain.
« Le Louvre-Lens est pour l’essentiel consacré à l’art datant de 3 500 avant J.-C. à 1850, confirme Xavier Dectot, directeur de l’établissement. Mais nous avons tenu à ce qu’il y ait une présence “architecturale” de l’art contemporain. » Celle-ci se manifeste tout d’abord à travers le bâtiment de verre et d’aluminium conçu par les Japonais Kazuyo Sejima et Ryue Nishizawa – prix Pritzker 2010 et créateurs de l’agence Saana –, en collaboration avec le cabinet new-yorkais Imrey Culbert Architects et l’architecte-paysagiste française Catherine Mosbach. L’édifice, qui s’inspire à la fois du Louvre parisien – un grand carré central et deux ailes adjacentes – et de l’organisation très linéaire des cités minières voisines est un hymne à la transparence et une invitation à la curiosité. « Le choix d’implanter le Louvre-Lens dans un bâtiment contemporain fut fait dès le départ, mu par la volonté de confronter les œuvres à un nouveau type de cadre. » Deux commandes pérennes ont par ailleurs été passées respectivement à l’artiste japonaise Yayoi Kusama et au Français Ange Leccia. La première a dessiné sur le sol de La Scène, l’auditorium du Louvre-Lens, une mosaïque colorée et fleurie monumentale (Flowers that bloom in the universe). Le second est l’auteur d’une installation vidéo, Amour Louvre, qui entremêle des images d’archives sur la vie quotidienne de mineurs lensois au siècle dernier – le musée est bâti sur le site d’un ancien carreau de mine – à celles de chefs-d’œuvre abrités par le palais parisien ; elles sont projetées sur les parois de verre circulaires du hall d’accueil. « Nous souhaitions que les visiteurs soient accueillis par quelque chose qui leur rappelle à la fois le Louvre-Paris et l’environnement particulier du Louvre-Lens », précise Xavier Dectot.
Le musée s’organise en cinq volumes principaux, dont trois espaces d’exposition : la Grande galerie, également appelée Galerie du Temps, présentera quelque 200 œuvres issues des collections du Louvre pour une durée de cinq ans – un fonds dont 20 % seront renouvelés chaque année – ; la Galerie d’exposition temporaire hébergera deux manifestations annuelles, tandis que le Pavillon de verre accueillera des propositions thématiques d’une durée de 10 mois et destinées à compléter le parcours de la Grande galerie, « en allant jusqu’à nos jours. Il s’agit en quelque sorte de commentaires sur l’exposition semi-permanente du musée » réalisés à partir d’œuvres du Louvre mises en dialogue avec d’autres, empruntées à différentes institutions culturelles de la région Nord-Pas de Calais ou à des collections particulières.
Le Temps à l’œuvre est l’intitulé d’un premier volet consacré à la perception du temps par l’homme – il sera suivi par une exposition dédiée au sacré – et articulé autour des deux grands modes d’appréhension que sont le linéaire et le cyclique. Les artistes contemporains ici invités sont les plasticiens français Claude Closky et Raymond Hains (disparu en 2005) – sa Géante Iris Clert, messagère des arts vient faire écho aux traditions carnavalesques de la région –, l’artiste d’origine japonaise On Kawara, la Tchèque Jana Sterbak – dont Seasons (2007) est un travail sur le thème des quatre saisons – et la Russe Olga Kisseleva. Cette dernière présente It’s Time (2010), une installation interactive composée d’une horloge digitale qui se met à ralentir ou accélérer, tout en affichant un message personnalisé né des données fournies par les capteurs de l’écran sur lequel le visiteur est invité à poser la main. L’artiste aborde ce qu’elle considère comme l’« une des questions cruciales de notre société post-moderne » : la sensation d’accélération du temps provoquée par nos comportements collectifs, avec tout ce que celle-ci apporte « de stress et de frustration individuelle ».Le « collectif », le Louvre-Lens entend en jouer dans le meilleur sens du terme, ambitionnant d’accueillir les publics les plus larges possibles, « voire d’aller chercher des personnes qui ne sont pas des habituées des musées ». Pour ce faire, l’institution emploie une méthode pour le moins originale, rappelant celle des campagnes électorales. « Nos médiateurs se rendent sur les marchés, dans les écoles, les foires, ils font du porte-à-porte pour présenter le lieu et inviter la population à venir nous découvrir, explique Xavier Dectot. Si on se contentait de proposer de la médiation à l’intérieur, ça reviendrait à ouvrir les portes et attendre que les gens rentrent ! Nous voulons aller plus loin. La responsable du service des publics a d’ailleurs étudié de près les dernières semaines de la campagne d’Obama et n’a pas hésité à s’en inspirer pour donner les grandes lignes de travail aux médiateurs ! » Les premiers « sondages » augurent en tout cas d’une belle réussite.