Au premier étage du château de Chenonceau, André Brasilier reste saisi devant le bouquet de fleurs séchées bleu azur qui habille la salle d’exposition consacrée à son œuvre ; trente ans après sa première exposition dans cette royale résidence que hante toujours le fantôme de Diane de Poitiers, l’éternelle Beauté amoureuse des arts et mécène. L’artiste, vêtu d’un costume sombre qu’il porte avec une élégance princière – noblesse des lieux oblige –, retrouve avec une joie contenue mais bien réelle ces cimaises prestigieuses avec Accord parfait, que l’on peut découvrir jusqu’au 28 novembre. Natif de Saumur, le peintre de 81 ans a sélectionné une trentaine d’œuvres, de ses débuts jusqu’aux toiles les plus récentes. « Je voulais montrer la continuité de mon travail depuis la première exposition que j’avais faite ici. Il n’y a, chez moi, pas de révolution, ce sont plutôt des évolutions », explique André Brasilier, grand amoureux de la nature, des couleurs chatoyantes et acidulées du printemps et les ors et les rouges des soleils couchants. Mais sa perception du monde passe par la qualité d’émotion ressentie. « Le fait plastique dont parlait Georges Braque est important, bien sûr, mais il doit être au service de l’émotion. Il ne faut jamais s’enfermer dans une formule », insiste-t-il. Et de faire siens les conseils de Paul Gauguin, l’une de ses icônes, qui affirmait : “Ne peignez pas vrai, peignez vraisemblable.” « C’est une attitude vis-à-vis de la vie qui ouvre la porte à toutes les libertés », jure-t-il.
« Je dis toujours que je ne suis pas un peintre figuratif mais transfiguratif », s’amuse celui pour qui « l’art est un chant d’amour ». Même quand il effleure des sujets graves – c’est le cas, par exemple, avec une toile titrée Hiroshima (1998) – l’harmonie des couleurs et des formes domine. « Je suis conscient du drame de la vie, de la souffrance, des atrocités dont les hommes sont capables. J’essaie de cultiver mon bonheur. Claude Monet, quand il apprend la mort de son frère, se met à peindre avec frénésie, se disant qu’il ne laissera “jamais sécher (ses) pinceaux”. ».
La peinture de Brasilier est un hommage aux femmes, et notamment à son épouse. La musique, les endroits qu’il aime et les voyages qui le menèrent en Asie ou en Argentine – sur les traces d’un membre de sa famille, haut fonctionnaire à Buenos Aires où le peintre découvre le tango – sont autant de sources d’inspiration qu’il entend continuer d’explorer : « Plus j’avance dans la vie plus je travaille comme un fou. Mes joies sont toujours les mêmes, j’ai envie de les partager », confie le peintre qui se voit « comme un héritier et un témoin » de la culture française. Avec Accord Parfait, le château de Chenonceau achève un long cycle d’expositions personnelles : Miquel Barceló, Julian Schnabel, Zao Wou-Ki, Manolo Valdés ou Olivier Debré ont tous eu les honneurs de cette aile d’un château joyau d’architecture Renaissance et qui accueillit tant d’artistes par la grâce celles qui l’occupèrent et ne cessèrent de l’embellir.