La galerie Thaddaeus Ropac accueille, jusqu’au 18 juillet prochain, les sculptures de l’artiste anglais Antony Gormley, dans son magnifique espace de Pantin, une ancienne usine de chaudronnerie réhabilitée. Sur les 2 000 m2 de surface d’exposition et sous les quatre nefs du lieu, sont présentées les dernières œuvres de celui qui, inlassablement, explorent les notions de corps et d’espace.
Dès l’entrée dans la galerie, l’attention est immanquablement attirée par une immense sculpture se dressant au fond de la première salle : Hole (2014), structure en acier de trois mètres de haut, s’impose comme la gardienne des lieux. Façonnée de cubes assemblés les uns aux autres grâce à la maîtrise parfaite de la découpe de l’acier au laser, l’œuvre fascine par le langage initié à l’aide de ses ouvertures multiples, références aux grottes, caves et autres couloirs caractéristiques de l’habitat humain. Le visiteur plonge ainsi immédiatement dans la conception de la sculpture telle qu’appréhendée par l’artiste : la création d’un lieu à partir d’une œuvre, avant même de considérer celle-ci comme un objet.
Du coin de l’œil, on est attiré par une autre forme apparaissant dans la pièce attenante : projection virtuelle ou structure réelle ? Ossature de 15 mètres de long et de 5 mètres de haut, Matrix II (2014) est une œuvre complexe édifiée grâce à un maillage subtil de fer béton. Constituée de seize volumes remplissant l’espace de la pièce et disposés autour d’un volume équivalent à la place occupée par deux corps debout côte à côte, elle questionne la forme de l’habitat. La sculpture déstabilise tout à la fois par l’impression de fragilité de son maillage, la force de son gigantisme, la vibration qu’elle impose à l’œil et la confusion créée entre l’avant-plan et l’arrière-plan. « C’est un dessin en trois dimensions qui rend les espaces architecturaux permutables, se rapprochant davantage de la manière dont la conscience fonctionne à l’intérieur du corps », précise Antony Gormley (1).

Les voici, ces corps, « vus comme un contenant de matière » : dans la troisième salle de la galerie, ils s’organisent, monumentaux, en une famille de totems humains, tels des mégalithes d’un autre temps. Elles sont quinze sculptures en fonte d’environ trois mètres de haut chacune, bâties sur le même modèle de socle, qui jouent des postures de l’être humain, plus ou moins étendues, basculant à gauche ou à droite. S’immisce dans cette troupe aux allures futuristes, le visiteur s’interroge : ces structures qui créent un lien entre imagination et espace au sens large modifient-elles notre propre rapport à l’espace ? L’on peut croire, comme le souligne l’artiste, que si « l’architecture a le pouvoir de transformer le comportement humain » et que « sculpture et architecture sont un continuum », alors son champ d’expérimentation autour de la représentation architecturale du corps et notre propre immersion dans son œuvre modifie notre relation à notre état intérieur, aux flux de nos émotions. Une expérience des plus réussies à vivre assurément.(2) Extrait de Antony Gormley en conversation avec Hans Ulrich Obrist, catalogue de l’exposition Antony Gormley, Second Body, Galerie Thaddaeus Ropac, 2015.