L’Arte Povera perd son curateur historique

Germano Celant, Fondation Prada Milan © photo Ugo Dalla Porta

Personnalité emblématique de l’art contemporain, Germano Celant (1940-2020) mena en ce mercredi 29 avril sa dernière guérilla : l’historien de l’art vient de rendre l’âme à l’issue de complications liées aux symptômes du coronavirus. C’est à ce critique d’art international que l’on doit l’expression d’« Arte Povera » qualifiant ainsi « d’art pauvre », le contenu de deux expositions collectives  – l’ « Art Habitable »  en 1966 à Turin , et  « Feu, Image, Eau, Terre » à Rome en 1967, tandis que le terme est repris à Gênes dans une troisième exposition « Art Pauvre – En Espace », dont il est le commissaire italien. C’est  à l’issue de cette dernière qu’il publie en décembre 1967 le manifeste de l’Arte Povera sous la forme d’un article paru dans la revue Flash Art : « Notes pour une guérilla ». L’Arte Povera devient alors une posture assumée, dans laquelle se reconnaissent une douzaine d’artistes privilégiant l’utilisation de matériaux pauvres et d’objets du quotidien dans un processus de création résistant aux logiques du marché de l’art. Parmi les figures de proue de cet « art de la guérilla » on retrouve Michelangelo Pistoletto à qui nous venons de consacrer un article, Alighiero Boetti, Giovanni Anselmo, Pino Pascali, Mario Merz, Gilbertio Zorio, Luciano Fabro ou encore Giuseppe Penone … Et c’est en 1969 dans le cadre de l’exposition  « Quand les attitudes deviennent formes », une consécration de la performance, que Germano Celant publie son essai « Art Pauvre »  ; l’année 1989 entérinera à Milan, la dernière exposition revendiquée, intitulée « Vers l’Art Pauvre ».  

Mais l’Arte Povera n’est pas le seul fait d’arme d’un des plus grands défenseurs de l’art contemporain et l’Italie n’est pas seule à porter le deuil. De nombreux artistes et plusieurs personnalités françaises ont déploré en ce jour la perte de cet ethnologue, explorateur visionnaire du monde de l’art qui fut (entre autre) proche du duo d’artistes Christo et complice de leurs « emballantes » aventures artistiques. Il fut aussi le commissaire de la Biennale de Venise en 1997, année de la restructuration, qui contribua à donner une envergure internationale à l’institution : « Nous sommes profondément attristés par la perte d’un ami et d’un compagnon de route, ont déclaré dans un communiqué commun les présidents de la Fondation Prada, Patrizio Bertelli et Miuccia Prada : Germano Celant était une figure centrale quant aux processus d’apprentissage et de recherche que l’art a représenté pour la fondation dès sa création. Les nombreuses expériences et les  échanges intenses que nous avons partagés au fil des années nous ont aidés à repenser ce que signifie la culture au temps présent. Sa curiosité intellectuelle, son respect du travail des artistes, et le sérieux de sa pratique curatoriale, sont des leçons que nous tenons pour essentielles – pour nous mêmes et pour les générations à venir ». Germano Celant fut le directeur artistique de la Fondation Prada de 1995 à 2014, il en devint conservateur en chef et conseiller scientifique dès l’ouverture du prestigieux bâtiment de Milan réaménagé par l’architecte Rem Lucas Koolhaas, où il conçut et supervisa plus de quarante  expositions – du solo show consacré à Michael Heizer en 1996 à la rétrospective dédiée à Jannis Kounellis en 2019.