Quoi de mieux qu’une exposition inédite d’Alain Séchas à la MABA, à Nogent-sur-Marne, pour prendre un peu de distance avec l’accélération du siècle… pour se confronter, par la grâce d’un chat anthropomorphe, au charme désuet d’une bourgeoisie oisive et dépassée ? L’exposition Ô Saisons, ô Chats ! réalisée avec le concours de la galerie Laurent Godin est à voir jusqu’au 5 avril, tandis qu’une rencontre avec le maître de la couleur et des félins est organisée au centre d’art le 29 février prochain à 16 h.
Mais à quoi tient cette insoutenable légèreté enviée d’une bourgeoisie décomplexée, mimée par les félins domestiqués d’Alain Séchas ? Elégantes silhouettes longilignes – cigarette fumante, bassin en avant, raquette de tennis ou verre à la main, poignet relâché –, ses chats affichent les postures privilégiées de l’aisance en vacance, et d’un temps immuable qui s’étire, comme en ces bords de Marne où il semble s’être alangui sur les rives du fleuve, face aux demeures cossues de l’île de Beauté.
On ne pouvait trouver plus bel écrin que ce château Smith-Champion désignant autrefois une demeure de plaisance du XVIIe siècle et son parc, où en 2006, la Fondation des artistes regroupait en ses murs, un centre d’art – invitant pour ses trois expositions annuelles, plasticiens, vidéastes et graphistes – une maison de retraite et un ensemble d’ateliers. Or ici les chats d’Alain Séchas n’ont guère l’air d’invités : en short décontractés ou en tenues printanières aux tons pastels acidulés, ils peuplent la demeure, du rez-de-chaussée à l’étage, comme s’ils l’avaient toujours habitée. Une quinzaine de grands tableaux (parmi une trentaine d’œuvres au total) fonctionnent comme autant de miroirs à l’ironie sans malice, reflétant le regard félin à la fois traversant et ahuri de l’anti-héros, solitaire, en couple ou en bonne compagnie, – un tantinet dépassé par notre contemporanéité.
Le titre de l’exposition emprunté au poème d’Arthur Rimbaud fait clairement référence à l’état émotionnel des personnages voulu par le peintre : « Ô Saisons, ô Châteaux ! Quelle âme est sans défauts ? » Il évoque en outre la banale nostalgie du temps qui passe, illustrée par des natures mortes de fleurs-paysages aux couleurs saisonnières d’une éclatante mélancolie, tandis que les abstractions telles que Pompei ou Mire nous rappellent combien Séchas n’est pas seulement le maître du regard d’un chat dessiné d’un trait au pinceau noir, mais aussi un formidable coloriste que l’on peut voir en action dans son atelier par la grâce d’une journée passée avec Vassili Silovic . On retrouvera dans l’exposition au côté d’un martien voyageur, sa fameuse vénusienne, grenouille hybride désinhibée réalisée en pâte de verre, un lapin, ou encore Les trois grâces, très actuelles, exposées dans le vestibule, un Chevalier et une Amazone, pleins d’humour et de vie, tout droit sortis des rêves de châteaux de l’enfance qui nous ont construits ! A noter que les collections du Centre Pompidou ont accueilli récemment trois nouvelles œuvres du maître des chats et qu’au printemps 2021, les félins iront s’installer au Nouveau Musée National de Monaco (NMNM)