Inaugurée le 15 juin au Champ de Mars à Paris, Beyond Walls de Saype illustre les valeurs de bienveillance, d’ouverture et d’entraide prônées par SOS Méditerranée. L’œuvre éphémère de 15 000 m2, qui a demandé deux semaines de travail, représente une chaîne de mains entrelacées que seuls les visiteurs de la Dame de fer peuvent apprécier dans toute son amplitude. La fresque monumentale sera reproduite dans plus de 20 pays au cours des trois prochaines années.
Sur la pelouse du Champ de Mars, l’herbe recouverte de blanc, gris et noir interpelle les visiteurs curieux et perturbe l’harmonie nette et géométrique du panorama. Ce n’est qu’une fois perché sur la tour Eiffel que le visiteur peut découvrir d’immenses mains entrelacées sur 600 mètres de long, peintes à même le sol par le graffeur Saype. S’empoignant avec force et résolution, ces mains forment ainsi la première partie d’une chaîne humaine qui s’étendra dans plus de 20 pays tout autour du globe. Le projet, qui doit durer trois ans, est un hommage de l’artiste aux bénévoles de l’association SOS Méditerranée qui sillonnent les mers et donnent de leur temps afin de secourir les migrants en difficulté.
Sa formation d’infirmier l’ayant très tôt confronté à la souffrance, Saype met son art au service de causes humanitaires et transmet dans ses œuvres un message optimiste de bienveillance et d’entraide. Ses poignées de mains sont d’ailleurs non sans rappeler la main tendue par les marins-sauveteurs volontaires aux migrants traversant la mer au péril de leur vie. Saype est un pacifiste – son nom s’inspire du mot « peace » en verlan –, qui utilise ses talents d’artiste pour transmettre ses idées et ses valeurs. Loin d’être une dénonciation acerbe de la politique anti-migratoire qui gagne de plus en plus de pays, il cherche plus largement à mobiliser contre la misère et les inégalités mais refuse absolument toute politisation de son message. Si l’artiste est français, ce n’est pas pour autant la raison principale qui l’a poussé à choisir Paris comme point de départ de son projet : « Alors que dans d’autres pays, on cherche à construire des murs entre les gens, ici, en France, on continue de créer des liens », explique-t-il. Saype envisage néanmoins d’installer Beyond Walls dans des pays dirigés par des gouvernements très hostiles aux migrants, comme la Hongrie et la Pologne. Difficile de s’intéresser à un tel sujet sans faire a minima de la politique. Quand bien même l’intéressé s’en défend sans cesse.
Alors que ses fresques sociales biodégradables l’ont érigé en figure du street art, l’artiste belfortain a choisi de rendre, l’an dernier, un premier hommage aux volontaires de SOS Méditerranée, qui « mettent leur vie entre parenthèses pour être au service de l’humain ». A deux pas du siège des Nations unies à Genève, le dessin montrait une petite fille déposant un bateau en papier sur le lac de la ville. Le succès retentissant de « Future », comme il appelle l’enfant, a valu à l’artiste de figurer dans le top Forbes des personnalités artistiques les plus influentes de sa génération. Fort de cette avancée, Saype a décidé de poursuivre son action en faveur de SOS Méditerranée avec l’ambitieux projet Beyond Walls. Plus qu’une incitation à porter assistance aux demandeurs d’asile, cette chaîne de mains entrelacées symbolise pour lui l’idée qu’il est impossible d’atteindre paix et égalité sans entraide entre les pays et les individus, tant pour sauver les migrants que pour d’autres causes sociales et humanitaires. Il cherche à interpeller et à créer une mobilisation fondée sur la bienveillance symbolisée par ses mains de sauveteurs et de migrants qui lui ont servi de modèles.
Associant graffiti et Land Art, Saype se sert d’une peinture écologique pour réaliser des fresques engagées directement sur l’herbe et visibles intégralement à la seule condition de prendre de la hauteur. Nécessité qui pourrait en un sens établir une distance entre le public et l’œuvre. Tout le monde ne pouvant pas prendre un hélicoptère ou accéder aux étages de la tour Eiffel. « C’est un peu comme dans la vie, il faut savoir prendre du recul pour mieux analyser les choses », explique un ami d’enfance de l’artiste, également membre du collectif, qui préconise pour sa part l’installation de panneaux montrant l’image dans sa globalité.