Nice met l’art vidéo en orbite

Fondé sous l’impulsion d’Odile Redolfi en 2015, comme plateforme originale et novatrice dédiée à la promotion de l’art vidéo, le festival Objectif Vidéo Nice ou OVNi, fédère encore cette année, depuis le 19 novembre et jusqu’au 5 décembre prochain, plus d’une vingtaine d’établissements –  des anciens abattoirs du 109 transformés en ateliers et salles d’exposition aux hôtels chics de la promenade, en passant par la Villa Arson, à la fois Ecole Nationale Supérieure des Beaux-arts, centre d’art et résidence – pour un parcours bien orchestré reliant les galeries et lieux d’art de la ville aux institutions phares de la côte d’Azur comme autant de galaxies connectées au vaisseau amiral, l’hôtel Windsor – avec ses chambres réalisées par des artistes à réserver tout au long de l’année ou investies du 3 au 5 décembre par une vingtaine de propositions artistiques exclusives !

Le coup d’envoi de la nouvelle édition d’OVNi fut donné lors du week-end du 20 au 22 novembre, avec pour titre « A lion in my room », comme la promesse d’un déploiement d’énergie artistique dans les chambres d’hôtel, et dans toute la ville. Mais c’est aussi une allusion, souligne la curatrice du festival Bérangère Armand au poème d’Allen Ginsberg The lion for real : « Dans ce poème, le narrateur rentre chez lui et trouve un lion dans son salon. Il tente de lui échapper, mais n’y parvient pas.Il raconte sa mésaventure, mais personne ne le croit, Ce récit semblait alors résumer notre époque, affirme-t-elle. Scientifiques, lanceurs d’alerte, artistes s’adressaient déjà à nous pour pointer nos lions. Pourtant, souvent, nous nous entêtions à vivre comme s’ils n’existaient pas. Depuis, ces mots nous saisissent avec une acuité nouvelle. La réalité de la pandémie s’est imposée, du jour au lendemain, comme un signal d’alerte supplémentaire. » Avons-nous ceci dit, bien saisi l’ampleur des dégâts ? Ou bien serions-nous dans le déni comme ce couple de cinéastes formé par l’actrice Tippi Hedren et le réalisateur Noël Marshall qui vécurent avec leur fille Melanie Griffith, pendant toutes les années 1970 avec un lion, Neil, de 200 kilos et 3 mètres de long dans leur ranch californien, désireux de prouver par la réalisation du film Roar avec  la participation d’une dizaine d’autres félins du même poids, leur engagement pour la cause animale. Un génial désastre qui ruina toute la famille et blessa quelques acteurs. Autant dire que si nous n’attendons pas les mêmes prises de risque de la part des artistes d’OVNi, nous avons pu constater néanmoins depuis la sortie du confinement ce formidable engagement vis-à-vis de leur art, et dieu sait si la vidéo est chronophage ! Par conséquent, si « l’édition d’OVNi 2021 entend être le reflet de nos lions, de nos défis personnels et collectifs, de nos combats et questionnements », nous sommes impatients d’en découvrir sur place toute la programmation.

© ORLAN, Self-hybridation entre femmes (acte 1 : ORLAN s’hybride aux portraits des femmes de Picasso #2), 2019.

Voici pour l’heure, quelques rendez-vous incontournables tandis que toute cette semaine se poursuivent les festivités : aussi pour honorer cette édition marrainée par la directrice du Théâtre de Nice, Muriel Mayette-Holtz, il nous fallait au moins la lionne qu’incarne ORLAN, en invitée d’honneur gratifiant le 21 novembre dernier le public du théâtre, d’une performance, Strip-tease, Le Slow de l’artiste en contrepoint du genre.  Que les absents soient consolés :  les hybridations d’ORLAN rendant hommage aux portraits des femmes de Picasso, Les femmes qui pleurent sont en colère, sont exposées à la Galerie Eva Vautier, jusqu’au 15 janvier 2022 (nous y reviendrons, notons aussi que l’artiste sera couronnée de la légion d’honneur le 29 novembre prochain).  Pour l’heure, OVNi propose de clôturer  samedi 27 novembre, son parcours en ville  par une installation d’Ulla Van Brandenburg  à découvrir au Musée Matisse – It Has a Golden Sun and an Elderly Grey Moon est  un long plan séquence, un « film dansé » tourné sur la grande scène de Nanterre aux Amandiers. En soirée, le  Regard Indépendant d’Emmanuelle Nègre attire tout notre attention sur une projection qui se jouera  au Cinéma Mercury.  Dimanche 28, l’OVNi  se décentre et change d’orbite pour rejoindre l’exposition Tremblements au Nouveau Musée National de Monaco, à la Villa Paloma, dont on vous recommande la programmation, Le Cinéma Performé, qui sera diffusée au Cinéma de Beaulieu.

Mais pendant ce temps à Nice, la Saga continue : inaugurée le 19 novembre dernier et visible jusqu’au 22 janvier 2022 à la Station (109), la SAGA est un grand projet vidéo-sculptural initié en 2016, une série de type télévisuel constituée de 7 épisodes s’inspirant du jeu du cadavre exquis : chaque vidéo est réalisée par un artiste invité différent qui peut lire les scénarii des épisodes précédents mais ne peut pas en visualiser les images ! Le premier épisode fut pris en charge par Rafaela Lopez, David Perreard et Baptiste Masson, d’autres talents ont poursuivi. Voir ici un aperçu du projet.

©Madison Bycroft, The fouled compass, Alter Ego, Hôtel Villa Rivoli.

En parallèle, le Festival d’arts médias Artifice Numérique#4 du Hublot  souligne cette année, sous le mot d’ordre #Végétalisons, les interactions imaginées entre l’homme et le végétal sur le thème de la vie, de l’artifice et du sauvage :  jusqu’au 4 décembre, une exigeante et visionnaire programmation propose de nous connecter avec  les œuvres, de  Frédéric Alemany, David Bowen, Elise Morin, Antoine Schmitt, Matthieu Schmitt… Lion dans la chambre ou bien pavé dans la mare, sous sa forme high tech et phototropique, l’installation générative, Life support System, du collectif  Disnovation.org – dont les membres fondateurs Nicolas Maigret et Maria Roszkowska rejoints par Baruch Gottlieb, Clémence Seurat, Julien Maudet & Pauline Briand viennent de remporter  le prix Opline 2021 avec Post Growth,  une pièce du même corpus est une allégorie à la fois sérieuse et ironique du monde actuel pour « le monde d’après » : cette tentative critique d’estimation des interactions et resources nécessaires à tout processus de vie sur la planète terre fut documentée lors d’une conférence le samedi 20 novembre à l’entre-pont : comment se reconnecter avec les réalités physiques, matérielles et vivantes du monde dont nous dépendons intégralement ? Pourquoi ne pas se concentrer sur cette formidable énergie gratuite que nous fournit le soleil et qui avec de l’eau, de la terre et des graines permet de créer  la vie, plutôt – avons nous envie de conclure – que de masquer les interactions de l’astre vital par des pollutions spatiales sous prétexte d’autres conquêtes ? Pendent ce temps là, le Spring Odyssey, une œuvre de réalité virtuelle conçue par Elise Morin en collaboration avec des biologistes et les expert·e·s de la NASA dont les recherches tendent à percer le secret de la résistance à la radioactivité, nous propulse dans la «forêt rouge» ukrainienne.

Life support System [ecosystem services estimation experiment] : provocation artistique visant à estimer les ordres de grandeur des services écosystémiques critiques, essentiels à tout processus de vie planétaire. ©Disnovation.org : Nicolas Maigret, Maria Roszkowska, Baruch Gottlieb, Clémence Seurat, Julien Maudet & Pauline Briand
Dans la continuité de cette thématique, l’exposition Nature et Contre-Nature de la grande halle du 109 nous donne à voir les paysages imaginaires XXL de Jérémy Griffaut aux côtés des visions poétiques en stop motion de Paul Johnson ou des chimères de Florian Schönerstedt dont les feuilles de l’arbre – qui n’existe pas – forment néanmoins des planches botaniques qui dialoguent avec les écorchés des planches anatomiques d’ORLAN : ainsi parallèlement à l’herbier factice se dévoile la femme sans peau ni chair, mise à nue, dans une incarnation allégorique de l’artiste écorché tandis qu’on écoute le son du bois qui craque jusqu’à l’implosion, orchestrée par Thomas Goux et sa redoutable machine à briser… Enfin, le voyageur de la chambre 109, confortablement installé sur son lit, fuyant les lumières de la route qui défilent et les flammes de l’incendie, se trouve transporté par Miguel Angel Fernandez dans une forêt dont la sérénité contraste avec le tumulte de la ville. Autant de frictions, de fictions dans lesquelles s’immerger avant de se glisser dans les chambres des hôtels dont les portes sont exceptionnellement ouvertes au public (l’hôtel Windsor, l’hôtel West End, La Malmaison, l’hôtel Splendid, ou La Villa Rivoli) du 3 au 5 décembre 2021, comme autant d’écrins à l’art vidéo avec chacun sa programmation spécifique.

© Jérémy Griffaud, Contre-Nature, 2021

Informations complémentaires :

Galeries et lieux d’art en ville :  Narcissio (Sandra Iché & Quentin Spohn), Espace à Vendre (Filip Markiewicz), la Librairie Vigna (Guillaume Dustan), l’Atelier Frega (Greg Tudela), le bureau “de l’air” (Grégory Korganow) et à  la Chapelle de la Providence (Gaetan Trovato), Galerie Eva Vautier (ORLAN), L’Artistique (MOYA).

Jeudi 25 novembre

>19h au MAMAC: une histoire de nature, d’hommes, de femmes, de résilience et de défaite technologique à travers la projection de L’île invisible, à la recherche de l’esprit de la zone de Keïko Courdy. La soirée sera également rythmée par un échange entre la vidéaste et l’artiste Clélia Zernik.

Vendredi 26 novembre

>18h au Narcissio : une projection qui joue avec les codes du documentaire, de la performance et de la fiction ! Cette vidéo de l’artiste Sandra Iché est programmée par Amanda Abi Khalil, en résidence au centre d’art.

Samedi 27 novembre

>11h au Musée Matisse : Ulla Von Branderburg

>16h au Cinéma Mercury : programmation d’Emmanuelle Nègre, avec Regard Indépendant.

Dimanche 28 novembre

>11h à la Villa Paloma, Monaco : exposition du Nouveau Musée National de Monaco, Tremblements.
>16h au Cinéma de Beaulieu-sur-mer : Le cinéma performé par le NMNM.

Mardi 30 novembre

>18h30 à la Villa Arson: rencontres In & Out Nice, organisée par l’association Les ouvreurs avec l’artiste et cinéaste Yann Beauvais accompagné du sociologue Antoine Idier. Il s’agira de présenter une anthologie de textes théoriques et critiques sur le cinéma expérimental et les images en mouvement écrite par Yann Beauvais et éditée par Antoine Idier, suivi d’une projection de films du cinéaste autour du SIDA.

 Mercredi 1erdécembre

>18h à L’artistique, Centre d’Arts et de Culture & Espace Ferrero : visite virtuelle du MOYA land sur Second Life en direct du musée par l’artiste Patrick Moya dont nous avions commenté l’œuvre lors d’une exposition rétrospective à la galerie Olympia en mars 2018.

Vendredi 3 décembre

Journée réservée aux professionnels dans les hôtels.

Travel with Estera © Estera Tajber en collaboration avec Ludwik Pruszkowski et Wojciech Golczewski présentée par l’institut culturel polonais

>A partir de 19h, à l’Entre-Pont pôle 109, une programmation du Hublot : Itoladisco,projet audiovisuel hallucinatoire et furieux composé du musicien Benjamin Fincher et du vidéaste Jérémy Griffaud. Soirée de clôture UNO DI NOI

Samedi 4 décembre : Expositions gratuites et ouvertes à tous.

>14h-19h, ouverture d’OVNi à l’hôtel : hôtel Windsor, hôtel West End, hôtel La Malmaison, hôtel Villa Rivoli et hôtel Splendid.

> 20h au Théâtre National de Nice : remise du Prix Grand OVNi (soutenu par le CHE) et Prix Sud Emergence (soutenu par la CECAZ).

Dimanche 5 décembre

OVNi dans les hôtels et les musées gratuits pour tous.
>14h-19h : OVNi dans les hôtels.

Suite du programme à venir  sur le site  ovni-festival.fr

Crédits photographiques image d’ouverture > ©Alter Ego, Madison Bycroft, The fouled compass Hôtel Villa Rivoli.

 

 

 

 

 

 

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