La chorégraphe Marine Mane présentera dans le OFF du Festival d’Avignon, Les Poupées, une pièce (création 2020) en écho à l’œuvre de Michel Nedjar. « Je suis allée le rencontrer dans son atelier, à Paris. Il évoque dans sa pratique, une œuvre cousue avec tous les évènements de sa vie, toutes ses rencontres qui cohabitent à travers ses poupées. Il transforme, réutilise, libère », explique-t-elle. C’est donc la voix du plasticien qui traverse cette pièce tout public (à partir de 5 ans), qui fait surgir les instincts créateurs propres à l’enfance.
Marine Mane y déploie le parcours initiatique et ludique de deux corps qui au fil du jeu se déchaînent, se libèrent des carcans. C’est d’abord frémissant ; on bouge à peine, on dessine timidement ; puis on ose plonger dans la terre, dans la matière, se rapprocher. A force de découvertes plastiques dont les règles se réinventent sans cesse, les corps s’éveillent, pendant que le plateau, sous la forme d’une atelier, prend vie. En même temps que le geste créateur qui s’affiche, que l’œuvre qui s’expose, c’est l’identité de ces corps, affranchis des codes, qui s’affirme.
Michel Nedjar, « tailleur d’ailleurs », comme il se nomme, est depuis toujours fasciné par les poupées. Il en fait naître de chiffons recyclés, de bouts de rien cousus ensemble. Elles sont pour lui des fétiches et des idoles, qui réunissent tout, l’inanimé et le vivant, le beau et l’inquiétant. « Cette poupée, miroir de moi-même, exprime une intimité indicible et permet de jouer avec les codes moraux et sociaux, de créer des espaces de subversions, comme le font naturellement les enfants, de faire l’expérience ensemble de la transformation. C’est une invitation à voir le monde autrement », affirme Marine Mane. Les enfants accueilleront à bras ouverts l’étrangeté née de ce spectacle plastique ; les adultes y verront les influences de Louise Bourgeois, Hans Bellmer, Annette Messager ou Grayson Perry. Tous seront réunis par leur capacité d’émerveillement et leur envie de poésie.
« Tout est là, dans l’épaisseur, dans la matière de la vie. Il faut le voir. Il suffit de le capter. Le seul sens de la vie, c’est : tu nais / tu meurs. Mais entre les deux, il y a des rencontres. Une matière poétique quotidienne. Un enchantement possible. Ce n’est pas un choix. L’existence peut être animée d’un quelque chose poétique. C’est dur à dire. Aveuglément, un fil rouge nous guide, souterrain, loin de la réalité quotidienne rectiligne. Il existe une autre dimension. Et au bout du compte, c’est elle qui fait sens. Ce n’est pas une matière conceptuelle, ni une volonté. C’est comme un travail », souligne Michel Nedjar dans Le chantier des consolations.
Pour accompagner les temps de création des ateliers sont organisés pour les enfants et les adolescents : « J’ai toujours pensé que créer pour le jeune public était une zone à part, un lien à tisser précieux et responsable. Pour être en relation directe avec nos jeunes spectateurs, nous menons des ateliers de fabrication de poupées, de créations scénographiques, pour partager ensemble nos outils, nos références, et intégrer les traces de ces fétiches et jeux de transformation. Nous travaillons avec des objets utilisés par tous, avec de la laine, des chutes de bois, de tissus, de cartons, avec des feutres, des pistolets à colle, des pinceaux, une caméra, de la musique, notre corps. A la fin de ce temps fort, une grande installation est proposée où vivants et objets créés se retrouvent pour une danse commune », précise Marine Mane.
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Contact>Les Poupées, Compagnie In Vitro, sous la direction de Marine Mane, d’après l’œuvre de Michel Nedjar, interprétation Vincent Fortemps et Claire Malchrowicz, scénographie Amélie Kiritzé Topor, création son Margaux Robin. Du 7 au 26 juillet 2022 (relâche les 13 et 20 juillet) à 10 h 50, La Caserne (Sélection du Grand Est), Avignon.