Créée en 1991 par le groupe Colas, spécialisé dans la construction et l’entretien des infrastructures de transport, la Fondation éponyme invite chaque année une quinzaine d’artistes français et étrangers à travailler autour du thème de la route et du voyage. Quelque 350 œuvres ont à ce jour rejoint sa collection, baptisée « Les Routes de l’imaginaire » et exposée au siège du groupe, à Boulogne-Billancourt, comme dans ses filiales réparties à travers le monde. Jean-Michel Alberola, Matt Bollinger, Damien Cadio, Marion Charlet, Hervé Di Rosa, Noël Dolla, Gérard Fromanger, Iris Levasseur, Stéphane Pencréac’h, Guillaume Pinard, Nazanin Pouyandeh, Anne-Laure Sacriste, Alain Séchas, Heidi Wood et Xie Lei furent les lauréats de l’édition 2016 de l’appel à projets, qui a marqué les 25 ans de la fondation. Un anniversaire dans le cadre duquel carte blanche a par ailleurs été donnée à Jean-Michel Ribes, directeur du théâtre du Rond-Point, à Paris, pour imaginer un spectacle* réunissant toutes les facettes du mécénat de Colas – arts plastiques, danse et musique – et qui sera présenté le 3 février prochain. Entretien avec Hervé Le Bouc, Président Directeur général du groupe Colas et président de sa fondation.
ArtsHebdoMédias. – Il y a 25 ans, la Fondation Colas a choisi de dédier sa collection à la peinture contemporaine. Qu’est-ce qui a motivé la création de cette fondation et pourquoi avoir choisi cette discipline artistique plutôt qu’une autre ?
Hervé Le Bouc. – La Fondation Colas a été créée par mon prédécesseur. Grand amateur de peinture contemporaine, Alain Dupont souhaitait faire entrer l’art dans l’entreprise, magnifier le cœur de métier du groupe et fédérer les collaborateurs autour de valeurs culturelles partagées, tout en soutenant les talents de l’art pictural contemporain. D’où l’idée originale de passer commande de toiles à des artistes sur le thème de la route. Lorsque je suis arrivé à la tête de Colas, fin 2007, j’ai été séduit par cette démarche et j’ai décidé de la poursuivre.
Le groupe Colas se positionne aujourd’hui à l’avant-garde de la construction high-tech, avec la création, par exemple, d’une route damée de cellules photovoltaïques. Le mécénat Colas, qui semble aujourd’hui se diversifier, s’intéresse-t-il aux arts numériques ?
Pas particulièrement. Notre mécénat artistique reste pour le moment concentré sur la peinture, avec la fondation, et sur la danse et la musique, à travers Colas en Scène.
Quel est votre mode de sélection des artistes ?
Chaque année, nous lançons un appel à candidature et recevons environ 300 dossiers en moyenne. Il s’agit de candidatures spontanées ou bien transmises par des galeries. Les dossiers sont ensuite examinés par un jury composé pour moitié de personnalités du monde de l’art et pour moitié de collaborateurs. A l’issue de cet examen, une quinzaine d’artistes sont déclarés lauréats. Ils reçoivent alors commande d’une toile à réaliser sur le thème de la route. A partir de ce sujet imposé, qui crée un lien fort entre la collection et le métier principal du groupe Colas, la liberté d’interprétation laissée aux artistes est totale. En témoigne la diversité des œuvres réalisées.
En 2016, Gérard Fromanger, Hervé Di Rosa, Alain Séchas, Stéphane Pencréac’h, Noël Dolla, Jean-Michel Alberola ou encore Iris Levasseur – celle-ci comptant parmi les plus jeunes – ont été lauréats : on ne peut pas dire que ce soient des artistes émergents ! Est-ce parce qu’il était important pour les 25 ans de « marquer le coup », avec un choix d’artistes français déjà bien présents sur le marché de l’art ?
Vous citez les plus connus, mais d’autres lauréats le sont moins. Le choix du jury n’est pas basé sur des critères de notoriété et le processus de sélection a été conduit en 2016 de la même manière que les autres années. Nous accueillons une grande diversité de talents, qu’ils soient émergents ou reconnus.
Comment rémunérez-vous les artistes : en fonction de leur cote et de la taille de la toile ?
Il n’y a pas de règles préétablies pour la fixation des rémunérations.
« Mécéner » les arts vous semble-t-il plus valorisant pour la motivation de vos collaborateurs et l’image de l’entreprise que de les intéresser aux résultats ?
Le but de la Fondation en interne est très simple. Il s’agit de faire entrer l’art dans l’entreprise et de constituer, autour d’un cœur de métier magnifié, un cadre de vie agréable et fédérateur pour les collaborateurs. Ces derniers bénéficient également de conférences sur l’art contemporain et de visites d’ateliers d’artistes.
Comment fonctionne cette forme d’artothèque au sein du groupe ?
La collection de la Fondation circule sur les cinq continents, d’une implantation Colas à une autre, à la demande des collaborateurs des sièges de filiales ou des agences. Les toiles sont accrochées dans les espaces de travail ou de réception. Ainsi, actuellement, certaines acquisitions se trouvent à Montréal, à Copenhague, à Budapest, en Belgique, à la Réunion, aux Etats-Unis ou encore en Nouvelle-Calédonie. Le choix des toiles par les collaborateurs se fait librement, à partir du catalogue de la collection.
En 2008, vous avez lancé un autre type de mécénat, Colas en Scène, et en 2016, vous avez proposé à Jean-Michel Ribes de monter un spectacle vivant à partir de la collection de peinture. Que souhaitez vous mettre en avant à travers ce projet ?
Pour célébrer les 25 ans de la Fondation, nous voulions créer un événement différent de celui organisé pour son 20e anniversaire. Il y a cinq ans, nous avions présenté une sélection de toiles de la collection à l’Ecole des beaux-arts de Paris. Philippe Piguet était commissaire de l’exposition. Ce fut un beau succès. Cette fois-ci, nous avons donné carte blanche à Jean-Michel Ribes pour qu’il crée un spectacle d’art vivant sur le thème de cette collection en mouvement. A l’image de notre mécénat pluridisciplinaire, La route des rêves* mettra en valeur le dialogue entre la peinture, objet de la Fondation, et les autres arts soutenus par le biais de Colas en Scène.
Pouvez-vous nous dire quel est le budget global de l’année 2015 alloué au mécénat ?
Notre budget global de mécénat couvre, d’une part, les actions entreprises par Colas SA dans les domaines de l’art, de la solidarité, de la science et de la mise à disposition de compétences, et, d’autre part, l’ensemble des initiatives des filiales dans le monde. En 2015, son montant s’est élevé à environ 4,5 millions d’euros.
Quelles sont les dates du prochain appel à projets de la Fondation ?
Les prochains dossiers de candidature devront être déposés entre le 24 juillet et le 31 octobre 2017.
La route vue par Jean-Michel Ribes
« La route est un trait. Il coupe le paysage, dessine la ville, borde la mer, ficelle la montagne et s’enfuit vers l’horizon. La route chemine dans l’esprit du peintre, il en rêve et l’invente sur sa toile. Il est artiste, lui aussi, le bâtisseur des voies et chaussées qui marient les cités et les ports, les nourrissant d’abondants transports de commerce et de voyageurs itinérants. (…) Hervé Le Bouc, Président de Colas, a souhaité que les 25 ans de sa Fondation soient fêtés à travers la libre évocation de sa collection par des artistes venus de toutes les disciplines de la scène. Danse, magie, chanson, comédie, vidéo s’uniront pour devenir le cœur battant des œuvres choisies par la Fondation Colas. J’ai demandé au chorégraphe Angelin Preljocaj, au compositeur Reinhardt Wagner, aux magiciens Raphaël Navarro, Clément Debailleul et Etienne Saglio, au scénographe Patrick Dutertre, à la créatrice de costumes Juliette Chanaud, à la vidéaste Louisa Ould, à la créatrice lumières Elsa Revol, entourés de danseurs, d’acteurs, de musiciens, de chanteurs et d’acrobates, de composer une ode scénique où leurs talents se mêleront pour dire avec grâce leur amour de la peinture. » Jean-Michel Ribes
* Le spectacle « La route des rêves » sera présenté le vendredi 3 février à 20 h au Théâtre du Rond-Point, à Paris. Des places peuvent être réservées, dans la limite de leur disponibilité et en indiquant le code « artshebdomedias », par e-mail auprès de fondationColas25ans@artendirect.fr.