Ce n’est pas à la Biennale de l’art contemporain de Venise que l’artiste plasticien et sculpteur parisien Darko Karadjitch présente sa dernière création – une œuvre vidéographique – mais c’est bel et bien au rendez-vous international de l’architecture (ouverture publique du 20 mai au 20 novembre) dont il inaugure aujourd’hui au Palazzo Malipiero, situé au bord du grand Canal, le pavillon du Monténégro, son pays d’origine.
Nous avons découvert l’œuvre de Darko en octobre dans le cadre d’une des trois expositions proposées par le Salon des Réalités Nouvelles durant Paris + par Art Basel : chaque année l’association d’artistes, fondatrice du salon de l’abstraction créé en 1946, réunit la presse qui croise ses différents regards de manière collégiale – pour la remise d’un prix commun, le prix Marin dédié à la peinture, et d’un lauréat par titre. ArtsHebdoMédias (lire notre article) avait sans hésitation choisi cette grande sculpture imposante et frêle, fragile autant qu’indestructible, suspendue dans l’Espace Commines comme un phasme, animée d’un imperceptible mouvement, d’une impulsion : d’un élan. Cheminements #1, nom de l’œuvre impossible à photographier dans son déploiement, autant par le vide qu’elle dessine et remplit, que par son agencement mobile de perles de cerisier taillées à la main et alignées comme d’étranges phalanges, dont l’ombre se matérialise au sol par la constellation symétrique de boulettes d’argile. Comme ces petits cailloux blancs que l’on trouve le long de la voie ferrée…
Pour son installation spécialement créée pour le pavillon du Monténégro (au côté d’autres artistes), Darko décide de se remettre à la vidéo et réalise un film de 22’50 avec le souffle du vent qui balaye les collines du pays, des images d’archives publiques et des photographies qu’il a prises des dix gares en pierre de taille qui jalonnent la voie ferrée de Niksic à Bileca. Chagrins ferrovières, qui emprunte son titre à la chanson nostalgique de Miladin Sobic, Railway Sorrows, rend non seulement hommage au patrimoine architectural exemplaire, abandonné en mai 1976, lors de la fermeture de la ligne pour manque de rentabilité, mais aussi aux hommes qui habitèrent les lieux dans une aventure collective, sans laquelle la tâche à accomplir n’eut été possible. Par un jeu de fondus, comme dissipées dans la vapeur du cheval de fer, se superposent à l’approche d’une gare ou à l’entrée des tunnels creusés dans la roche, les images des cheminots au travail, dans les traces délavées de papiers-peints fleuris et de plâtres aux couleurs aquarelles, témoins d’une vie intérieure, domestique, plus douce, mais aussi, de l’état de délabrement des joyeux architecturaux qui firent la fierté du pays, fédérant un centre névralgique pour les villages autour.
Cofondateur de La Forge de Belleville, lieu mythique d’une création artistique libre et performative dans les années 1980, Darko Karadjitch revient, lors d’une visite d’atelier à la Cité des arts de Montmartre, sur un parcours artistique qui l’a mené du Monténegro à Venise, et dont la destination n’a jamais cessé, pour l’artiste passionné de mathématiques et de la poésie qui en émane, d’être le cheminement qui rejoint la ligne droite. A suivre prochainement dans nos colonnes !
www.darkokaradjitch.com
Contact > Pavillion du Montenegro : Palazzo Malipiero (piano terra) San Marco 3078 – 3079 Ramo Malipiero Venezia.
Exposition-installation Mirages of the future, sous la direction artistique de l’agence nationale du développement et de la promotion de l’architecture du Montenegro.
Biennale d’architecture de Venise : du 20 mai au 20 novembre 2023.
Visuel d’ouverture> © Darko Karadjitch – Railway Sorrows, 2023 (capture d’écran) film-installation vidéo de 22’50, résolution 1024×768. Réalisation Darko Karadjitch, images d’archives publiques des chemins de fer abandonnés de Niksic à Bileca. Bande sonore : le souffle du vent.