Porte-avion, vaisseau spatial, explosion, forteresse, armée de robots, armure d’extra-terrestres… Abu Bakarr Mansaray nous propulse en plein Star Wars. Au premier coup d’œil, les dessins au crayon semblent ludiques, tels ceux d’un éternel adolescent voulant nous partager sa Guerre des étoiles. Mais à bien y regarder, apparaissent une réalité loin des artifices du cinéma, une vie marquée par des épisodes tragiques. A partir de formes aux couleurs vives et d’inscriptions au caractère fictionnel, l’artiste sierra-léonais évoque les expériences traumatisantes qui ont jalonné son existence.
À l’entrée de la salle, trois petits formats créés en 1997. Très précis, ces dessins en noir et blanc ressemblent à des schémas techniques. Les trois machines de guerre y sont accompagnées par leurs légendes, qui permettent au regardeur d’en comprendre les fonctions. Si cette présentation n’est pas sans rappeler les modes d’emploi de certains jouets, le trait de Mansaray distille le danger. Disposés ici ou là, des crânes laissent entrevoir le pire. L’engin n’est pas celui d’un super héros prêt à sauver l’humanité, mais plutôt celui d’un ange exterminateur.
Plus loin de grands formats monopolisent l’attention. Ils arborent couleurs et scénario. Allien Resurrection (2004) est très emblématique d’un dessin devenu univers. L’artiste joue de la fiction pour exposer son propos faisant des agresseurs des extraterrestres. Essentiellement traité au crayon graphite, l’engin intergalactique a largué une bombe nucléaire, le chaos règne désormais. Les détails foisonnants mobilisent le regard. Une guerre totale semble à l’œuvre.
Autre dessin remarquable, One of the African Black Magic. The Witch Plane (2008) représente un avion « chasseur de sorcières », que des phrases commentent. Comme une forme de divination, elles prédisent la mort d’un enfant. Mélange de technique et de magie, l’appareil propulsé par une force mystérieuse peut faire le tour du monde en une seule nuit. Le dessinateur crée un arsenal capable de le protéger contre les cauchemars qui le hantent.
Né en 1969 en Sierra Leone, Abu Bakarr Mansaray a fui la guerre civile, en 1988, et s’est exilé provisoirement aux Pays-Bas. Passionné par l’art et la science, l’artiste ingénieur autodidacte invente des plans techniques et complexes de machines sophistiquées aux allures fantastiques. Retourné dans son pays d’origine des années plus tard, il déploie une œuvre portant les traces des chocs subis. Paradoxales et monstrueuses, ses machines en sont les témoins. Invité par la Cité des sciences et de l’industrie, à Paris, il présente une série de 9 dessins et 2 sculptures jusqu’au 20 février. Si l’artiste a été présenté à plusieurs reprises en Europe, notamment à la Biennale de Venise en 2015, l’institution lui offre sa première exposition monographique en France. Gaël Charbau en est le commissaire artistique.
Contact> Jusqu’au 20 février à la Cité des sciences et de l’industrie, à Paris.