Il est assis sur une chaise, immense et nu, elle, trône dans son lit de géante. L’univers de Ron Mueck aussi familier soit-il dans ses représentations détonne par l’incongruité des échelles et le souci du détail. Colosses ou lilliputiens, ses personnages nous ressemblent dans leur banalité mais nous plongent dans une autre dimension. Chaque élément, même le plus insignifiant, amorce le regard et incite le visiteur à laisser libre cours à une fiction personnelle. Les douze sculptures hyperréalistes réunies au GoMA de Brisbane fascinent et troublent à la fois ; la vie y est bien présente, mais aussi l’illusion de la vie. Tantôt timides et gênés, tantôt indifférents et plongés dans une intense réflexion, mais toujours incroyablement humains, ses personnages livrent à nu leur âme comme leur chair. L’artiste australien, installé en Grande-Bretagne, est d’une précision obsessionnelle, clinique. Une manière d’amplifier, peut-être, une certaine morbidité : surgissent corps obèses et vieillissants, visages à la barbe naissante, femmes âgées aux chairs défaites. Silicone, résine et peinture à huile les rendent plus vrais que nature. Il n’est pourtant pas ici question d’un simple souci de réalisme pour atteindre une figuration parfaite, mais plutôt de permettre à chaque incarnation de laisser entrevoir la complexité de son caractère et permettre au visiteur d’imaginer la part secrète de la scène qui lui est présentée.
L’exposition amuse, surprend et choque parfois au point que l’on pourrait être tenté, à une lecture superficielle, de la classer dans la case divertissement ou performance. Mais Ron Mueck est un artiste qui renouvelle le genre avec des œuvres aux confins de la réalité, à la frontière d’un monde parallèle et fantastique. Un documentaire nous le montre sculpteur de la fragilité et de l’émotion. Sa dernière-née, géante de 5 mètres, une femme âgée proche de la mort, ou encore son autoportrait en gisant endormi, suscitent fascination et trouble. Comme toutes les œuvres fortes.