Au beau milieu de l’espace dépouillé, tel un étincelant champignon nucléaire, jaillit une explosion de milliers d’instruments de cuisine en acier inoxydable. Line of Control, qui évoque les frontières invisibles des territoires contestés dans le monde, s’élève à plus de 5 mètres. Cette œuvre de Subodh Gupta plonge le spectateur dans un univers démesuré. C’est un peu à l’image de la 6e édition de la Triennale d’art contemporain d’Asie-Pacifique (APT) : profusion, diversité et démesure. Avec plus de 300 œuvres et 160 artistes de 25 pays différents, parmi lesquels et pour la première fois : l’Iran, la Turquie, le Tibet, le Cambodge et la Corée du Nord, la manifestation affichait d’entrée ses ambitions. Des œuvres triées sur le volet qui explorent pour la plupart mœurs et traditions de l’Asie-Pacifique, des créateurs fiers de leurs racines et que n’effraient ni les nouveaux supports ni les voies les plus insolites. Le Japonais Kohei Nawa pare un renne de boules de verre comme pour en sublimer la fière allure. Splendide ! Un peu plus loin, œuvre des Chinois Zhu Weibing et Ji Wenyu, 400 personnages en costume, tout de velours, défilent en ordre de bataille avec en guise d’étendard une fleur rose à la très longue tige.
Entre Bouddha matérialisé par des stickers d’enfant, une champignonnière artificielle dans laquelle poussent des « writing-mushrooms » sur lesquels les plus érudits ont pu déchiffrer divers commentaires asiatiques, et pléthore d’autres œuvres abracadabrantes et merveilleuses, l’APT a su convaincre amateurs et professionnels. Installations, performances et vidéos ont rencontré un vif succès auprès d’un public en phase avec cet art contemporain inventif et abordable. Pour preuve, plus de 500 000 visiteurs se sont rendus à la Gallery of Modern Art de Brisbane. Un succès qui consacre cette manifestation, événement majeur du circuit international de l’art contemporain. En attendant la prochaine triennale, signalons la collection d’art contemporain du musée qui à elle seule vaut bien le déplacement.