Michel Audiard – « L’art pour ne pas mourir de la vérité »

Ses œuvres aiment survoler le monde à plumes déployées. A telle
enseigne que déjà 70 chefs d’Etat ont reçu la leur estampillée « Michel
Audiard ». Pas le stylo du cinéaste, mais celui du sculpteur. Jacques
Chirac, Tony Blair, Bill Clinton, Vladimir Poutine, Nicolas Sarkozy,
Valérie Giscard d’Estaing, mais aussi des artistes et des écrivains
comme Madonna, Gérard Depardieu ou Erik Orsenna, la liste est longue.
Le prochain bénéficiaire : Obama. Pour le sculpteur installé en
Touraine depuis une quinzaine d’années, c’est assurément une fierté,
une chance « inouïe de rencontrer les grands de ce monde »,
de laisser sa griffe ici-bas. A 58 ans, l’artiste à la désinvolture
maîtrisée est dans la force de l’âge. Son énergie est intacte sinon
décuplée. Sa fonderie de Parçay-Meslay où autour du métal en fusion
travaillent chaque jour une quinzaine de salariés est pleine à craquer
de projets : des mobiles inspirés des œuvres d’Italo Calvino, des
trophées en ferraille créés pour divers événements comme le festival
Cinéma et Politique dont la première édition s’est tenue à Tours en
octobre, une nuée de sculptures de toutes formes, des commandes
spéciales pour de simples particuliers ou des personnalités en vue… Ses
stylos ? Hormis quelques pièces exceptionnelles que Michel Audiard
consent à montrer à ses invités, tous sont condamnés à la réclusion
dans un petit Fort Knox, coffre-fort inviolable.
Michel Audiard
2009, Michel Audiard devant@ le passage Jean-Claude Brialy@ à Saumur, web_MA-et-Le-Passage-JC-Brialy-a-saumur.jpg

C’est fortuitement qu’Audiard s’est pris
au jeu de la sculpture. A la fin des années 1960, il quitte l’univers
familial, carcan qu’il supporte mal. « J’ai adoré cette période
aventureuse de ma vie. J’ai rencontré mon grand compagnon de route.
J’ai travaillé dix-huit mois sur les marchés, rencontré des hommes
aussi admirables que Bachelard ou Sartre, au gré du hasard. On ne
savait jamais vraiment où l’on allait dormir ou manger le soir, mais on
s’arrangeait toujours pour tourner la situation à notre avantage. C’est
tellement éloigné de l’univers bourgeois dans lequel je suis né, mon
père, homme d’affaires et ma mère, femme au foyer… »

Michel Audiard
Chien, Michel Audiard, 2009

Il croque à pleines dents cette vie vagabonde durant laquelle il
gagne suffisamment d’argent en esquissant des portraits au crayon et au
fusain à Montmartre pour satisfaire ses désirs d’épicurien. « Quand j’y pense, c’était presque trop facile »,
se remémore-t-il. C’est ensuite qu’il découvre la sculpture. En
autodidacte, il se familiarise avec la terre, le modelage, puis
s’attaque au bois et à la pierre qu’il polit avec finesse. Depuis, il a
fait de la ferraille son matériau de prédilection. « Pendant des
années, j’ai fait des femmes sans bras, ces sculptures m’ont fait
connaître, notamment lorsque je vivais en Normandie. »
Malgré les
succès et la diversité de son travail, Audiard a gardé intact son
exigence avec pour doux rêve, le désir d’accéder à la perfection. Vœu
pieux, gageure de tout artiste : « Seul le résultat compte. Je
suis une éponge. Mon boulot est d’essayer d’emmagasiner les images et
les expériences pour améliorer le cours des choses »
, poursuit celui qui a écoulé sur le marché de l’art « quelque 100 000 pièces ». Une profusion qui masque à peine ses fragilités. «
Vous savez, mon travail, c’est une lutte contre la mort. Finalement,
l’œuvre d’un artiste est d’une prétention infinie. Peu importe ce qu’on
fait avec, les matériaux resteront toujours. Alors que l’artiste… »
Dans le cocon de sa fonderie, il est à l’écart, loin du fracas du monde, loin de «
la misère ». « J’ai la chance de ne pas avoir à me heurter aux
problèmes du quotidien des ménages. C’est un luxe. Finalement, j’ai
toujours cherché à m’extraire de cette réalité-là. »
Pourtant, il
doit faire vivre sa fonderie, ses quinze salariés et se confronter, en
somme, à de dures contingences économiques. « Au fur et à mesure
que le temps passe, je me rends compte combien nous, les artistes, nous
sommes indispensables parce que justement inutiles. » « L’art pour ne
pas mourir de la vérité »
prophétisait Nietzsche.

Michel Audiard
Femme Loire, Michel Audiard, 2009

GALERIE

Crédits photos
Chien © Michel Audiard,Diane Chasseresse © Michel Audiard,2009 © Michel Audiard,Femme Loire © Michel Audiard,Un stylo réalisé pour Madonna © Michel Audiard