Cinéaste, photographe et plasticien, Alain Nahum* expose ses dessins depuis le début des années 2000. Passé maître dans l’art du cadrage, le « cinéphotographe » réussit à combiner figuration et abstraction à travers une œuvre mettant en scène de singulières situations. Jusqu’au 9 juillet, la galerie Sens Intérieur, installée à Port Cogolin dans le Var, présente une sélection d’œuvres dans lesquelles les formes s’émancipent de leurs supports et offrent une archéologie de l’urbanité contemporaine. Un projet présenté en détail dans Emergences – Regards sur la ville, un ouvrage publié aux éditions Parenthèses, qui mêle photographies d’Alain Nahum à la prose poétique de Jean Klépal pour appréhender l’au-delà du réel.

« Tiens, au fait, je viens de réaliser un petit film avec mon téléphone mobile, j’avais vu un drôle de petit papier qui bougeait… » C’est avec ces mots qu’Alain Nahum présente quelques images tournées sur le vif à son ami Jean Klépal. Pour une fois, elles ne sont pas fixes mais en mouvement. Porté par le souffle de la ville, le mouchoir en question finira sa course se débattant sur une grille d’aération qui le retient prisonnier, condamné à de vains efforts. Cette pulsion de vie qui anime le détritus est, selon Jean Klépal, « le symbole de la lutte acharnée du dominé pour subsister ». « Une danse sans cesse recommencée », ajoute l’écrivain. Alain Nahum ne procède pas à partir d’un point de vue documentaire, le plasticien est avant tout cinéaste et c’est en tant que tel qu’il immortalise les « minuscules faits divers » qui font la mémoire d’un univers urbain.
Le photographe travaille pour se faire en deux temps : les prises de vue initiales sont celles de l’émotion qui ressort de la rencontre avec l’objet ; vient ensuite le temps du dialogue et de la construction de pistes intelligibles à suggérer au regardeur. Modifiant et triturant l’objet de sa photographie, il le pousse au dévoilement d’un « autre » réel. Dans la série Papiers de nuit, un contraste criant s’installe entre la banalité et la trivialité des matériaux utilisés – Kleenex et débris de chiffons ménagers – et la poésie des formes qui en émanent. « Nous franchissons le miroir, l’évocation prend l’avantage sur l’objet représenté. La chance insigne de ces objets est d’être non-identifiables. Leur présence est cependant si forte qu’elle s’impose avant même que nous ayons le temps de nous interroger sur leur identité », ajoute Jean Klépal
La démarche d’Alain Nahum évolue avec le temps. Dans la série Fil rouge, il passe de « l’archéologie » à la mise en scène. Les personnages y sont soigneusement travaillés, un lien rouge tracé sur un fond sombre par le plasticien met en lumière le mystère qui unit ces petites créatures. « J’ai joué avec eux comme avec les couleurs d’une palette. Puis j’ai tenté de dessiner un lien pour comprendre ce qui unissait les personnages entre eux, explique-t-il dans un chapitre de son ouvrage consacré à cette série. On est proche du théâtre, les dialogues s’inventent… » Dans un même esprit de dialogue, notons que la galerie a choisi de présenter, en regard des travaux d’Alain Nahum, ceux, picturaux de Didier Chort et d’Arnaud Franc.* Deux des vidéos d’Alain Nahum sont à découvrir dans le numéro Spécial été de notre e-magazine pour tablettes numériques. A télécharger librement depuis l’App Store ou Google Play.