Paz Corona | Mas sol que sombra

Pour sa troisième exposition à la galerie Les filles du calvaire, l’artiste Franco-Chilienne Paz Corona propose une série inédite de toiles brossées, des portraits et des corps aussi vibrants que la touche est franche. Avec ce nouveau corpus, riche de toiles et de dessins, elle continue ses recherches formelles sur le thème du portrait et de l’identité, creusant avec sérieux les possibilités qu’il offre. L’artiste dresse ici des portraits inexacts et des corps fragmentaires, sans craindre le non finito, elle laisse au contraire s’épanouir les effets de l’inachevé. Sa peinture est d’abord une affaire de projections mentales et d’associations. Face à ses portraits, Corona se laisse guider par sa main pour peindre, puis par son propre flux de pensées, « incontrôlable » dit-elle. Devant ces regards, lointains ou focalisés, se trouve en effet le hors champs intime du peintre: la présence aérienne de Michel Ange, ou l’histoire même de la peinture avec Berthe Morisot en filigrane. En posant les bases du visage, l’acte de peindre décide ensuite de la direction que prendra le portrait, avec ses éventuel repentirs mais aussi les certitudes de la main. La peintre a procédé comme l’esprit procède lui-même, par association d’idées, de souvenirs, de rêves et parfois de rejets. Dans une lumière fictive et mentale, la carnation des figures est taillée dans la peau de la toile, en nuancier de gris, de rouge et de bleu. Pour sonder l’identité des modèles, elle filtre la forme et le détail, s’émancipe du superflu et détache ses figures du fond par touches puissantes mais fines. En s’approchant, on constate avec surprise que le traitement est plus délicat que brusque, travaillé patiemment en glacis et par couches successives. Paz Corona applique la même méthode sur l’ensemble de ses œuvres mais de façon volontairement diverse. Qu’il s’agisse des grands portraits ou des corps épurés sur le lin brut de la toile, la main de l’artiste parle un même langage. En choisissant d’associer plusieurs manières de traiter le visage, Corona cherche le juste équilibre des formes. Elle ne marque pas son indécision mais fait preuve de discernement en nous donnant la liberté de voir et de comprendre son geste. Visuel : Oro 5, 2016.