Exposition des lauréats du Prix Levallois 2019

« Souvent la photographie reste liée à sa capacité de figer le temps dans un instant qui serait un présent sublimé. Les trois lauréats du Prix Levallois 2019 Sara Imloul, Karina Bikbulatova, Zishaan A. Latif ne sont pas dans cette recherche du présent, ils cherchent les remous du temps en cristallisant la mémoire du passé et les rêves du futur. Leur point de rencontre est leur onirisme, ce lieu anonyme où l’on devient maître de ses rêves jusqu’à les mettre en images. Sara Imloul – avec Passages, (2015-2018, série primée), Das Schloss (2014), Le Cirque Noir (2008-2011), et Négatifs (2012) – parcourt les obscurités d’une mélancolie inscrite dans les objets et les lieux. Ce n’est pas un simple recensement, c’est l’obstinée recherche de l’écho de ses bruissements intérieurs, de sa part d’ombre qui jamais n’en produira. (...) Chaque photographie est un reliquaire, un autel de son culte animiste, elle jalonne son parcours intérieur de cadres sombres, où la magie opère. Ce sont de petits phares pour ne pas disparaître au monde. Karina Bikbulatova, elle aussi, a choisi le noir et blanc pour plonger au cœur d’un secret familial digne d’une légende. Elle traite d’un fait de famille tellement improbable que la fiction est immédiatement de plain-pied. Deux sœurs qui ne savent pas leur lien passent, tous les ans, leurs vacances ensemble, et du fait du hasard de leur famille d’adoption, appartiennent à des milieux aux antipodes. (…) Surtout ne pas fermer les yeux au risque de tout perdre, le combat du noir et du blanc est la métaphore de la disparition. Zishaan A. Latif se sert de la couleur et de ses camaïeux pour évoquer la dissolution et l’impitoyable disparition sous les eaux de certains territoires de l’Inde. Il n’a pas opté pour un méticuleux recensement des érosions dues au changement climatique, il traite de son inquiétude par métaphore. Il nous inonde et nous noie dans ses images comme inexorablement on tombe dans nos rêves de chute. La carte, le paysage, les humains sont des signes de l’asphyxie du monde ; ce n’est pas un rêve mais le cauchemar qu’il annonce. (…) Les trois lauréats 2019 cherchent un autre de la réalité dans leur approche esthétique, mais pour autant ils sont confrontés au besoin de comprendre. L’onirisme est pour eux un choix qui ouvre la voie à la fiction pour mieux saisir leur réel. » Catherine Dérioz et Jacques Damez, galeristes (galerie Le Réverbère), directeurs artistiques et commissaires du prix. Visuel : Photographie signée Karina Bikbulatova.