Pia Rondé & Fabien Saleil | La campagne est noire de soleil

La Campagne est noire de soleil, une invitation au dévoilement de toutes choses, les yeux éblouis, l’échine roussie, le corps ramené vers la terre craquelée, vers l’argile fissuré des commencements. Le soleil irradie de toutes parts, ne laissant plus de place à la fixité, obligeant à une immersion absolue dans un paysage aux contours peu définis, flous dans les vapeurs de chaleur. Les yeux en restent brûlés, et par là-même s’ouvrent à un archaïsme millénaire, redeviennent sauvages, à l’affut de la moindre chose qui pourrait donner un sens, ou permettre la vie : une cavité minérale, une concrétion rocheuse, les restes d’une tourterelle rappelée à l’humus primordial et dévorée par des fourmis. Non loin de là, sous un ciel cramé, le chemin mène à une forêt brûlée : des arbres aux cimes charbonneuses… Pia Rondé et Fabien Saleil ont de tels territoires d’élection. Des lieux solaires. Des sanctuaires nouveaux dans lesquels des images sont prises, pour mieux apparaître plus tard, une fois dépouillées de leur prison photographique. La photographie est alors pure matière à noircir du verre, ou peau permettant d’opacifier la transparence. La photographie n’est qu’un outil : elle est la potion — au sens stricte de bouillon du liquide photosensible, révélateur ou fixateur — de cet art sorcier. Visuel : Pia Rondé & Fabien Saleil, Humeur vitrée, 2016.