Un hommage national pour Pierre Soulages

Une semaine après la disparition de Pierre Soulages, un hommage national lui sera rendu cet après-midi dans la cour Carrée du Louvre, à Paris. La cérémonie sera ouverte dès 13 heures au public mais ne commencera qu’à 15 heures en présence d’Emmanuel Macron, qui prononcera l’éloge funèbre. La cérémonie, qui durera une heure, se terminera au son d’Air sur la corde de sol de Jean-Sébastien Bach, interprété par des musiciens de la Garde républicaine. Parmi les très nombreux écrits témoignant du parcours de l’artiste, ArtsHebdoMédias a sélectionné quelques paroles du peintre pour faire écho à des vues du Musée Soulages, à Rodez, prises en 2019. La rédaction présente ses sincères condoléances à la famille de Pierre Soulages et à tous ceux qui étaient attachés à l’homme et à son œuvre.

« Ma première connaissance de Soulages est une connaissance absolue, celle de sa voix au téléphone. Je sais exactement où j’étais quand j’ai décroché. Le sol de la cuisine est fait de gros carreaux. Je sais sur quel carreau je me suis immobilisé en entendant cette voix. Au centimètre près. Les voix sont ce trésor que les gens vous donnent, même les avares. Ce que la mort ne pourra capturer, ni une machine d’enregistrement. Car une voix, ce n’est pas que le souffle, les paroles, ni même les silences. Une voix, c’est le monde entier repeint par la personne. Comment elle l’aménage ou le brûle. La voix de Pierre Soulages, c’est la grotte de Lascaux avec de belles lueurs au fond de la gorge. »

Extrait de Pierre, texte de Christian Bobin, 2019.

Vue du Musée Soulage, Rodez, 2019. ©Photo MLD

« Je me trouvais à l’intérieur de l’abbatiale quand j’ai été saisi par la beauté de l’espace architectural, j’ai été transporté ! C’est à ce moment-là que je me suis aperçu que l’art était quelque chose d’important dans la vie. Tous les adultes autour de moi, à mes yeux en tout cas, perdaient leur vie à la gagner et n’aspiraient qu’à une chose : le repos du dimanche. Alors, comme de toujours, j’aimais peindre, j’ai décidé, à ce moment-là, vraiment, de faire de la peinture ma vie. »

Paroles extraites du documentaire Soulages, le noir et la lumière de Jean-Noël Cristiani.

Vue du Musée Soulage, Rodez, 2019. ©Photo MLD

« Des liens avec le réel ? Et comment ! J’espère bien que ma peinture est présente dans le monde, et moi qui l’ai faite et vous qui la regardez ! Si le monde est présent dans ma peinture, c’est précisément à cause d’elle, et de vous et de moi, sous ce triple rapport. »

Paroles recueillies par le magazine Clarté, en 1962, rapportées par Pierre Encrevé dans Soulages, Les peintures 1946-2006.

Vue du Musée Soulage, Rodez, 2019. ©Photo MLD

« Je m’acharnais sans réussir à obtenir ce que je sentais en moi. Je suis allé dormir quelques heures. Au réveil, j’ai pris conscience de la lumière transmutée par le noir, j’ai vu un autre fonctionnement de la peinture, un autre champ mental. L’espace n’était plus le tableau, ni derrière le tableau, creusé par la perspective. Il était maintenant devant le tableau, dans le reflet, et je me trouvais dans cet espace même. »

Paroles recueillies par Pauline Mérange pour la revue Cimaise, en 2009.

Vue du Musée Soulage, Rodez, 2019. ©Photo MLD

« Pour moi, l’œuvre n’est pas un signe. Elle ne doit renvoyer ni à un passé, ni à une psychologie ou à une anecdote, sinon elle perd de sa présence. Elle est un objet capable de mobiliser ce qui nous habite au plus profond. »

Paroles publiées par le journal La Croix, en 2009.

Vue du Musée Soulage, Rodez, 2019. ©Photo MLD

« Lorsqu’on voit des gravures qui ne sont que des copies d’une peinture (c’est comme ça d’ailleurs, que l’on pouvait connaître la peinture autrefois, quand il n’y avait pas de photographie), on peut considérer qu’il y a une hiérarchie. La gravure n’était là qu’en fonction de la peinture qu’elle copiait. Mais il est une gravure originale qui a une spécificité, une saveur, une qualité qui lui est propre et je ne vois pas alors pourquoi on préfèrerait, pourquoi on dirait que la peinture est un art supérieur à la gravure, ou inversement ».

Paroles extraites de Pierre Soulages-L’œuvre imprimé, sous la direction de Pierre Encrevé et de Marie-Cécile Miessner, 2011.

Vue du Musée Soulage, Rodez, 2019. ©Photo MLD

« Ceux qui ne voient que du noir ont du noir dans la tête. […] Le noir est la couleur d’origine de la peinture. Les hommes de la préhistoire sont descendus dans le noir absolu des grottes pour peindre avec du noir. C’est aussi la première couleur que nous connaissons puisque nous sommes dans le noir avant de voir le jour. »

Paroles recueillies par Pauline Mérange pour la revue Cimaise, en 2009.

Vue du Musée Soulage, Rodez, 2019. ©Photo MLD

« Aller vers ceux qu’on aime, c’est toujours aller dans l’au-delà. »

Extrait de Pierre, texte de Christian Bobin, 2019.

Lire aussi> Le noir transmuté de Soulages, article de Pauline Mérange, Cimaise, n°293, mis en ligne en 2012 à l’occasion d’une exposition consacrée au peintre à la Alice Pauli à Lausanne.

Contact> Musée Soulages, Rodez.

Image d’ouverture> Vue du Musée Soulage, Rodez, 2019. ©Photo MLD