Perspectives nouvelles pour Le salon de l’abstraction

Sous la verrière de l’Espace Commines dans le Marais, au Réfectoire des Cordeliers à Odéon et à la Galerie Abstract Project à Nation, sera célébrée l’abstraction à Paris. Pour sa 76ᵉ édition du 20 au 23 octobre 2022, l’un des plus anciens salons créés par des artistes, le Salon des Réalités Nouvelles, qui pendant des années ouvrit le bal des foires parisiennes à partir du parc Floral, réitère cette année une configuration en trois espaces intramuros.

Comme un ADN issu de son histoire, le Salon est composé de deux grandes familles qui le structurent en deux pôles : l’un « géométrique » ou « concret », l’autre « non figuratif » qui valorise la liberté, l’informel, la géométrie aléatoire et fractale, une tension qui traverse également les sections sculptures, gravures et photographies. Depuis les années 2000, avec la présidence de Michel Gemignani puis d’Olivier Di Pizio, une réflexion sur la forme que peut prendre l’abstraction s’impose alors que l’art et le Salon sont pris dans le flux numérique d’une réalité devenue virtuelle.

Vue du Salon des Réalités Nouvelles 2021 à l’Espace Commines .©Franck Joyeux.

Dans les années 1970, l’apparition de nouvelles formes d’art abstrait (Supports/Surfaces, groupe BMPT…), sous-tendues par une idéologie contestataire, incite des artistes du Salon à le remettre en question. En réponse, les peintres Maria Manton et Louis Nallard proposent une nouvelle définition de l’abstraction dans une défense de la peinture et des artistes français, parmi lesquels Contreras-Brunet, Marfaing, Margerie… En 1980, le Salon devient le lieu de la permanence de l’abstraction définie comme « la peinture en elle-même » et de « l’abstraction jusqu’en ses marges » figuratives, selon les mots des présidents Jacques Busse et Guy Lanoë.

Le mètre étalon du déplacement de l’ombre au milliardième de la vitesse de la lumière. © collectif, Percept-Lab, Laurent Karst, et Filippo Fabbri.

En 2022, à l’heure du flux, des NFT et de la Réalité Virtuelle, son re-positionnement ne viendrait-t-il pas de la section arts et sciences ?

Devenue incontournable du Salon RN depuis 2014, les installations présentées sont chaque année, l’occasion d’appréhender un phénomène physique à travers une œuvre collective, de décentrer notre regard sur l’univers ou de contempler les propriétés facétieuses de la matière, autrement dit d’approcher l’invisible. Cette année, sous le commissariat de Laurent Karst, architecte-designer enseignant à l’ENSA Dijon, et Filippo Fabbri, chercheur-compositeur et maître de conférences à l’université Paris-Saclay réunis au sein du collectif, Percept-Lab, créé en 2021 nous proposent une installation visuelle et sonore qui rend compte de la vitesse de la lumière : une notion très abstraite du point de vue des perceptions. Or Le mètre étalon du déplacement de l’ombre au milliardième de la vitesse de la lumière – tel est le titre de l’œuvre –, propose d’expérimenter de manière sensorielle la notion de propagation de l’énergie lumineuse dans l’espace par un jeu de projections synchronisées avec le son. Dans la pénombre, seul un halo de lumière apparaît sur le mur, tel l’impact circulaire d’une lumière tournoyante, de façon régulière et stable… C’est à l’Espace Commines dans le marais que nous sommes tous conviés à vivre l’expérience.

Espace Commines – à gauche, Jenny Hollocou à droite Yvonne Behnke ©photo orevo

L’expression « Réalités Nouvelles » serait née sous la plume de Guillaume Apollinaire en 1912 pour désigner l’abstraction comme la forme exprimant le mieux la « Réalité Moderne ». Cet emprunt au poète fut fait pour l’exposition « Réalités Nouvelles », organisée à la Galerie Charpentier à Paris en 1939, qui s’avère être la préfiguration du premier Salon des Réalités Nouvelles de 1946.  Plus de 10 000 artistes ont été exposés depuis la création incluant ceux de la Galerie Abstract Project (ouverte en 2015) qui œuvre tout au long de l’année avec déjà 145 expositions à son actif. Gérée par l’association qui porte le salon, elle fonctionne sur le modèle anglo-saxon des non-profit galleries, et l’organisation de salons Hors les MursAinsi le rayonnement du Salon RN et des artistes qu’il expose, se développe à international par la réciprocité d’invitations : à Belgrade (2013), Pékin (2014), Etoutteville (2016), Berlin (2018), Shenyang en Chine (2019 et 2021). Des Hors les Murs ont eu lieu cette année à la Galerie Noir et Blanc de Bastia, à la G-Lake Art Gallery de la ville de Fu Zhou (province de Fu Jian en Chine) et au MACS, musée d’art contemporain de Santa Maria Capua Vetere, près de Naples en Italie.

Vue du Salon des Réalités Nouvelles 2022 à l’Espace Commines à gauche Jacques Weyer de face Darko Karadjitch ©photo Franck Joyeux

La scénographie est réalisée en partenariat avec Félix Taulelle et La Réserve des Arts, une association qui innove par son approche transversale du réemploi, l’ensemble des cimaises étant conçu à 100 % à partir de matériaux recyclés. Quant aux règles de participation, elles sont aussi simples qu’une sculpture de Jean Arp : le salon réunit des artistes qui travaillent dans le champ des abstractions et présentent chacun une œuvre et sa miniature – peinture, sculpture, gravure, dessin, photographie – aux côtés de la section arts et sciences, et d’invitations faites à des artistes récemment diplômés ou encore en école d’art. Chaque année depuis 2008, un jury de critiques d’art visite le salon en avant-première le matin même de son ouverture et récompense chacun le travail d’un artiste. Ce prix consiste pour la presse en une publication print ou web pour l’œuvre primée et pour La maison Marin en une dotation constituée de matériel. Du Salon RN et à ce jour, 92 artistes ont ainsi bénéficié de la parution d’un article critique sur leur travail ou d’une aide à la création. Voir ici le portrait de Stéfanie Heyer, notre coup de cœur 2021 !

Enfin, cette année encore, un partenariat a été mis en place avec quatre galeries du 6ᵉ arrondissement à Paris, gimpel & müller, Olivier Nouvellet, Seine 55 et Wagner, qui présentent un accrochage d’œuvres d’artistes du Salon. Ainsi se dessine un parcours de l’abstraction tout au long de cette folle semaine de l’art contemporain à Paris !

Les lauréats du prix de la critique du Salon Réalités Nouvelles 2022, sont :

Prix Art Absolument 2022

PERCEPT-LAB (Laurent KARST et Filippo FABBRI), Le mètre étalon du déplacement de l’ombre au milliardième de la vitesse de la lumière, 2022, installation visuelle et sonore © Percept-Lab

Prix Artension 2022

Muriel Kerba, canopée ©photo orevo

Muriel KERBA, Canopée 2 XL, 2021, papier incisé et bouclé sur monotype sérigraphié, 100 x 70 cm © Muriel Kerba, ADAGP Paris 2022 

Prix Arts Hebdo Médias 2022

Darko KARADJITCH, Cheminements ©photo- orevo

Darko KARADJITCH, Cheminements #1, 2022, bois de cerisier, sable et chaux  agglomérés, 147 x 314 x 75 cm © Darko Karadjitch

Avec une mention spéciale pour PERCEPT-LAB (Laurent KARST et Filippo FABBRI), Le mètre étalon du déplacement de l’ombre au milliardième de la vitesse de la lumière, 2022, installation visuelle et sonore © Percept-Lab

Prix L’Œil 2022

Sandrine ARS-COIGNARD, Avant de devenir poussière, 2022, bois polychrome, 97 x 27 x 16 cm © Sandrine Ars-Coignard, ADAGP Paris 2022

Et Stefanie HEYER, Vestige #41, 2022, technique mixte sur papier, 115 x 128cm © Stefanie Heyer, ADAGP Paris 2022

Prix L’Officiel Galeries & Musées 2022

Yanis KHANNOUSSI, Sans titre – Objet Monolithique #3, 2021, peinture et vernis sur résine, 162 x 122 x 40 cm © Yanis Khannoussi

Celia MIDDLEMISS, Voir un univers dans un grain de sable, 2021-2022, huile sur toile, 65 x 92 cm © Celia Middlemiss, ADAGP Paris 2022

Prix Lacritique.org 2022

Marcel CROZET, No Frame ©orevo

Marcel CROZET, No Frame, 2022, photographie, 40 x 120 x 15 cm © Marcel Crozet

 Prix Le Quotidien de l’Art 2022

Éric PETR, Variations de lumière op.6 (détail), 2022, installation de 8 photographies, 27 x 127 cm © Éric Petr

 Prix Point contemporain 2022

Marie GRATZMULLER, Walking on the Edge(série Espaces dérivables), 2022, acrylique sur toile, 130 x 97 cm © Marie Gratzmuller

Prix Marin 2022

Erwan FAGÈS, Sans titre ©photo orevo

Erwan FAGÈS, Sans titre, 2018, technique mixte sur toile, 90 x 120 cm © Erwan Fagès

 Prix Fondation Taylor 2022

Alvaro BOTEZ, Germination, 2018, taille directe, travertin rouge d’Iran et bois, 51 x 41 x 41 cm © Alvaro Botez

Caroline GARCIA, Gneiss I, 2022, gravure sur gomme, 70 x 50 cm © Caroline Garcia, ADAGP Paris 2022

Claude GESVRET, Mouvements, 2022, acrylique sur toile, 80 x 89 cm © Claude Gesvret, ADAGP Paris 2022

Laurence REBOH, Étude pour six taches, 2022, acrylique sur papier, 167 x 226 cm © Laurence Reboh

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Compléments d’information> Salon Réalités Nouvelles 2022 est en entrée libre : www.realitesnouvelles.org

Espace Commines : 17, rue Commines 75003 Paris, tous les jours de 11h à 20h, du 20 au 23 octobre 2022 . Vernissage le 20 octobre de 18h à 21h. 

Réfectoire des Cordeliers, 15 rue de l’Ecole de Médecine 75006 Paris, tous les jours de 11h à 19h, du 20 au 23 octobre 2022
. Vernissage le 20 octobre de 17h à 20h.

Galerie Abstract Project, 5 rue des Immeubles Industriels 75011 Paris du mercredi au samedi de 14h à 19h du 20 au 23 et du 26 au 29 octobre 2022

Galerie Abstract Project, 5 rue des Immeubles Industriels, 75011 Paris.

Les galeries :

gimpel & müller, 12 rue Guénégaud, Paris 6ᵉ

Olivier Nouvellet, 19 rue de Seine, Paris 6ᵉ

Seine 55, 55 rue de Seine, Paris 6ᵉ

Wagner, 19 rue des Grands Augustins, Paris 6ᵉ

Visuel d’ouverture> Salon des Réalités Nouvelles : au premier plan, une sculpture d’Helen Vergouwen. ©Photo Olivier Gaulon

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