Eveillons le corps et l’esprit le temps d’une nuit, grâce à une exploration de la pratique sportive dans les arts. C’est en effet la thématique développée par les commissaires Sandrina Martins, directrice du Carreau du Temple, et Mourad Merzouki, chorégraphe, dans le cadre du 20e anniversaire de la Nuit Blanche. Participant au lancement de l’Olympiade culturelle, mise en place jusqu’aux Jeux olympiques de Paris 2024, cette soirée sera l’occasion de vivre des expériences riches : célébrant la marche, 4 parcours sont organisés pour découvrir des expositions, installations et performances dans la capitale et ses environs. Pour une visite autonome, il sera bien sûr possible de se laisser porter par les lumières des rues parisiennes, et d’apprécier l’ouverture tardive de lieux comme la galerie Ségolène Brossette, où se déploiera l’installation Apis Hortus de Sylvie de Biasi, ou la Galerie Marie Vitoux, qui présentera jusqu’à 22 heures l’exposition Les Impudiques de Michel Charpentier. Au total, 218 évènements seront proposés, dont voici une sélection subjective et éclectique. Bonne nuit !
Entre sons et lumières, La Rotonde Stalingrad invite trois artistes à faire évoluer leurs univers musicaux à travers des visuels interactifs. Les studios de production Des Sons Animés et Bonjour Lab s’associent, et créent pour l’occasion un espace hybride où les images projetées sur les murs du bâtiment réagissent aux différentes sonorités. Pour la première partie de la soirée, le producteur lillois Adam Carpels nous invite à un voyage entre les genres, de l’electronica en passant par le hip-hop. Puis, la performance de Dombrance, experts des musiques de danse, entrera en résonance avec les visuels d’Olivier Laude. Pour clore le bal, le producteur ElephantMat proposera un live immersif jusqu’à 6 heures. Venant de la culture rave des années 1990, il envisage sa performance comme une passerelle entre les générations.
Un peu plus au sud, l’espace Mémoire de l’Avenir ouvrira ses portes jusqu’à minuit pour un programme éclectique. En première partie, l’artiste Cécile Bouillot présentera une performance dans laquelle elle met en scène et en musique des phrases glanées au fil des rues. D’instants du quotidien nait une narration poétique. A découvrir ensuite, l’installation The (un)veiled Gaze de l’artiste Lamozé, inspirée par le phénomène de la synesthésie. L’exposition collective Itinérances de l’Etre vol. 2 sera également ouverte. Développée autour d’une réflexion commune autour du temps, du corps et de leurs métamorphoses, les œuvres se font les témoins des cheminements de l’être.
Pour poursuivre la découverte du son spatialisé, rendez-vous à la Gaîté Lyrique, où Visual System a carte blanche. Dès 17 heures, le collectif artistique propose Détour, une expérience sensorielle à la croisée des médiums. L’installation conçue in situ est un parcours non linéaire où le spectateur peut se laisser guider par la lumière colorée des LEDs. Au sein de cet ensemble immersif, s’invitent également deux autres pièces, Little + et Abîme. Développant une réflexion sur les médias numériques et leur place dans l’urbanisme, le collectif envisage la lumière et le son comme modelant l’espace. L’installation pourrait ainsi être résumée en quelques mots de John Cage : « Voir la musique et entendre la lumière. »
Une pause dans le parcours s’impose, le temps de s’asseoir devant les films de Justine Emard et Eléonore Geissler, lauréates de l’appel à projets vidéo lancé par l’Observatoire de l’Espace pour la Nuit Blanche 2021. Visibles en continu jusqu’à 1 heure, ces deux films sont rassemblés dans une programmation intitulée L’intranquillité des Archives. Inspirés par une enquête documentaire sur les archives du Cnes, centre national d’études spatiales, ils sont nés de l’interprétation, la manipulation et la réactualisation des images. Les artistes redonnent vie à ces matériaux, mais aussi à des figures oubliées : les « non-humains » qui ont participé à la course à l’espace. Robots, astéroïdes ou animaux astronautes sont mis en valeur par In præsentia de Justine Emard, qui s’intéresse autant aux machines, qu’aux animaux et minéraux, et Présences circulaires d’Eléonore Geissler, qui nous plonge dans l’univers du satellite Starlette.
Sortons de la petite ceinture pour rendre visite à la Maison des arts, centre d’art contemporain de Malakoff, qui organise une riche programmation placée sous le signe du collectif. Un fourmillement d’expériences, notamment le film Foot de Libération Nationale d’Amina Menia, racontant la qualification de l’équipe algérienne à la Coupe du Monde de 2010, et ses conséquences sur l’histoire du pays et ses habitants. D’autres récits seront contés par le festival Premiers Films, réunissant de jeunes artistes fraîchement diplômés. A découvrir également, l’œuvre La caravane folle de Malachi Farrell, théâtre ambulant inédit, autour des questions d’exodes politiques et de migrations. L’auteure et metteuse en scène Ema Drouin exposera son Cabinet de Curiosité Urbaine, qui présente une décennie de créations et de recherches autour de l’espace public, tandis que le collectif 16am présentera NaCI, une expérience immersive donnant à voir et à vivre une fête à laquelle on ne peut accéder. Enfin, un banquet convie ceux qui le souhaitent à déguster des mets singuliers, entre cuisine, art et partage.
De l’autre côté de Paris, cap sur Saint-Denis pour une nuit au 6b, investi par la compagnie d’art vivant Soñal Sinor et le studio de création d’art numérique u2p050. Protozoa réunit 23 artistes de tous médiums et horizons pour une création mêlant art vivant, danse et technologies numériques. Cette création polymorphe où s’entrecroisent concerts, projections et performances accorde une place de choix à la danse. Grâce à des chorégraphies allant du flamenco au krump, des installations sonores quadriphoniques ou encore un atelier stéthophone, le corps en mouvement sera à l’honneur dans tous les médiums. Pour compléter l’expérience, une exposition retracera tout le processus de création de Protozoa, et sera accompagnée par des DJs set et concerts jusqu’à 1h30.
L’Abbaye de Maubuisson accueillera Rachel Labastie, qui inaugurera son exposition lors de la Nuit Blanche. Pour Les Eloignées, l’artiste s’est intéressée à l’histoire de deux communautés de femmes en marge de la société au XIXe siècle : les surveillées, femmes condamnées et envoyées en Guyane, où elles rencontraient les surveillantes, les sœurs de l’abbaye de Saint Joseph de Cluny. S’interrogeant sur le statut de ce lieu et celui de cette communauté réunie par des conditions de vie éprouvantes, Rachel Labastie crée un ensemble d’œuvres en argile, porcelaine, marbre ou terre cuite : un travail de la matière qui lui permet de donner forme à la notion de « corps social ». En plus de cette découverte de l’exposition en compagnie de l’artiste, vous pourrez profiter de la présence de la compositrice Amosphère, qui réalisera une performance sonore. Dans la salle du chapitre de l’Abbaye, synthétiseurs analogiques et technologies contemporaines inviteront à une méditation cosmique. De quoi finir la nuit en beauté et en douceur !
Image d’ouverture : Little Ghost, Visual System. ©Visual System