La galerie Maubert, à Paris, accueille actuellement les travaux récents d’Atsunobu Kohira. Le plasticien japonais métamorphosé en artiste-chaman livre une exposition vibrante dont la pierre d’angle est le charbon. Il ne reste plus que quelques jours pour profiter de Matière noire. Alors foncez !
Au cœur de l’espace, un parallélépipède noir (Sarcophagus/Chrysalis). Véritable tombeau rupestre façonné en charbon, l’œuvre est percée sur un flanc laissant à croire qu’un être s’en est extirpé. Au mur, un rayonnement de lignes noires prend source à la hauteur d’une prise électrique. Infime et fragile, un minuscule végétal séché protégé par un assemblage de mines de graphite est accroché dans le blanc d’un mur. Ces trois œuvres de nature différente mais agissant à la même fréquence inaugurent l’exposition Matière noire consacrée par la galerie Maubert au travail récent d’Atsunobu Kohira. L’artiste japonais, installé en France, y présente un ensemble de pièces en lien avec le charbon dont il explore depuis plusieurs années les potentiels en tant que « matière de l’œuvre et énergie vive », selon les mots de la critique d’art Léa Bismuth. Une vidéo dans l’espace du dessous montre quel trésor Sarcophagus/Chrysalis, renfermait et combien il fallut au danseur Bumpei Kunimoto de patience et de volonté pour s’en extirper. La renaissance de l’esprit passe ici par la métaphore et la performance. Il n’est que le corps pour sentir et exprimer la vie. Tout le reste n’est que trace.
Au mur, un masque, un collier et un bâton cérémoniel. Les images d’un rituel animiste se forment dans l’imagination du visiteur. Serait-ce une évocation des Aïnous, peuple aborigène qui dans des temps anciens vivait dans le nord du Japon ? Qui sait ? Il faudra un jour en discuter avec l’artiste. Le directeur de la galerie, Charles Rischard, explique que certains soirs de pleine lune, Atsunobu Kohira revêt ces attributs avant de s’adonner au dessin en pleine nature. Des feuilles grand format témoignent de ces séances où la main de l’artiste-chaman traduit l’énergie qui le traverse. Une couronne de charbon est suspendue dans l’espace ; des fleurs et plantes séchées laissent admirer leur habitacle de graphite. Bien qu’un premier regard pourrait les voir en cage, un second plus attentif comprend qu’elles arborent fièrement cette parure comme un autre état d’elles-mêmes. Le charbon n’est-il pas la conséquence de la dégradation de la matière organique des végétaux ? Certes le graphite n’est pas du charbon mais tous deux ont le carbone en partage. Ces fragiles mines de graphite ne se dressent pas comme un rempart mais illustrent la complexité de la nature et son immense capacité à la transformation. Il y a dans ce travail quelque chose de l’ordre du « tout est dans tout ». Cette énergie primordiale qu’Atsunobu Kohira appelle de ses vœux est palpable dans la galerie. Transmuée désormais en une force sensible.