Atsunobu Kohira | Matière Noire

« La matière noire est une matière invisible dont on postule l’existence dans l’Univers, c’est aussi la matière même, carbonifère et énergétique, de cette exposition. C’est pourquoi, depuis déjà plusieurs années, Atsunobu Kohira explore les potentiels du charbon en tant que matière première de l’œuvre et énergie vive. Cela s’apparente pour lui à une forme de quête spirituelle, à la poursuite de l’âme de cette substance. Le travail commence dans d’anciennes régions minières du Nord de la France, à Lens en 2015, et à Béthune en 2017 (pour l’exposition Intériorités, Labanque). Cela mènera l’artiste au Japon, sur les chemins du pèlerinage de Kumano Kodo, pour la création d’une encre de Chine spécifique au charbon de bois ; et se poursuivra à Hiroshima (pour Crow Cycle, Miyauchi Art Foundation), et à New York (Seek hope, who enter here, The Chimney) en 2018. Afin de transformer l’énergie carbonifère en puissance immatérielle, l’artiste sait qu’il faut en passer par le corps, un corps s’exerçant par le rituel. (...) Si les œuvres sont bien la trace d’un voyage spirituel, elles sont donc toujours le fruit d’une, action vécue, performée. (...) Mais les pièces les plus touchantes et significatives sont sans doute ces dessins réalisés lors des nuits de pleine Lune. En effet, depuis mars 2019, à l’extrême de la phase lunaire, Atsunobu s’adresse à l’astre, face à l’espace et au milieu de vastes champs. En pleine nature, il éprouve aussi une solitude environnementale, propice à la contemplation et à l’exercice des puissances, muni de trois objets sculpturaux et cérémoniels : un masque, un collier et une canne. Ces trois instruments sont des intercesseurs entre les forces humaines et naturelles. Des médiateurs entre les mondes. L’émotion que l’on peut ressentir ici réside avant tout dans la fabrication d’objets fonctionnels et utiles — se donner de l’énergie, dessiner avec du graphite charbonneux, dissimuler son visage. Car, lorsque l’on dit d’un objet rituel qu’il a servi, ou d’un masque qu’il a dansé, c’est qu’il est entré en communication avec des forces qui le dépasse. Ces dessins portent la trace invisible de cette lumière-là. Laissant découvrir au regard des traits de suie, des ombres, des empreintes de carbone, et le résidu de gestes chorégraphiques, ces dessins de nuit lunaire sont imprégnés d’une transe méditative en infinie variation. » Léa Bismuth, commissaire de l’exposition. Visuel : Carbon variation N°12, dessin mural, Atunobu Kohira, 2019.